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08/15/2021
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Vladimir Jurowski (direction)
Enregistré en public au Konzerthaus de Berlin (22 et 24 février 2019) – 48’58
Pentatone PTC 5186 802 – Notice (en anglais et en allemand) de Vladimir Jurowski et Jörg Peter Urbach





Richard Strauss : Don Juan, opus 20 – Sechs Lieder, opus 68 – Tod und Verklärung, opus 24
Louise Alder (soprano), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Robin Ticciati (direction)
Enregistré en la Jesus-Christus-Kirche, Berlin (5-8 novembre 2019) – 68’34
Linn CKD 640 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, allemand et français) de Joseph E. Jones





Voici deux disques qui mettent aux prises avec le grand répertoire straussien deux chefs établis à Berlin: le premier, après avoir été notamment chef au Komische Oper, est directeur musical du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin depuis la saison 2017-2018, le second est pour sa part, également depuis 2017, directeur musical du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin. Mais là s’arrêtent les ressemblances puisque, comme nous allons le voir, les résultats ne sont pas aussi probants chez l’un que chez l’autre.


Commençons par Vladimir Jurowski (né en 1972) et la monumentale Symphonie alpestre (1915). Bénéficiant d’un bon orchestre mais sans plus, le chef russe enlève l’œuvre en près de 49 minutes, en donnant donc une interprétation assez allante là où les références dépassent fréquemment les 50 minutes. Ce qui étonne et déçoit ici, c’est, pour reprendre le titre de la quatorzième partie de l’œuvre, un véritable manque de «Vision» puisqu’il appréhende cette symphonie non comme un vaste ensemble cyclique (de la «Nuit» du début à la «Nuit » conclusive) mais comme une succession d’épisodes sans opérer de véritable lien entre eux. En outre, on est frappé par un manque constant de caractérisation orchestrale au profit d’un son lisse, «international», sans aspérité et donc surtout sans véritable personnalité. Dès le début, on perd tout le mystère de cette «Nuit» inaugurale où les cordes n’adoptent pas les couleurs nébuleuses souhaitées et où les cuivres marquent leurs attaques avec trop de netteté pour entretenir cette atmosphère souhaitée par le compositeur. Cette relative neutralité se fait sentir à de multiples reprises, que ce soit dans «Apparition» et dans «Les prés fleuris», où l’on ne ressent pas davantage le batifolage inhérent à cette page au charme incroyable, dans le passage «Au sommet», qui manque franchement de grandiose, ou dans «Orage et tempête», où l’orchestre manque cette fois-ci de folie et de bourrasques. Il n’en demeure pas moins que les solistes s’investissent souvent avec talent (le hautbois, les premiers pupitres de cordes, le cor anglais) mais, là aussi étrangement, certains pupitres semblent rapidement manquer d’énergie à l’instar des cors dans «Ascension», dont on a l’impression qu’ils ont rapidement tout donné et ne peuvent pas tenir sur le long terme. En fin de compte, Jurowski fait preuve d’une assez grande prudence et n’emporte pas toujours ses musiciens ou alors, et c’est tout aussi dommageable, les entraîne de façon précipitée voire brouillonne (la fin de «Sommet»); pas de quoi donc inquiéter les grandes versions bien connues de cette symphonie, qui permet à tout orchestre de démontrer ce dont il est capable.


De son côté, le jeune Robin Ticciati (né en 1983) a choisi un programme plus diversifié où deux poèmes symphoniques de jeunesse côtoient les Six Lieder de l’Opus 68, également connus sous le nom de «Brentano-Lieder». Le programme commence sinon mal, ce serait bien exagéré, du moins là aussi très sagement avec un Don Juan (1888) certes à l’assez belle plastique mais qui manque là aussi de violence, d’emportement, de caractère. Les cors (dans le fameux passage au milieu de la pièce) manquent de brillant et, même si certains solistes sont superbes (hautbois et cor anglais), même si certains tutti sont impressionnants, l’interprétation demeure finalement trop retenue. Difficile d’imaginer que c’est un chef de moins de 40 ans qui lance ainsi l’orchestre: pour qui souhaite davantage de fougue, de couleurs, de liberté dans l’appréhension de l’œuvre, on ne peut que conseiller – entre autres car là non plus, les références ne manquent pas... – d’écouter et de voir Karl Böhm répéter Don Juan avec le Philharmonique de Vienne (voir ici) ou, plus proche de nous, Manfred Honeck à Pittsburgh!


Deuxième œuvre au programme, les Six Lieder composés par Strauss sur des poèmes de Clemens Brentano en 1918, mais orchestrés seulement en 1940 par le compositeur lui-même. Sans avoir la caractérisation des grandes straussiennes d’aujourd’hui (Diana Damrau, Christiane Karg, Camilla Nylund notamment), Louise Alder donne de ces six petits chefs-d’œuvre une interprétation très convaincante, passant sans difficulté des volutes quelque peu ingénues de «Ich wollt’ ein Sträusslein binden» à la modernité des accents de «Säus’le, liebe Myrte!» – soulignons ici le magnifique et étincelant accompagnement des bois de l’orchestre! – sans oublier le souffle puissant du lied «Als mir dein Lied erklang!». Même si la jeune Anglaise manque parfois d’un brin de souffle ou si certains aigus s’avèrent un peu durs («Amor»), elle livre là une version plus qu’honorable de ces lieder, malheureusement trop peu souvent donnés en concert. Nul doute que son exploration du répertoire straussien (elle incarnera rien moins que Sophie dans Le Chevalier à la rose à l’Opéra de Vienne sous la direction de Philippe Jordan au mois d’avril 2022) lui offrira l’occasion d’affermir ses interprétations.


Mort et transfiguration (1894), à titre personnel une de nos pages préférées de l’orchestre straussien, bénéficie sous la direction du chef anglais d’une vision extrêmement soignée, l’orchestre étant superbe de bout en bout: écoutez par exemple l’entrée en lice du hautbois, le relais de la flûte et du violon solo... Néanmoins, les emportements du milieu de l’œuvre ainsi que le caractère inexorable de la fin de ce poème symphonique ne sont pas autant soulignés qu’on peut l’entendre sous d’autres baguettes. Inversement, certains tutti sont plus tapageurs qu’autre chose sans pour autant prendre l’auditeur à bras-le-corps: beaucoup d’effet pour finalement peu de résultat...


Pour autant, Ticciati nous convainc globalement, en tout cas davantage que Jurowski, sans néanmoins gagner à nos yeux ses lauriers de straussien; à voir pour une éventuelle suite?


Le site de Louise Alder
Le site de l’Orchestre radio-symphonique de Berlin
Le site de l’Orchestre symphonique allemand de Berlin


Sébastien Gauthier

 

 

 

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