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03/19/2022
« 20th Century Feminine »
Lili Boulanger : Nocturne – D’un matin de printemps
Grazyna Bacewicz : Sonate pour violon et piano n° 4
Galina Oustvolskaïa : Sonate pour violon et piano
Jennifer Higdon : String Poetic

Louise Chisson (violon), Tamara Atschba (piano)
Enregistré à la salle Ehrbar, Vienne (7, 9, 10, 16 et 18 décembre 2020) – 71’48
Hänssler Classic CD HC20044 – Notice (en allemand, anglais et français) du Dr Rainer Aschemeier


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Après un premier album (Gramola, 2012) qui sortait légèrement des sentiers battus grâce à un programme original associant Janácek, Prokofiev et Poulenc, Louise Chisson et Tamara Atschba, qui se produisent ensemble depuis 2008, lancent un deuxième album qui attire l’attention sur quatre compositeurs féminins, relativement peu souvent à l’affiche bien que hautement dignes d’intérêt. Oustvolskaïa en particulier n’appréciait pas de faire partie d’un programme exclusivement féminin mais la violoniste française et la pianiste géorgienne ont choisi des pièces tellement puissantes que féminin et masculin n’ont plus guère de sens. Les deux musiciennes se livrent avec passion, adresse et sensibilité aux cinq œuvres de ce deuxième récital en duo qui met en évidence l’évolution des styles entre le début du siècle dernier et le début de celui‑ci.


Le jeu d’archet juste et expressif de Louise Chisson allié au toucher délicat et ferme de Tamara Atschba conviennent tout à fait au style un rien fauréen des deux pièces de Lili Boulanger (1883-1918). Nocturne (1911), d’abord doux et nostalgique, s’épanouit en un lyrisme ailé avant de s’immerger dans l’inassouvissement de son attente initiale. D’un matin de printemps (1918) aux fines nuances de couleur, évoque un jour naissant à l’éveil d’un fringant printemps dont la vigueur et la plénitude s’affirment petit à petit.


Grazyna Bacewicz (1909-1969), violoniste polonaise accomplie, a beaucoup écrit pour son instrument. et la richesse et l’originalité de ses compositions ne passaient pas inaperçues auprès de contemporains tels Chostakovitch et Lutoslawski. Parmi ses six Sonates pour violon et piano, la brillante Quatrième (1949) est sans doute celle qui est la plus souvent interprétée et c’est à juste titre. Bien que les deux dernières la dépassent en pure invention harmonique, Bacewicz s’éloigne déjà du style plutôt néoclassique de ses débuts pour créer une partition d’un lyrisme débridé et d’une énergie taillée au burin, dont les empreintes modales se traversent de brèves évocations de la musique populaire polonaise. Bacewicz était elle‑même pianiste et la partie de piano est d’une richesse d’invention égale à celle du violon. Le timbre chaleureux et plein du violon de Louise Chisson, soutenu par l’agilité expressive de Tamara Atschba, met bien en valeur les quatre mouvements d’allure plutôt classique (vif, lent, scherzo, vif) mais au traitement parachevé pleinement de son temps.


Souvent isolée ou mal admise en son pays sur le plan professionnel, Galina Oustvolskaïa (1919-2006) finit par se déclarer « asociale », ce que l’on comprend à double titre. Sa Sonate pour violon et piano, composée dans l’URSS de 1952, semble être une évocation d’une solitude acerbe dont la profondeur des sentiments se révèle grâce à l’interprétation magistrale des deux musiciennes. Le timbre chaud et focalisé et le léger vibrato du violon en symbiose avec le toucher souple et nuancé de la pianiste révèlent quelques envols lyriques peut-être inattendus, puis s’abandonnent au cours de certains brefs motifs en faveur d’un son sec et violent qui, en contraste, n’en a que plus de puissance. Ces contrastes de jeu soulignent l’architecture de la Sonate, qui est d’un seul tenant, et on peut préférer cet éclairage discrètement chargé d’émotions changeantes à la fermeté souvent sauvage et sans concession de Kopatchinskaja et Hinterhäuser (ECM New Series, 2014) qui, sans doute plus traditionnellement, optent pour un archet déterminé, un vibrato absent ou plus restreint et un toucher au piano plus durement à l’attaque.


Toute la virtuosité des deux musiciennes, leur adaptabilité musicale et leur souplesse de jeu sont indispensables à l’interprétation des cinq volets aux rythmes lancinants ou étirés de String Poetic (2006) de Jennifer Higdon (née en 1962). Higdon se permet une liberté totale sans une constante contrainte de règles tonales ou sérielles, variant les techniques, les styles et les humeurs grâce à une écriture inventive et personnelle. Les cinq volets portent tous un titre imagé – « Jagged Climb », « Nocturne », « Blue Hills of Mist », « Maze Mechanical » et « Climb Jagged » – qui donne aussitôt une idée de styles et de rythmes possibles, ce de l’énergie abrupte, rapide et heurté du premier volet à la douceur lyrique du troisième, pourtant brisée par une partie de piano plus affirmée qui invite çà et là une intervention directe sur les cordes. Les deux instruments intimement mêlés créent le labyrinthe vertigineux de « Maze Mechanical », qui fait momentanément penser aux Etudes de Ligeti.


Les deux musiciennes défendent les cinq œuvres avec conviction et panache. Les graves riches et pleins et les inflexions cuivrées que Louise Chisson tire de son violon ne peuvent que réjouir tout comme la musicalité nuancée, agile et virtuose de Tamara Atschba au piano et leur prestation en est captivante. Une prise de son épanouie et chaleureuse équilibre les deux instruments, ce qui ajoute encore à cet ensemble hautement recommandable.


Le site de Louise Chisson
Le site de Tamara Atschba


Christine Labroche

 

 

 

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