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10/29/2023
« Concerti per violino XI “Per Anna Maria” »
Antonio Vivaldi : Concertos en ré majeur, RV 229, en si bémol majeur « O sia Il corneto da posta », RV 363, en ré majeur, RV 207, opus 11 n° 1, en mi bémol majeur, RV 260, en do majeur, RV 179a, et en mi bémol majeur, RV 261 – en do majeur, RV 179a : 2. « Largo » (avec ornementation originale du Concerto RV 581)
Europa Galante, Fabio Biondi (violon et direction)
Enregistré à la Sala della Carità, Padoue (9‑13 octobre 2020) – 62’54
Naïve OP 7368 (« Vivaldi Edition » vol. 71) – Notice (en français, anglais, italien et allemand) de Cesare Fertonani
« The Three Seasons of Antonio Vivaldi »
Antonio Vivaldi: Concerto en la majeur « con violini d’accordatura diversa », RV 343, en ré mineur, RV 240, en ré majeur, RV 230, opus 3 n° 9, en sol mineur, RV 332, opus 8 n° 8, en mi majeur, RV 265, opus 3 n° 12, en ré majeur, RV 210, opus 8 n° 11, en do majeur, RV 189, en fa majeur, RV 289; en do mineur, RV 197, en sol mineur, RV 330, en si bémol majeur, RV 380, en do mineur, RV 201, en si bémol majeur, RV 371, en la majeur, RV 353, en si bémol majeur, RV 367 (version originale), en sol mineur, RV 327, et en si bémol majeur, RV 390
Giuliano Carmignola (violon), Accademia Dell’Annunciata, Riccardo Doni (direction)
Enregistré en l’église de San Bernardino, Abbiategrasso, Milan (13‑16 janvier, 1er‑4 février et 13‑16 mars 2023) – 209’36
Notice (en anglais, français et italien) d’Olivier Fourès et entretien (trilingue) entre Giuliano Carmignola et Massimo Rolando Zegna
Album de trois disques Arcana A 550 (distribué par Outhere)
Parmi les personnages que l’on trouve fréquemment cités dans l’« histoire vivaldienne » figure en bonne place une jeune violoniste dont le Prêtre roux s’était entiché (en tout bien tout honneur), Anna Maria (1696‑1782). C’est à cette jeune femme, violoniste hors pair mais sachant également jouer du violoncelle, du clavecin, du théorbe entre autres que Fabio Biondi a choisi de rendre hommage en interprétant six concertos pour violon issus du « Cahier » d’Anna Maria que Sylvie Mamy décrit ainsi : « Il s’agit d’un beau volume, bien conservé, de format oblong à l’italienne. La couverture cartonnée brune est entourée d’une frise dorée, un vase de fleurs renversé placé dans chaque coin ; le nom ‘‘ANNA/MARIA’’ est gravé au centre de la couverture en lettres dorées » (Vivaldi, Fayard, juin 2011, p. 393). La difficulté d’interpréter ces concertos – le recueil en compte trente et un dont seuls vingt‑cinq seraient de la main de Vivaldi selon Sylvie Mamy, vingt‑quatre selon Cesare Fertonani dans sa notice d’accompagnement du présent disque – tient au fait qu’ils ne comprennent que la partie de violon solo, à l’exception de tout accompagnement orchestral ; l’interprétation de ce disque se fonde donc à la fois sur une partie soliste attestée et un accompagnement reconstruit.
Le résultat est magnifique. Evidemment, nous ne parlerons pas de technique tant Fabio Biondi en maîtrise tous les arcanes, livrant un jeu d’une grande souplesse (l’Allegro concluant le Concerto RV 260), assez loin des attaques parfois rudes dont il pouvait être coutumier lorsqu’il était plus jeune, jouant sur des aigus d’une limpidité admirable (le premier Allegro du Concerto RV 229 ou l’Allegro ma poco inaugurant le Concerto RV 179a), appréhendant chaque Largo comme un mouvement en soi et non, comme le font certains, comme une simple transition entre deux mouvements rapides aux traits virtuoses. A ce titre, écoutez celui du Concerto RV 229, dont l’expressivité est renforcée par l’accompagnement minimaliste des autres instrumentistes (clavecin et violoncelle ou orgue). L’ensemble Europa Galante s’invite évidemment au diapason de ce foisonnement vivaldien ; ses solistes sont assez fréquemment requis (même si son nom n’est pas cité, c’est sans doute Fabio Ravasi qui épaule Fabio Biondi dans le très beau premier Allegro du Concerto RV 261) mais ce sont surtout des années (des décennies même !) de jeu commun qui permettent d’aboutir à une entente évidente (l’Allegro conclusif du Concerto RV 260). Un très beau volume de l’« Edition Vivaldi» donc, qui s’ajoute aux dix disques précédents consacrés aux concertos pour violon du Prêtre roux dans le cadre d’une anthologie appelée à faire date (voir notamment ici, ici, ici et ici).
On connaît bien et, à titre personnel, on admire depuis longtemps le jeu de Giuliano Carmignola dans Vivaldi, compositeur qu’il a porté au sommet tant au concert qu’au disque ; en voici un nouvel exemple avec cet ensemble de trois disques rassemblant pas moins de dix‑sept concertos pour violon et orchestre du célèbre compositeur vénitien, dont aucun ne vient doublonner le disque de Biondi ci‑dessus. On pourra s’étonner de la « composition » de ce programme dans la mesure où il pioche ici un peu dans le recueil de L’estro armonico (opus 3), là un brin dans le recueil Il cimento dell’armonia e dell’inventione (opus 8), choisissant par ailleurs d’interpréter des concertos majoritairement méconnus plutôt que certaines pages rabâchées par quelques confrères comme l’est le Concerto RV 390. De fait, de par ce véritable bouquet vivaldien, l’aspect musicologiquement intéressant qui en ressort consiste évidemment à nous confronter à l’évolution créatrice de Vivaldi puisque si le recueil de L’estro armonico date de 1711, les Concertos RV 210 ou RV 332 dateraient de 1718, certains autres (RV 343, RV 189) ayant été sans doute composés dans les années 1726 ou 1727 (les renseignements chronologiques étant ici puisés dans l’ouvrage déjà cité de Sylvie Mamy). En fin de compte, et c’est sans doute le plus impressionnant, le « style Vivaldi » était à l’évidence d’emblée présent et il est inutile de rechercher davantage d’élégance ou de finesse dans les concertos plus tardifs par rapport aux premiers opus, qui auraient éventuellement été plus frustes : les fondamentaux sont bel et bien là et, si Vivaldi allège le discours, c’est parce qu’il n’a plus rien à prouver, sa technique concertante étant acquise dès les années 1710.
Ce florilège nous permet d’apprécier une nouvelle fois le jeu que le violoniste italien porte presque physiquement en lui : élégant (personne ne niera que Carmignola est bel homme !), racé, fier de temps à autre, autoritaire quand il le faut à l’égard de l’orchestre, le tout nimbé d’une musicalité extraordinaire qui nous fait oublier le plus souvent quelques longueurs ou banalités qui, avouons‑le, existent de temps à autre. Giuliano Carmignola se joue évidemment des moindres difficultés techniques de ces partitions dont les mouvements oscillent entre quelques secondes à peine (le Larghetto du Concerto RV 189) à un peu plus de 6 minutes (l’Allegro ma poco du Concerto RV 367), la plupart des concertos durant moins de 10 minutes. Ecarts mélodiques (l’Allegro conclusif du Concerto RV 343, jeu sur les cordes (le Concerto RV 189 dans son ensemble), jeu dans les aigus souvent empli d’une incroyable finesse qui jamais ne rompt (l’Allegro non molto du Concerto RV 330) : on oublie, à leur écoute, les chausse‑trappes de ces œuvres, qui obligent parfois les solistes à quelque ralenti ou à durcir une attaque afin d’assurer le passage en question et dont il n’est jamais question ici. Aux côtés d’une technique des plus assurées, l’auditeur trouvera évidemment la musicalité dont on sait le soliste capable grâce à un art de jouer une appogiature sans affect outrancier (l’Adagio du Concerto RV 343) et à une capacité à faire toujours rebondir le discours par quelques effets de dynamique ou de nuances qui parviennent à renouveler le discours ; il faut dire qu’un Guarneri de 1733 a une évidente capacité à bien sonner ! A ce titre, on écoutera avec une attention toute particulière l’Allegro concluant le Concerto RV 332, les deuxième et troisième mouvements du Concerto RV 189 ou l’ensemble du Concerto RV 201, petit bijou de 13 minutes. Avouons que nous ne connaissions pas jusqu’alors l’ensemble de l’Accademia Dell’Annunciata, dirigée par Riccardo Doni ; force est de constater que cet orchestre participe pleinement au succès de ces trois disques. Ainsi, l’accompagnement joue lui aussi sur une diversité dynamique et une souplesse qui lui permettent d’être au diapason du soliste tant dans les mouvements lents au dépouillement parfois extrême (le Largo du Concerto RV 210) que dans les mouvements rapides, où l’on ne peut qu’être reconnaissant à Riccardo Doni de ne jamais brusquer les choses. Si quelques pages bénéficient à notre sens de meilleures versions ici ou là (a‑t‑on depuis Simon Standage et Trevor Pinnock chez Archiv Produktion mieux joué le Larghetto du Concerto RV 230 tiré de L’Estro Armonico ?), voici en tout cas un ensemble qui ornera brillamment les discothèques des amateurs de Vivaldi et de la musique pour violon baroque en général.
Le site d’Europa Galante
Le site de l’Accademia Dell’Annunciata
Sébastien Gauthier
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