Back
10/15/2022 « Coronation Anthems »
Georg Friedrich Händel : Zadok the Priest, HWV 258 – Let Thy hand be strengthened, HWV 259 – The King shall rejoice, HWV 260 – My Heart is inditing, HWV 261 – Dettingen Te Deum, HWV 283 Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Enregistré à l’auditorium de La Seine musicale, Boulogne-Billancourt (juin 2021) – 68’05
Alpha 868 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Hervé Niquet et Peter Wollny
Au mois de juillet 2012, Hervé Niquet et son Concert Spirituel frappaient un grand coup aux Proms de Londres en interprétant la Music for the Royal Fireworks et la Water Music de Händel, sur ses terres anglaises donc, dans leur orchestration originale, recourant pour ce faire à près de quatre‑vingt‑dix musiciens avec notamment des vents venus en force (dix‑huit hautbois, dix bassons, neuf cors, neuf trompettes !) : succès public garanti dont témoigne une vidéo sur YouTube. Le chef français, qui passe allégrement de Lully à Max d’Ollone, de Boismortier à Massenet en passant par Grétry et Gounod, revient ici à Händel avec un florilège de pièces solennelles dont les quatre Coronation Anthems composés pour le couronnement de Georges II d’Angleterre et son épouse Caroline, au mois de juin 1727.
Et le voici qui récidive donc avec des effectifs orchestraux une nouvelle fois imposants (notamment chez les vents, qui comptent par exemple dix hautbois, huit bassons et huit trompettes) et un chœur également de belle facture avec pas moins de trente‑cinq chanteurs ! Mais cela ne doit pas étonner car, d’après les meilleurs spécialistes du compositeur, la création de ces œuvres avait requis à l’époque un chœur d’une quarantaine de chanteurs « et un immense orchestre d’environ cent soixante instrumentistes » (Georg Friedrich Händel de Jonathan Keates, Fayard, février 1995, p. 170). Dans sa biographie du compositeur, Christopher Hogwood cite le même chiffre, reprenant à cet égard un article de la Norwich Gazette du 14 octobre 1727 qui faisait référence à un effectif « comportant 40 voix et environ 160 violons, trompettes, hautbois, timbales et basses en proportion ; outre un orgue, érigé derrière l’autel » (Haendel, trad. Dennis Collins, coll. « M & M », Jean‑Claude Lattès, septembre 1985, p. 97).
L’interprétation d’Hervé Niquet et ses comparses s’avère enthousiasmante du début à la fin. Toute la pompe haendélienne requise pour le fastueux couronnement de Georges II y brille de mille feux et ce dès le célébrissime Zadok the Priest au sein duquel est chanté le non moins connu God save the King, que nous entendrons évidemment en 2023 pour le couronnement officiel de celui qui est récemment devenu Charles III. L’orchestre y est formidable (les bassons, le roulement de timbales accompagnant les mots justement « God save the King »...) et le chœur excellent, même si davantage de ferveur (écoutez Gardiner chez Philips !) aurait sans doute encore été possible. L’excellente spatialisation (et sans doute prise de son) permet aux hautbois d’introduire avec une grande finesse le Let Thy hand be strengthened, le chœur du Concert Spirituel s’y montrant particulièrement délicat. Si le début de l’anthem The King shall rejoice déçoit un peu (léger manque de nerf, un son un peu ouaté jusqu’à l’arrivée des trompettes), l’orchestre et le chœur gagnent rapidement en brillance et lui confèrent toute la grandeur requise (l’Alléluia conclusif !), rejoignant ainsi les sommets signés notamment Laurence Cummings (Accent) et Simon Preston (Archiv Produktion). La délicate entrée de l’orchestre (là encore, quel jeu des anches doubles...) dans l’anthem My Heart is inditing ouvre la voie à une interprétation où chanteurs et puissant orchestre sont galvanisés par Hervé Niquet, qui ne sacrifie jamais la dentelle orchestrale aux timbres luxueux d’une partition là encore extrêmement chatoyante.
Outre ces quatre Coronation Anthems, le présent disque comprend une œuvre tout aussi connue avec le Te Deum de Dettingen (1743), célébrant la victoire remportée par l’armée britannique sur l’armée française lors d’un épisode de la guerre de succession d’Autriche qui enflamma l’Europe de 1740 à 1748. L’interprétation qu’en livre Hervé Niquet est peut-être moins éclatante que d’autres mais elle gagne en souplesse là où certaines autres versions peuvent accuser quelque raideur martiale. Le chœur du Concert Spirituel est irréprochable ; quant à l’orchestre, on soulignera de nouveau l’excellence des hautbois et des trompettes qui, à l’image du dernier chœur, savent se faire pleinement enjôleuses.
A n’en pas douter, un grand disque pour le Concert Spirituel et pour Händel.
Le site du Concert Spirituel
Sébastien Gauthier
|