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11/19/2022
Frank Bridge : Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur, H. 125
Claude Debussy : Sonate n° 1 pour violoncelle et piano en ré mineur
Leos Janácek : Pohádka
Benjamin Britten : Sonate pour violoncelle et piano en ut majeur, opus 65

Truls Mørk (violoncelle), Håvard Gimse (piano)
Enregistré en l’église Sofienberg d’Oslo (juin 2021) – 71’01
Alpha 560 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Richard Bratby


Must de ConcertoNet





Truls Mørk et Håvard Gimse présentent un riche programme équilibré avec la précision raffinée, la sensibilité et la complicité fructueuse que l’on attend maintenant d’eux. Les quatre compositeurs ont en commun d’avoir travaillé à la sonate autour ou au cours d’une troublante guerre mondiale, la Première, la Seconde ou la « froide ». Frank Bridge (1879‑1941), désespéré par l’horreur de la guerre et le nombre d’amis perdus, avait écrit le premier mouvement de sa Sonate en ré mineur juste avant en 1913 et n’a pu la terminer qu’en 1917, cela par un long second mouvement pénétré d’échos de sa souffrance. La Sonate en ré mineur (1915) de Claude Debussy (1862‑1918) est née de sa décision de rompre un silence dû à la guerre et non seulement de lutter contre l’influence germanique mais de produire une œuvre dans un style français, original et qui lui est propre. Leos Janácek (1854‑1928), déjà en révolte contre tout ce qui était allemand, a composé Pohádka en 1910 pour le retoucher plusieurs fois jusqu’en 1923 sans se départir de sa voix indépendante pénétrée de sonorités particulières aux touches moraves. Benjamin Britten (1913‑1976), pacifiste, cherchait une réconciliation comme en témoigne le War Requiem de 1962 mais en protestation indirecte il avait composé, en 1961, une Sonate en ut majeur dans un style qui ne pouvait que convenir au violoncelle de son ami et dédicataire Mstislav Rostropovitch qui, en pleine guerre froide à l’ère soviétique, n’était pas libre de ses mouvements.


Le timbre riche et généreux de l’élégant violoncelle de Truls Mørk met en valeur le beau thème aéré et romantique du premier mouvement de la Sonate de Bridge. Etiré comme un long chant lyrique, il est en contraste heureux avec une partie de piano puissante et nerveuse, tout autant turbulente et mouvementée que la respiration du thème principal est ample. Les doigts agiles de Håvard Gimse impressionnent. Il y a de brefs moments plus calmes lorsque le piano reprend le thème fragmenté comme une ombre lointaine du violoncelle mais le contraste stylistique entre les deux instruments reste grand. Pour la dernière fois, Bridge confère une indication de tonalité à sa partition mais elle ne convient guère au second mouvement, chromatique au point de suspendre tout sentiment tonal, surtout lors de la deuxième partie, un Molto allegro agitato tumultueux et désespéré. Deux douloureux Adagio l’entourent. Le second, plus mouvementé, exige encore un piano fiévreux et un violoncelle d’une majesté imposante. Les deux musiciens en transmettent avec maîtrise toute la richesse musicale et la charge émotionnelle.


La belle interprétation que Mørk et Gimse donnent de la célèbre Sonate de Debussy se hisse parmi les meilleures. Elle suit la Sonate de Bridge avec une même tension, l’émotion en demi‑teinte, et avec une pareille beauté sonore, grâce en grande partie à la voix du violoncelle aux timbres chauds qui sait se faire acide, lyrique ou sensuel au travers d’une gamme impressionnante de techniques de jeu. « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté » bien que le calme tout relatif soit souvent troublé, caustique, douloureux ou amer.


Les deux Norvégiens captent toute la magie poétique du Conte de Janácek, bien connu également. Construit comme une sonate en trois mouvements vif, lent, vif, il prend appui sur un poème épique russe. Le charme musical est si prenant et si bien transmis par les deux musiciens que d’en connaître la teneur devient accessoire. Leur maîtrise et leur musicalité soulignent les qualités à la fois classiques et hautement originales de l’œuvre. La voix de Janácek est unique et ils l’interprètent avec adresse et conviction.


Violoncelliste et pianiste déploient puissance et agilité pour interpréter la Sonate en cinq mouvements de Britten. Un bref Scherzo vivant et animé, le violoncelle pizzicato, le piano plus fluide, sépare les deux mouvements les plus développés. En tête vient un Dialogo nerveux et intense, aux deux thèmes contrastés, l’un hésitant l’autre enflammé, ensuite une grave Elegia dramatique, secrète et tendue. Comme née d’un autre monde, une Marcia plus extérieure, plus corrosive, prend la suite. Elle s’enchaîne sans heurt à un Moto perpetuo dont le grand souffle brillant et endiablé se fonde sur le motif DSCH, les quatre notes de la « signature » de Chostakovitch, l’ami commun de Britten et de Rostropovitch. Les deux musiciens s’adaptent, avec une prouesse virtuose et une souplesse admirable, aux très différents climats, techniques et styles de jeu qu’impose une partition écrite sur un large ambitus. Ils révèlent tout l’intérêt, voire tout l’attrait, d’une composition plutôt originale et inattendue.


La prestation de Truls Mørk et Håvard Gimse est tellement au point et à propos que l’on trouve peut‑être là quatre versions de référence. S’y ajoute une prise de son d’une belle présence, le piano un peu en retrait par rapport au violoncelle sans rompre un équilibre délicat. Hautement recommandé.


La page de Truls Mork sur le site de HarrisonParrott
La page de Håvard Gimse sur le site de Nordic Artists Management


Christine Labroche

 

 

 

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