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03/15/2002

Astor Piazzolla : Histoire de Tango


Cécile Daroux, flûte ; Pablo Marquez, guitare.

1 CD Harmonia Mundi ~ Les nouveaux interprètes ~ 911 674.



Qui oserait encore prétendre avec outrecuidance que le Tango est un genre musical mineur parce que populaire ? Un austère "classiqueux", sectaire et d'un autre âge ?! S'il n'en reste qu'un de cette terrible engeance, qu'il se jette passionnément alors sur cet ODNI (objet discographique non identifié) ; et son jugement teinté de parti-pris s'envolera sans nul doute possible à tire d'aile. Jadis Michel Plasson, sous les couleurs d'EMI, n'a pas cru déchoir en rendant un fervent hommage à Carlos Gardel. C'est au tour d'une charmante flûtiste de nous embarquer - non pas pour Cythère, mais pour une virée unique dans le monde du Tango. Si cette jeune et discrète interprète, entendue au « Festival Manca » à Nice dans Jupiter de Philippe Manoury en Novembre dernier, résiste aux sirènes de la Déesse Médiatisation, c'est pour se consacrer avec humilité entièrement à son Art.


Debussy, Xenakis, Manoury précité, Kurtag... et Piazzolla - un Piazzolla halluciné et enfiévré. A l'écoute de ce disque rare, toute résistance est vaine ! Grâce à Cécile Daroux et ses fidèles compagnons, l'on quitte les rives hexagonales pour une vaste rétrospective sur le Tango. Dépaysement garanti : l'on atteint de la sorte une luxuriante culture musicale spécifique, aux lignes bariolées, qui tresse un lyrisme tour à tour tendre, mélancolique ; mutin. Ainsi, les quatre mouvements aux sonorités argentines pour flûte et guitare - bordel, café, night-club et concert d'aujourd'hui - s'organisent comme une flamboyante symphonie de chambre en quatre sections. Et les fines arabesques de la flûte s'entrelacent tels des filaments autour de la guitare.


L'on se retrouve sur une plage déserte un petit matin, les sens embaumés par un séjour prolongé dans une "boîte" à tango ; où l'on se sera enivré de quelque nectar liquoreux, et de mélismes diaprés d'une musique insinuante (proche de Bartok et Stravinsky – voire d'Ohana). Fascinants, les six Tangos-Etudes pour flûte seule - avec une séquence issue en droite ligne de Bach... Volet introspectif paraissant une incantation mystique à quelque Divinité enfouie dans un territoire interdit : les douces et impalpables volutes stellaires de la flûte constituent les inextricables champs de lianes d'une mer de verdure impénétrable (écouter la plage n° 8 : Lento meditativo).


Même sensation de sortie de soi-même avec la plongée en apnée dans le lyrisme étincelant de la Tango-Suite. Mais, le dernier morceau sensuellement désespéré - Oblivion pour flûte alto, bandonéon, guitare et contrebasse (plage n° 17) constitue peut-être le sommet du CD ; quatuor insolite en un seul mouvement, empli d'une tristesse latente et indéfinissable. Quitte à risquer un rapprochement iconoclaste, l'intensité dramatique de la partition fait penser au dernier Bruckner ; celui du troisième mouvement de la Neuvième Symphonie. Bien qu'ici il faille davantage songer à un bal illuminé de rires et de tendres attouchements - promesse d'une rage amoureuse intériorisée difficilement contenue -, qu'à une apothéose mystique... Et pourtant, cet Adagio crépusculaire, ce mini-poème de l'extase, est empreint d'une telle résignation !


Peut-être les dernières mesures ont-elles emporté ce qui nous restait de raison ? Puisse Cécile Daroux connaître, telle Amélie Poulain, un fabuleux destin du même ordre.


Étienne Müller.

 

 

 

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