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05/11/2025
Laurent Feneyrou : B. A. Zimmermann / Action ecclésiastique
Contrechamps poche – 281 pages – 15 euros
 Sélectionné par la rédaction
On sait depuis Hérodote que l’histoire est enquête ; mais la musicologie l’est parfois tout autant. Spécialiste de Bernd Alois Zimmermann (1918‑1970), Laurent Feneyrou se mue en détective pour démêler l’écheveau lexical et sériel de l’Action ecclésiastique (1970), ultime œuvre achevée du compositeur rhénan lequel, sous l’emprise d’une dépression que plusieurs mois de cure de sommeil en une clinique psychiatrique ne parviendront pas à soigner, se suicide le 10 août 1970, à cinquante‑deux ans.
Il s’agit notamment pour notre musicologue de remonter aux origines de la conception du temps et de la durée pour étudier comment celle‑ci se traduit concrètement dans la musique de Zimmermann, des premières pièces sérielles jusqu’à cette « œuvre radicale, austère, âpre, rugueuse, sinon rêche ». Et Feneyrou de pointer le compagnonnage intellectuel avec son meilleur ennemi de Cologne, Karlheinz Stockhausen, dont l’article Structure et temps vécu (1955) manifeste une « proximité théorique ». Mais Zimmermann s’est empressé de se trouver d’autres intercesseurs dans le champ littéraire, au premier rang desquels Ezra Pound (musicologue à ses heures), attaché à mettre « en évidence la continuité entre pulsation et fréquence ». La conception sphérique du temps de Zimmermann, elle, doit beaucoup à la lecture des Confessions de saint Augustin ; des trois présents augustiniens (passés au prisme de Husserl) découleront son usage des citations et leur corrélat stylistique : le pluralisme.
Avec le même luxe de détails qu’il mit dans l’analyse du Requiem pour un jeune poète (Le Chant de la dissolution, Editions La Philharmonie de Paris, 2018), Laurent Feneyrou procède à pas comptés, soulignant à chaque étape les torsions qu’imprime Zimmermann au texte du « Grand inquisiteur » de Dostoïevski (traduit en allemand). Certes, certaines pages ayant trait aux tableaux sériels ne sont pas d’une lecture aisée, et le propos n’échappe pas toujours au vertige énumératif, mais reconnaissons que les références collectées par Zimmermann prêtaient le flanc à un tel maillage exégétique.
Des nombreux renvois, opérés d’une partition à l’autre du catalogue du compositeur, contribuent à inscrire l’Action ecclésiastique dans le sillage des œuvres précédentes (Omnia tempus habent, Antiphonen, Les Soldats, etc.) en même temps que la tension nihiliste qui la sous‑tend opère une rupture irréparable. Un livre d’une intimidante hauteur de vue, indispensable pour connaître en profondeur l’un des créateurs majeurs du siècle dernier.
Jérémie Bigorie
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