About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

06/03/2024
Gabriel Fauré : Poème d’un jour, opus 21 – La Bonne Chanson, opus 61 – Ballade pour piano, opus 19 – Le Jardin clos, opus 106 – Mirages, opus 113 – L’Horizon chimérique, opus 118
Stéphane Degout (baryton), Alain Planès (piano)
Enregistré en l’abbaye de Royaumont (mai 2023) – 81’06
Harmonia mundi HMM 902382





Qui rêver de mieux aujourd’hui pour interpréter cinq cycles de mélodies de Fauré que les deux interprètes français Stéphane Degout et Alain Planès ? Ces cycles, particulièrement La Bonne Chanson et L’Horizon chimérique, ne manquent pas de références dans la discographie. Il est intéressant d’y revenir avant de rendre compte de cette nouvelle interprétation.


Dans les années quarante du siècle dernier, le baryton‑martin suisse Charles Panzéra – le créateur de L’Horizon chimérique – accompagné par Madeleine Panzéra‑Baillot, a enregistré des versions de référence dont nul ne contestera l’authenticité du style (Pearl). Puis, dans les années cinquante vint Camille Maurane, autre baryton‑martin à la voix claire, qui a enregistré avec un style tout à fait impeccable et beaucoup de rigueur dans la diction nombre de ces mélodies, accompagné par Pierre Maillard‑Verger et Lily Bienvenu, qu’Erato et Philips ont republiées dans les débuts du disque compact. Avec une magistrale diction, il leur imprime un style qui allie noblesse et mélancolie avec, sans aucune afféterie, une parfaite diction française. Il nous paraît bien préférable à celui qui régna sur la mélodie française pendant vingt ans, le Français Gérard Souzay avec Jacqueline Bonneau (Decca), puis accompagné par l’excellent Dalton Baldwin (Philips, réédition en CD). Timbre de velours plus sombre, diction châtiée, probablement plus à l’aise chez Chausson, Duparc, Debussy et Poulenc, il fut, pour Fauré, stigmatisé par Roland Barthes dans ses Mythologies pour un excès de préciosité bien réel et qui rend aujourd’hui difficile l’audition de ses Fauré. Puis il a, avec le même accompagnateur, participé tardivement à une intégrale en quatre disques pour EMI, partagée avec une Elly Ameling au ton très affecté. Si le style de Souzay était volontiers artificiel, grandiloquent parfois, gardant une certaine distance par rapport au texte, sa diction était toujours excellente.


Puis vinrent les interprètes plus sobres et hautement recommandables que sont le Néerlandais Bernard Kruysen, accompagné par Noël Lee, et, dans les dernières décennies du siècle, Jacques Herbillon, d’une merveilleuse simplicité, accompagné par Théodore Paraskivesco (Calliope, microsillons jamais réédités ?), et l’Américain Sanford Sylvan avec David Breitman (Nonesuch). On a écouté l’an dernier sans grand plaisir une intégrale entièrement chantée par le ténor Cyrille Dubois accompagné par Tristan Raës. Plus récemment, certains contre‑ténors se sont également approprié ce répertoire avec plus ou moins de bonheur...


L’illustration de cette nouvelle parution fauréenne, La Salève et le lac de Félix Vallotton (1900), nous avertit d’emblée que cette musique nous fera voyager autant entre deux eaux qu’entre ciel et terre. Stéphane Degout aborde ce programme avec un ton sérieux, trop peut‑être, une sobriété dont il ne se départit pas d’un bout à l’autre. Il y met un timbre sombre et mâle, une diction impeccable et aucune préciosité. La Bonne Chanson comme Le Jardin clos souffrent un peu de cette absence de versatilité. Dans Mirages en revanche, il aurait pu sans dommage quitter un peu de cette neutralité pour plus de préciosité, compte tenu du côté symboliste et rhétorique des vers de la baronne Renée de Brimont (n’est pas Verlaine qui veut...). Le programme s’achève avec L’Horizon chimérique, probablement ce que Fauré a composé de plus déchirant dans son abondante production de mélodies, sur les poèmes si dramatiques de Jean de La Ville de Mirmont. Stéphane Degout quitte la neutralité relative des quatre cycles précédents pour en donner une interprétation d’une belle intensité. Ce grand texte poétique évoque tant la psychologie de Pelléas qu’on ne peut rêver aujourd’hui un interprète plus adéquat. Alain Planès exploite la partie de piano, qui, à elle seule, condense toutes les formes et le style fauréen avec la même intensité comme dans tout le programme, où il surpasse en intérêt musical le chanteur qu’il accompagne. C’est probablement depuis Dalton Baldwin le meilleur accompagnateur de ce répertoire.


Si le programme est écouté d’un seul jet, ce que l’on ne conseille pas, une impression de monotonie répétitive pourrait vite s’emparer de l’auditeur, mais en son milieu, la Ballade de Fauré, qu’Alain Planès joue dans sa version originale pour piano seul, également sur un Pleyel « Grand Patron » de 1892, constituerait une salutaire mi‑temps. Le pianiste, qui l’aborde avec une sobriété parfaite et un luxe de couleurs, lui donne un ton de barcarole très séduisant. C’est certainement une des meilleures versions disponibles aujourd’hui.


Olivier Brunel

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com