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10/01/2022 Giacomo Meyerbeer : Robert le Diable John Osborn (Robert), Erin Morley (Isabelle), Nicolas Courjal (Bertram), Amina Edris (Alice), Nico Darmanin (Raimbaut), Joel Allison (Alberti, Un prêtre), Paco Garcia (Un héraut d’armes), Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Marc Minkowski (direction musicale)
Enregistré à l’Auditorium de l’Opéra national de Bordeaux (20‑27 septembre 2022) – 151’02
Livre et trois disques Palazzetto Bru Zane BZ 1049 – Notice et livret en anglais et en français
Must de ConcertoNet
Le Centre de musique romantique française frappe encore un grand coup en nous rendant, si l’on peut dire, l’un des ouvrages lyriques les plus célèbres au XIXe siècle, Robert le Diable : créé en 1831, le tout premier opéra en français de Meyerbeer est passé de mode au siècle suivant, en même temps que son auteur, pourtant admiré de tous ses contemporains, Wagner compris (du moins lorsqu’il avait besoin de lui, en début de carrière). Pour autant, la découverte de l’ouvrage en concert, comme à Bordeaux l’an passé, avec toute l’équipe du présent disque, donne une idée du potentiel dramatique de ce grand opéra, d’une richesse d’inspiration inépuisable pour qui veut bien lui donner sa chance. On reste en effet bluffé tout du long par la capacité de Meyerbeer à surprendre, autant par la variété des climats entrecroisés que la subtilité de son orchestration superbement ciselée, à chaque fois au plus près des intentions dramatiques. L’instinct musical fluide et naturel de Meyerbeer dans les scènes intimistes fait souvent penser à Verdi, qui puisa certainement dans ce chef‑d’œuvre une inspiration décisive, audible dans La Traviata (1853) notamment.
Une autre explication de la quasi‑disparition de cet ouvrage des scènes lyriques de nos jours (hormis par exemple à Londres en 2012 ou à Bruxelles en 2019) est la difficulté à réunir un plateau vocal à la hauteur, qui, outre le brio vocal redoutable requis, doit maîtriser parfaitement la langue française pour rendre justice à la déclamation, essentielle ici. Ce disque relève le pari haut la main grâce aux bons soins des équipes du Palazzetto Bru Zane, soutien toujours aussi décisif pour les non‑francophones (trois parmi les quatre chanteurs principaux).
Ainsi de John Osborn (Robert), qui prouve une nouvelle fois son affinité avec le répertoire français (voir encore récemment son interprétation éloquente dans La Juive, à Genève), à force d’aisance et d’éclat sur une large tessiture, sans jamais oublier le sens du texte. A ses côtés, Erin Morley (Isabelle) fait valoir un velouté d’émission et des aigus rayonnants avec une facilité déconcertante, d’une tendresse étreignante, qu’il faut absolument entendre dans la cavatine déchirante « Grâce pour toi » au IV, l’un des sommets de l’ouvrage. On aime aussi grandement l’étourdissante Amina Edris (Alice), très à l’aise dans la virtuosité, même si la prononciation reste à améliorer dans les passages rapides. C’est là le grand point fort de Nicolas Courjal (Bertram), et ce malgré un vibrato prononcé dans les parties plus enlevées. Le chanteur français démontre toute ses qualités superlatives de diseur, qui lui ont déjà valu des louanges méritées en des rôles similaires, notamment celui de Méphistophélès dans La Damnation de Faust, comme à Strasbourg en 2019.
Aux côtés de seconds rôles tous très investis, le Chœur de l’Opéra national de Bordeaux fait valoir des qualités de précision surtout audibles côté féminin. Mais c’est surtout la prestation de Marc Minkowski, à la tête d’un excellent Orchestre national Bordeaux Aquitaine, qui rend cette publication indispensable, à force d’énergie communicative, d’ivresse rythmique et d’attention aux nuances. De grands disques, qui portent haut le génie de Meyerbeer.
Florent Coudeyrat
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