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07/29/2020
Jean-Noël von der Weid : Luis de Pablo. Bâtisseur d’essentiel
Editions Aedam Musicae – 143 pages – 18 euros





«La France m’a oublié et mon quatre-vingtième anniversaire passe inaperçu dans l’Hexagone» écrit, amertumé, Luis de Pablo (né le 28 janvier 1930) dans une lettre datée du 10 octobre 2009. L’homme y avait pourtant noué des amitiés notables (le pianiste Claude Helffer, l’écrivain et mécène Pierre Souvtchinsky, pour ne citer qu’eux) et présida même aux destinées du Festival de Lille entre 1981 et 1983. La compensation ne viendra pas du côté du disque tant les enregistrements, trop rares et confidentiels eu égard à son catalogue gigantesque (plus de deux cents œuvres), peinent à refléter la trajectoire singulière de ce grand d’Espagne. Cette trajectoire, Jean-Noël von der Weid, auteur du désormais classique La Musique du XXe siècle (Pluriel), nous la brosse à gros traits au seuil de cet ouvrage - qui paraît pour les quatre-vingt-dix ans du compositeur – constitué pour l’essentiel de lettres de Luis de Pablo adressées au musicologue et essayiste suisse dont il fit la connaissance en 1995 à la faveur du quatrième festival Aujourd’hui Musiques de Perpignan.


Sur un ton amical et jamais docte en dépit de la somme encyclopédique de connaissances brassées, Luis de Pablo parle de son travail de compositeur, de sa liaison orageuse (le franquisme) avec son pays («Pour moi, aucune nationalité n’est capable d’englober toute une personnalité humaine», lettre du 20 juillet 1996), de son esthétique à la fois sans concession mais éloignée du radicalisme d’un Lachenmann («Car la vraie profondeur – pour ton humble serviteur – comporte la beauté ou, au moins, sa quête», lettre du 18 août 1997 et «Tous mes efforts vont vers une notion noble (oublie l’aristocratie) du plaisir. Autrement dit, une notion ouverte, pas égoïste – même si l’acte de la création – en musique et en amour – est la chose la plus égoïste qui soit», lettre du 15 juin 1997). Ailleurs, il fait part de ses admirations (à la mort de Francisco Guerrero: «Il était un compositeur assez extraordinaire», lettre du 8 novembre 1997), de son rapport problématique avec les outils informatiques («... l’ordinateur ne me convient point», lettre du 14 avril 2003) mais passionnel avec les écrivains et philosophes (Céline, Gongora, Quevedo, Nietzsche, Jean de la Croix, etc.).


«L’univers de Luis de Pablo, somptueux, grotesque, étrange et macabre, farfelu, agile et cristallin, équivoque éminemment, marque un tournant radical dans l’évolution de la musique espagnole de la seconde moitié du XXe siècle et du début de ce siècle: il offusque tout», écrit avec un sens de la formule qu’on eût souhaité plus constant Jean-Noël von der Weid. Ce dernier, qui s’est employé à contextualiser chaque lettre – jetant du même coup un beau pinceau de lumière sur telle facette de la personnalité et de l’art de Luis de Pablo –, n’entend pas faire œuvre de biographe non plus que de musicologue: la plume est ici moins celle de l’universitaire que du poète, avec quelques trouvailles heureuses (voir ci-dessus), d’autres moins (le style, flamboyant, verse souvent dans l’abscons).


De là le sentiment d’avoir dans les mains un objet situé à la marge d’une œuvre qui, pour le mélomane de bonne volonté, reste encore à découvrir; ou, pour dire les choses différemment, d’une annexe dépareillée de l’étude qu’elle compléterait. Enfin, était-il nécessaire, à l’heure d’internet où la moindre information et notice biographique peut s’obtenir en un clic, de consacrer des notes de bas de page à «Quevedo»? à «l’Inquisition»? à «Goya»?


Un témoignage personnel plutôt qu’une présentation essentielle; on attend toujours le livre de référence sur Luis de Pablo.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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