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06/26/2022
Isaac Albéniz : Iberia
Nelson Goerner (piano)
Enregistré à Bruxelles (juillet 2021) – 82’41
Alpha 829 (distribué par Outhere)


Sélectionné par la rédaction





Considérés par Claude Debussy puis par Olivier Messiaen comme le chef d’œuvre de la musique pour piano du XXe siècle, les quatre cahiers du recueil Iberia (1905-1908) ont beaucoup tenté (et continuent de tenter) les pianistes de tous horizons mais principalement ceux de culture ibérique, dont Alicia de Larrocha qui règne sur cette discographie avec trois versions de studio échelonnées au cours de sa carrière. Il semble justifié qu’à un point de sa carrière, le pianiste argentin Nelson Goerner, 53 ans, en grave sa version, ce qu’il fit en l’an dernier à Bruxelles.


Quelle richesse que la discographie d’Iberia ! Des trois versions d’Alicia de Larrocha, qui en représentent pour beaucoup le sommet absolu, à Claudio Arrau, Arthur Rubinstein, Aldo Ciccolini et même Alfred Cortot dont on trouve un étincelant « Triana », tout comme chez Wilhelm Backhaus, Guiomar Novaes, Magda Tagliaferro, Leopoldo Querol, Nelson Freire, Rafael Orozco, Yvonne Loriod, Claude Helffer, Jean‑François Heisser, Roger Muraro, toutes différentes mais également passionnantes. Nelson Goerner s’attaque à ce monument de la littérature pour piano espagnole et relève le défi avec panache et quelque chose de différent de tous ceux qui l’ont précédé.


Son statut de chef‑d’œuvre autorisant à Iberia tant de visions possibles, celle de Goerner est peut‑être celle d’une Espagne rêvée, intériorisée et même intellectualisée par cet interprète venu d’un pays qui en est si lointain mais si proche par la culture et la langue et qui très jeune s’est frotté à ses pièces les plus faciles avant de l’inscrire à son répertoire de concerts. Il lui donne son rang d’œuvre universelle née à l’époque où l’instrument permettait aux pianistes de parer leur jeu de tant de couleurs et de chatoiements.


Mais, non que son jeu soit dépourvu des couleurs sans lesquelles Iberia serait sèche, il en exploite plus la fibre rythmique, créant en quelque sorte une structure dynamique dont l’œuvre se trouve allégée. Il se joue avec beaucoup de panache des infinies difficultés qui parsèment particulièrement le dernier cahier. Les images s’enchaînent sans jamais de cliché, mais un pouvoir d’évocation et une fierté fébrile tout ibériques.


Pour faire revivre cette évocation de l’Espagne qui a tant coûté au compositeur durant les derniers mois de sa maladie, Nelson Goerner n’hésite pas à empoigner les instruments et mélodies folkloriques qui la parcourent : la guitare andalouse résonne plus d’une fois dans ces pages, aussi l’orgue de Barbarie ou la chanson « La Tarara » dans « El Corpus en Sevilla », le talon du gitan dans « El Albaicín ». Sa sonorité est magnifique, riche, jamais noyée de pédale (la qualité de l’enregistrement est exemplaire) et son jeu jamais fantasque, d’un legato parfait nous fait voyager des faubourgs de Madrid à l’Andalousie dans un foisonnement de couleurs et de rythmes avec toujours l’évidence de ce que cette musique avait de novateur (Vladimir Jankélévitch la qualifiait d’« inouïe ») et aussi d’humoristique et de sensuel.


On reviendra bien sûr toujours à Alicia de Larrocha et particulièrement à sa première version pour Hispavox de 1961 aux tempi plus vifs et aux couleurs plus franches que dans les enregistrements suivants, mais le voyage que nous offre Nelson Goerner aujourd’hui, avec sa technique éblouissante, un élan et une énergie matures et des éclairages nouveaux, restera certainement un jalon majeur de la discographie du chef‑ d’œuvre d’Albéniz.


Olivier Brunel

 

 

 

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