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07/09/2023
Gilles Cantagrel : Bach n’a pas écrit d’opéra
Les Belles Lettres, 120 pages, 11,50 euros


Sélectionné par la rédaction





Essai mâtiné de musicologie, le dernier écrit de Gilles Cantagrel, tente de répondre à une question qui, d’après lui, ne se pose pas.


Les nombreux écrits en langue française sur Jean‑Sébastien Bach du musicologue Gilles Cantagrel (voir ici, ici et ici) rivalisent seulement aujourd’hui avec la traduction du magistral ouvrage du chef britannique John Eliot Gardiner, Music in the Castle of Heaven (Musique au château du ciel, 2013). Ces deux auteurs ont inlassablement exploré ce que l’on sait de sa biographie, notamment grâce à l’ouvrage princeps de Johann Nikolaus Forkel (1802), dont Cantagrel fut le traducteur en français (1982), à la lumière des plus récentes découvertes musicologiques menées notamment par les Archives Bach de Leipzig (dont Gardiner a été le président jusqu’en 2019).


Ce court ouvrage, parfaitement indexé, au format de poche édité par les très sérieuses Belles Lettres, aurait pu s’appeler « Pourquoi Bach n’a pas écrit d’opéra ? », tant l’auteur prouve que se poser la question, c’est déjà y répondre. On aurait pu s’attendre à un simple essai purement littéraire tant la réponse s’impose avec clarté. Le Cantor, bien qu’au fait de toutes les tendances musicales de son époque, et au‑delà de toutes les considérations contractuelles, religieuses, culturelles inhérentes à sa fonction, n’aurait jamais eu de goût pour ce genre musical et surtout pour son substrat littéraire – principalement les amours des personnages de l’Antiquité gréco‑romaine –, qui fleurissait dans les villes germaniques en concurrence avec son équivalent italien et il a prouvé dans nombre de ses cantates sacrées et « profanes » mais surtout dans ses Passions et oratorios qu’il était capable de composer des situations dramatiques tout à fait comparables pour leur effet dramatique à des scènes d’opéra.


Gilles Cantagrel a néanmoins à cœur, avant de développer cet argument, de replacer J.‑S. Bach au centre de la naissance d’un répertoire d’opéra allemand de son temps. Une première partie s’efforce de retracer l’implantation dans les villes où s’étendait la sphère d’influence de Bach : Hambourg, Leipzig, Dresde et Berlin, en développant l’histoire de leurs théâtres d’opéra respectifs. Un long développement musicologique, partant du Moyen‑Age jusqu’à l’époque de Frédéric II de Prusse, tente d’établir, malgré un grand nombre de pièces manquantes et de suppositions, la réalité de la musique dramatique dans cette partie de la future Allemagne. Le parallèle avec l’opéra italien et ses castrats, sa grande rivalité avec les compositeurs germaniques sont très bien établis. Les principaux compositeurs germaniques de l’époque Reinhard Keiser, Georg Philipp Telemann, Georg Friedrich Haendel, Carl Heinrich Graun , Johann Adolf Hasse, Jan Dismas Zelenka et ce qui reste de leurs œuvres sont évoqués et analysés. Mais la grande inconnue reste de savoir si ces œuvres lyriques ont été connues de Bach et quel aurait été son jugement.


La seconde partie, « Et Bach ?  », tente d’aller plus loin dans les suppositions, toujours étayées d’arguments historiques quand ils existent. Elle analyse avec précision les quelques œuvres dans lesquelles le compositeur a déployé au mieux son génie dramatique, ses cantates « profanes », particulièrement celles « du café », « des paysans », Phébus et Pan et Eole apaisé, leurs rapports avec le Café Zimmermann à Leipzig et son Collegium Musicum. Mais surtout les deux grandes Passions et plus marginalement l’Oratorio de Noël, dans lesquels Bach a inventé des techniques de composition et su développer des effets théâtraux (personnages, effets orchestraux, virtuosité de l’écriture chorale) qui ont surpassé de loin les effets dramatiques des compositeurs d’opéra de son temps. Et cela, pour citer John Eliot Gardiner : « au‑delà des réalisations de tout autre compositeur jusqu’à Mozart ».


Olivier Brunel

 

 

 

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