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10/02/2001
Butor/Beethoven :Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven
Jean-François Heisser (piano).
Livre-disque Naïve, F7 7824, diffusion Actes Sud.
22,10 €
C'est une production tout à fait passionnante et inédite que propose l'éditeur Naïve avec ce livre disque qui confronte l'écrivain Michel Butor et Beethoven. La rencontre, elle, n'a rien d'inédit, puisque dès 1971 Michel Butor proposait un parcours très personnel à l'intérieur des Variations Diabelli, opus 120, avec un livre intitulé Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli. Quelques années plus tard, Michel Butor fit la connaissance du pianiste Jean-François Heisser et ils proposèrent ensemble un concert-lecture associant leur vision des Diabelli. Ils ont renouvelé l'expérience cet été à Avignon et récemment France Culture a diffusé une nouvelle mouture de cette rencontre exceptionnelle.
Nombreux sont les exemples de rapprochement entre artistes de disciplines différentes : on peut évoquer Léonard de Vinci et Valéry, Pierre Boulez et Paul Klee, Michel Schneider et Schumann, Deleuze et Pierre Boulez encore. Quelle que soit l'approche privilégiée par les uns ou les autres, il semble qu'il y ait toujours une sorte de phénomène de fécondation. Dans le cas de la rencontre Beethoven/Butor, ce qui frappe, c'est la variété des angles selon lesquels Butor scrute l'œuvre du compositeur. Son texte mêle en effet très intimement une analyse musicale érudite, une réflexion sur la structure de l'œuvre et notamment sur les nombres en jeu, les symétries, les effets de miroir ; sans pour autant exclure un travail plus proprement littéraire, poétique, une sorte de rêverie, d'improvisation imaginaire à partir de chacune des variations et de leur ensemble.
Ce livre-disque rassemble donc le premier travail de Butor auquel s'adjoint un nouveau texte plus récent, qui vient compléter certaines des intuitions ou des idées de l'écrivain et intitulé le Château du Sourd ; dans cet écrit de 1999, l'auteur propose notamment une mise en perspective des Diabelli avec les sonates ainsi qu'un nouveau parcours à l'intérieur de l'œuvre. Et puis il y a, indispensable, le disque : les Variations Diabelli opus 120, réputées si difficiles à interpréter en raison notamment de l'incessant changement de climat ; Jean-François Heisser relève complètement le défi, passant en un instant de l'ombre à la lumière, du drame à la joie, de la danse légère à la lourde marche ; il scande les accents héroïques avec des doigts d'acier puis conduit une phrase élégiaque avec un magnifique legato (il faut rappeler que les 33 variations et leur thème représentent environ 50 minutes de musique et que certaines des variations n'atteignent même pas la minute). Si bien que lisant Butor en écoutant Heisser, on sent à quel point les images du poète surgissent dans le jeu du pianiste, presque fantomatiques, donnant forme à l'évocation. C'est absolument superbe.
N'a-t-on pas alors envie de remercier Diabelli, pourtant si décrié pour sa valse jugée souvent de façon très méprisante ? A commencer par Beethoven qui dans un premier temps se refusa à participer à l'entreprise éditoriale de Diabelli qui consista à proposer ce même thème à une cinquantaine de musiciens. Diabelli a suscité lesVariations Diabelli de Beethoven, qui elles-mêmes ont engendré les deux textes de Butor et au carrefour de la musique et de la littérature, un pianiste voit son imagination et son jeu profondément inspirés par cette double source. Fécondité de la grande œuvre d'art !
Florence Trocmé
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