|
Back
08/15/2021
«Passion»
Jean-Baptiste Lully : Amadis, LWV 63: «Toi qui dans ce tombeau» & Prélude – Proserpine, LWV 58: «O malheureuse mère» & «Que tout se ressente de la fureur que je sens» – Ballet du Temple de la Paix, LWV 69: Entrée des Bretons & Passepied – Atys, LWV 53: «Espoir si cher et si doux» – Ballet de la naissance de Vénus, LWV 27: «Sarabande Dieux des Enfers» – Le Bourgeois gentilhomme, LWV 43: Canaries – Armide, LWV 71: «Enfin, il est en ma puissance» – Persée, LWV 60: Ouverture – Le Triomphe de l’Amour, LWV 59: «Voici le favorable temps» & Air pour l’entrée de Borée et des quatre vents – Alceste, LWV 50 : Pompe funèbre & «La mort, la mort barbare»
Pascal Collasse : Achille et Polyxène: «Calme tes déplaisirs» – Thétis et Pélée: Tempête
Henry Desmarets : Circé: «Désirs, transports» – La Diane de Fontainebleau: Chœur du Sommeil
Marc-Antoine Charpentier : Médée, H. 491: «Quel pris de mon amour» & «Noires filles du Styx»
Véronique Gens (soprano), Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Olivier Schneebeli (chef de chœur), Ensemble Les Surprises, Louis-Noël Bestion de Camboulas (direction)
Enregistré à l’Arsenal Cité musicale, Metz (novembre 2020) – 57’12
Alpha 747 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Louis-Noël Bestion de Camboulas et Benoît Dratwicki
Le 16 septembre 2018, au Festival d’Ambronay, l’ensemble Les Surprises (dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas) accompagnait Véronique Gens dans un programme conçu sous la forme d’un opéra imaginaire, comptant un Prologue et quatre actes illustrant chacun un des quatre éléments fondamentaux de la nature (l’eau, l’air, le feu et la terre). Le public put alors écouter des airs d’opéras de Lully ou de Campra mais aussi tirés des rarissimes Scanderberg de François Rebel, Scylla et Glaucus de Leclair ou Polydore de Jean-Baptiste Stuck. Comme le raconte Bestion de Camboulas dans la notice d’accompagnement du présent disque, de cette rencontre est immédiatement né le désir d’enregistrer un disque avec Véronique Gens: c’est donc chose faite!
La grande soprano française, passée depuis par Mozart, Gluck, Berlioz, Messager ou Poulenc entre autres, revient ici à ses premières amours: la musique baroque française. Depuis ses premiers enregistrements (motets de Boismortier avec Hervé Niquet en avril 1991, airs de cour de Sébastien Le Camus trois ans plus tard...), elle n’a cessé d’interpréter ce répertoire avec une réussite unanimement saluée, elle qui a été une inoubliable Alceste (voir ici et ici) et une non moins intense Amadis. La voici qui récidive dans ce disque également conçu comme un opéra imaginaire, composé de cinq actes respectivement relatifs à l’appel des enfers, à la malheureuse mère, au cruel amour, au tranquille sommeil et à la funeste mort, et enfin à Médée furieuse. Au titre des «faiblesses» de ce disque, avouons que le dernier acte nous semble quelque peu hors de propos – pourquoi ce soudain focus sur Médée? – alors qu’il aurait été si facile d’enrichir un des quatre autres, ce qui aurait été bien plus cohérent. De même, le passage orchestral des «Canaries» tiré du Bourgeois gentilhomme nuit un peu à l’unité de l’acte souhaité par les artistes. Mentionnons également une petite erreur de frappe dans le livret puisque l’air d’Armide comporte un vers «plus je le vois, plus ma fureur est vaine» (cf. notice d’accompagnement, p. 45) alors que Véronique Gens chante «plus je le vois, plus ma vengeance est vaine», qui est généralement le mot utilisé (voir ici). Mais que ces détails ne masquent pas pour autant la réussite indéniable de l’ensemble!
A tout seigneur tout honneur, les interventions de Véronique Gens illustrent une fois encore des qualités qu’on a eu maintes fois l’occasion d’apprécier au concert comme au disque. Une diction irréprochable, un sens du drame (la rage dans l’air d’Amadis lorsqu’elle chante les mots «Je punirai»), l’art de peindre un amour perdu (l’air tiré de Circé de Desmarets, magnifique tragédie lyrique de 1694), le murmure concluant l’air d’Atys («Espoir si cher et si doux»), les tourments de l’amoureuse bafouée dans l’air d’Armide: Véronique Gens s’adapte avec une aisance confondante et une vérité de chaque instant au moindre personnage qu’elle incarne. Sa présence altière se ressent presque physiquement: on ne peut que saluer une fois encore les qualités de cette chanteuse qu’on admire depuis tant d’années.
Côté accompagnement orchestral, l’Ensemble Les Surprises, composé d’excellents musiciens (la fluidité de l’accompagnement de l’air de Circé, la joie des bois et du tambourin dans l’extrait du Ballet du Temple de la Paix, les flûtes superbes dans l’air de la nuit tiré du Triomphe de l’amour), est bien conduit par le talentueux Louis-Noël Bestion de Camboulas mais on aurait parfois souhaité une direction moins raide (l’Ouverture de Persée) et davantage d’imagination dans le soutien à la soliste. Ainsi, sans être totalement prosaïque, l’air tiré du Triomphe de l’Amour de Lully aurait sans nul doute pu être plus charmeur encore.
Paradoxalement sans doute, après plusieurs écoutes, il nous semble que la palme de ce disque doive peut-être revenir au chœur des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), dont chaque intervention est tout bonnement idéale, une fois encore magnifiquement dirigé par Olivier Schneebeli, musicien passionné qui vient justement de quitter ses fonctions auprès du CMBV le 8 juillet dernier, étant désormais remplacé à la tête des Pages et des Chantres du CMBV par le claveciniste Fabien Armengaud.
Un très beau récital donc mais dont, sur le papier, on espérait sans doute encore davantage; on ne peut donc que souhaiter un autre disque pour «rattraper » cette relative déception.
Le site de Véronique Gens
Le site de l’Ensemble Les Surprises
Le site des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles
Sébastien Gauthier
|
