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07/14/2021
Tālivaldis Kenins : Concerto di camera n° 1 – Concerto pour piano, percussion et cordes – Symphonie n° 1 [*]
Tommaso Pratola (flûte), Mārtins Circensis (clarinette), Agnese Eglina (piano), Edgars Saksons (percussion), Latvijas Nacionālais simfoniskais orkestris, Guntis Kuzma, Andris Poga [*] (direction)
Enregistré à la Grande Guilde, Riga (1er-4 juin 2020) – 58’40
Ondine ODE 1350-2 – Notice (en anglais) d’Orests Silabriedis





Compositeur, organiste et pédagogue canadien d’origine lettone, Tālivaldis Kenins (1919-2008) reste largement méconnu sur le plan international malgré la grande qualité de son œuvre qui comprend pour le principal huit symphonies, douze concertos, certains doubles, des pages chorales et une vingtaine de pièces de musique de chambre. Ondine le sort d’un oubli relatif grâce à ce que l’on espère être un tout premier programme qui fait appel à l’Orchestre national symphonique de Lettonie, à trois des solos de pupitre, à Andris Poga, Guntis Kuzma, son chef depuis 2014, et à Agnese Eglina, pianiste lettone très active qui se produit fréquemment avec eux, intégrée à l’orchestre ou en soliste. Ils sont appréciés en France grâce à Andris Poga, leur directeur musical et chef principal depuis 2013 et aux concerts donnés à Metz, à Aix-en-Provence, à la Philharmonie de Paris et au Théâtre des Champs-Elysées. On apprécie à chaque fois la qualité de la direction d’Andris Poga, remarquées en particulier alors qu’il occupait les fonctions de chef assistant à la direction de l’Orchestre de Paris auprès de Paavo Järvi entre 2011 et 2015.


Dès la réoccupation de la Lettonie par l’Armée Rouge en 1944, Kenins, élève à l’époque de Jāzeps Vītols, prit la décision de s’exiler pour parachever sa formation musicale à Paris. Il y étudia la composition, l’analyse musicale et le contrepoint auprès de Tony Aubin, d’Olivier Messiaen et de Simone Plé-Caussade avant de partir pour le Canada en 1951 où il devint un personnage influent de la vie musicale canadienne. Sa musique est hautement personnelle, puissante, souvent sombre, âpre à l’occasion, mais chaleureuse et haute en couleur. On la dit d’un romantisme contemporain ou d’un modernisme conservateur. Kenins lui-même précise qu’il ne cherche pas à innover à tout prix; il cherche des voies nouvelles pour exprimer des idées pérennes.


Comme Brahms, Kenins n’aborde le genre symphonique qu’à sa pleine maturité, huit ans après son arrivée au Canada, et sa Première Symphonie en trois mouvements illustre pleinement l’originalité de son approche, la hardiesse de son habile contrepoint et son attachement à la couleur instrumentale. L’importance de l’intervention d’instruments solistes ou du timbre spécifique de pupitres entiers portés ou non par l’orchestre se révèle tout à fait saisissante. Le premier mouvement alterne plaidoiries mélancoliques et protestations dynamiques, alors que, d’humeur plus constante, le deuxième mouvement émeut grâce au grand thème mélodique, doucement lyrique, qui se cache, ressort, domine ou se promène comme un fil d’or à travers les strates. Un vigoureux éclat syncopé lance le finale qui déferle tout en contraste entre drame et calme, ironie narquoise et nostalgie. On ne peut rester insensible à l’expressivité éloquente de ces débuts symphoniques déjà de main de maître.


Le Concerto di camera n° 1 pour flûte, clarinette, piano et petit orchestre (1981) évoque le concerto grosso et peut faire penser à Bartók dans certains passages du premier mouvement, où le piano déploie un tapis «crissant et moiré» en soutien à l’orchestre (Messiaen à propos de laMusique pour cordes, percussion et célesta), et au mystérieux deuxième qui évolue comme un long lé de «soie qui se déchire» tout doucement (Boulez id.). Le troisième mouvement, par son énergie et son idiosyncrasie, peut faire penser à Martinů, mais l’ensemble du Concerto reste tout à fait représentatif du génie imaginatif du compositeur. Les trois solistes assurent. Le piano fluide ou percussif et la flûte et la clarinette, ensemble, en dialogue ou en fugue, soutiennent ou dominent un petit orchestre aux riches idées musicales.


Le splendide Concerto pour piano, percussion et cordes (1990) mériterait d’être plus souvent à l’affiche. Kenins était en Lettonie en 1989-1990 lors de la lutte pour l’indépendance du pays, lutte qui, en 1991, devait tourner au tragique, et le Concerto, quoique mouvant, intensément coloré et puissamment sismique en surface, exprime une amertume, une angoisse et un effroi des plus percutants. Comme les deux autres pièces au programme, l’œuvre se déploie en trois mouvements, les mouvements extérieurs rapides et vifs et le mouvement central étiré et d’une expressivité bouleversante. Les trois protagonistes se mêlent le plus souvent en un contrepoint ciselé au tissage savamment multicolore. Le piano passe d’une scintillante course d’une énergie brute à une complainte déchirante, la percussion, aux sons déterminés ou non, claque, se diabolise ou s’égrène, douce ou cruelle, les cordes élastiques susurrent ou frappent et le violon solo du deuxième mouvement les relie comme avec un ruban de satin.


Confirmations ou découvertes, les trois pièces au programme, judicieusement choisies et bien interprétées, ne peuvent qu’inciter le mélomane à approfondir sa connaissance de ce compositeur letton, voire des compositeurs lettons en général.


Le site d’Agnese Eglina
Le site d’Andris Poga
Le site l’Orchestre national symphonique de Lettonie


Christine Labroche

 

 

 

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