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04/08/2024
« Variation[s] » 1
Ludwig van Beethoven : Variations et Fugue « Eroica » en mi bémol majeur, opus 35 – Six Variations en fa majeur, opus 34 – Six Variations en ré majeur opus 76 – Sept Variations sur « Kind, willst du ruhig schlafen » en fa majeur, WoO 75 – Neuf Variations sur « Quant’è più bello » en la majeur, WoO 69 – Six Variations sur « Nel cor più non mi sento » en sol majeur, WoO 70 – Huit Variations sur « Tändeln und Scherzen » en fa majeur, WoO 76
Robert Schumann : Etudes en forme de variations sur un thème de Beethoven en la mineur, WoO 31 – Geistervariationen en mi bémol majeur, WoO 24
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour piano n° 11 en la majeur, K. 300i [331]
Anton Webern : Variations, opus 27





« Variation[s] » 2
Ludwig van Beethoven : Trente-deux Variations en do mineur, WoO 80 – Vingt‑quatre Variations sur « Venni amore » en ré majeur, WoO 65 – Cinq Variations sur « Rule, Britannia! » en ré majeur, WoO 79 – Six Variations en sol majeur, WoO 77 – Neuf Variations sur une marche d’Ernst Christoph Dressler en do mineur, WoO 63 – Douze Variations sur le « Menuet à la Viganò » en do majeur, WoO 68 – Sept Variations sur « God Save the King » en do majeur, WoO 78
Johann Sebastian Bach : Aria variata alla maniera italiana en la mineur, BWV 989 – Partita pour violon n° 2 en ré mineur, BWV 1004 : 5. Chaconne (transcription Johannes Brahms)
Jan Pieterszoon Sweelinck : Six Variations sur « Mein junges Leben hat ein End » en la mineur, SwWV 324
Morton Feldman : Last Pieces
Georges Crumb : Processional
John Cage : 7 Haiku – In a Landscape

Cédric Tiberghien (piano)
Enregistré à Poitiers (janvier 2022 [1] et janvier 2023 [2]) – 142’ et 154’
Deux albums de deux disques Harmonia mundi HMM HMM 902433.34 et HMM 902435.36





Très apprécié par le public anglo-saxon, Cédric Tiberghien mène en revanche une carrière plus discrète en France, où il n’est peut-être pas tout à fait reconnu à sa juste valeur, celle d’un pianiste imaginatif et d’un musicien complet, qui s’est notamment illustré dans le domaine de la musique de chambre avec la violoniste Alina Ibragimova. Il faut espérer que cette situation évolue grâce à l’ambitieuse entreprise discographique qu’il mène actuellement pour harmonia mundi, celle d’une intégrale des variations pour piano de Beethoven, mises en miroir avec d’autres œuvres illustrant le même genre, de la Renaissance à nos jours.


Paru en 2023, le premier volume juxtapose habilement des œuvres de Schumann, Mozart et Webern à différents cycles de variations beethovéniens d’ampleur et d’intérêt inégaux. Des correspondances stimulantes sont ainsi tissées au fil du programme, avec évidence dans le cas de la Sonate K. 331 de Mozart et des Variations opus 76 (caractérisées par leur « Marche turque »), ou des Variations WoO 31 de Schumann, qui se fondent sur l’Allegretto de la Septième Symphonie de Beethoven ; avec plus de subtilité entre les Variations de Webern et les Geistervariationen de Schumann, les unes et les autres elliptiques et testamentaires.


L’un des grands mérites de ce double album est de mettre en lumière des pages trop souvent occultées : plus que les Geistervariationnen, les Variations WoO 31 en constituent l’un des sommets ; ineffables, dépouillées, changeantes, elles s’achèvent dans un « presque rien » sonore bien éloigné des affirmations triomphales et de la rhétorique des conclusions beethovéniennes, preuve du rapport complexe de Schumann avec l’intimidante figure du Maître. De même, Tiberghien rend admirablement les deux cycles composés sur un thème original (Opus 34 et Opus 76), trop souvent dans l’ombre des Eroica et des Diabelli, notamment l’étonnant voyage tonal des Variations en fa majeur (mais un peu moins l’inventivité jubilatoire des turqueries de l’Opus 76, où l’on a peine à oublier l’extraordinaire version de Richter).


En revanche, l’approche choisie par le pianiste pour le grand cycle des Variations opus 35 dites improprement « Eroica » (on sait qu’elles furent en réalité composées à partir d’un thème du ballet Les Créatures de Prométhée) laisse un peu perplexe. Tiberghien y privilégie en effet le beau son et la courbe mélodique, plutôt que le mordant et la verticalité. Par là, il réduit un peu la force de ce cycle, qui, sous d’autres doigts, accumule de l’énergie au fil des variations pour mieux éclater dans la fugue finale. Si l’interprétation compte ici de beaux moments (les variations 8 et 14 jouées comme d’amples nocturnes), il y manque cette jubilation furieuse et cette progression inexorable qu’on trouvera chez Brendel, Gelber ou Gilels, pour ne citer qu’eux. La sonate de Mozart piétine de même un peu (14 minutes 30 pour le premier mouvement !) et, trop alanguie, n’a pas cette pulsation magique que lui donnent les grands pianistes mozartiens.


Le programme du deuxième volume (paru en 2024) semble moins cohérent et plus illustratif. Si les Variations en ut mineur WoO 80 sont un authentique chef‑d’œuvre, dont Cédric Tiberghien choisit de souligner le caractère virtuose en adoptant des tempos très rapides, les autres cycles beethovéniens qui jalonnent les deux disques sont bien plus anecdotiques. On s’amuse certes à écouter les Variations sur « God save the King » (que Cziffra utilisait jadis pour se chauffer les doigts au début de ses récitals), mais on s’ennuie parfois à l’écoute des autres cycles de variations aimables, superficielles et parfois longuettes que le jeune pianiste venu de Bonn composait sur des airs alors célèbres à Vienne pour mettre en valeur sa virtuosité.


Les « compléments » d’autres compositeurs sont également d’un intérêt moindre, hormis la Chaconne de Bach transcrite pour la main gauche par Brahms (à ne pas confondre avec la transcription pour deux mains réalisée par Busoni) et déclamée ici avec une éloquence qui donne envie d’entendre Tiberghien dans les Variations et Fugue sur un thème de Haendel (dans le prochain volume ?). Les autres pièces choisies ont, contrairement à celles du premier volume, une simple fonction d’intermèdes entre les séries de Beethoven (elles‑mêmes souvent faibles) : la parenté des unes et des autres ne saute pas aux oreilles, plaçant ce volume sous le signe de l’éclectisme. Non dénuées d’agréments, les pages de Sweelinck et de Bach (qui n’est pas ici à son meilleur) montrent un peu laborieusement l’ancienneté de la forme variée, tout comme celles de Feldman, Cage et Crumb illustrent les approches modernes (chacune à leur manière) des compositeurs américains qui, à la suite de Beethoven, dissolvent le thème pour mieux renouveler la formule combinatoire de leurs variations. Mention spéciale, au sein de ce corpus, au Processional de George Crumb, fascinante construction pianistique autour de la répétition d’un même accord, qui apporte un écho aux teintes sombres et à l’infinie transformation du thème par les trente‑deux micro‑pièces WoO 80 de Beethoven.


Si ce deuxième volume apparaît un peu en retrait par rapport au premier, gageons que le troisième et dernier, qui devrait se déployer autour des Variations Diabelli, apportera une belle conclusion à ce projet discographique original et dans l’ensemble très bien réalisé.


Le site de Cédric Tiberghien


François Anselmini

 

 

 

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