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09/12/2018
Jean-Jacques Nattiez: Les récits cachés de Richard Wagner – Art poétique, rêve et sexualité du Vaisseau fantôme à Parsifal
Les Presses de l’Université de Montréal – 160 pages – 22 euros







Marc Goldschmit: L’opéra sans rédemption ou Eros musicien
Aedam Musicae – 184 pages – 22 euros





Ces deux nouvelles publications le confirment: Wagner stimule encore les essayistes, et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Mais si l’une permet de mieux le comprendre, donc de mieux apprécier son œuvre, l’autre provoquera, dans le meilleur des cas, la réflexion, au pire, l’exaspération.


Auteur de plusieurs études sur ce compositeur, Jean-Jacques Nattiez synthétise ses travaux dans un ouvrage succinct mais bien pensé. Les récites cachés de Richard Wagner aborde les dix principaux opéras dans leurs dimensions poétiques, oniriques et érotiques, qu’elles se révèlent implicitement – comme les métaphores suggérées par certains solos instrumentaux – ou de manière plus explicite. L’universitaire procède à cet examen rigoureux en regard des principes poétiques, esthétiques et philosophiques du compositeur. Sans pour autant polémiquer, il n’occulte pas le caractère nauséabond des écrits de Wagner, ayant d’ailleurs publié à ce propos un Wagner antisémite. C’est ainsi qu’il conclut pertinemment sur la nature duale cette figure musicale si contestée.


Le livre s’articule en huit chapitres, un par opéra, sauf pour la Tétralogie qui en fait l’objet de deux. Comme il s’adresse aux amateurs, chacun d’eux débute par un résumé de livret, mais il vaut mieux bien connaître Wagner pour suivre l’auteur dans son cheminement intellectuel. La plume se révèle toutefois claire et plaisante, les textes sont impeccablement structurés et le plus souvent éclairants. Comme ils forment un recueil d’essais, les chapitres peuvent être lus dans l’ordre souhaité ou en fonction de ses envies. Il est, du reste, tout à fait plausible que l’un d’eux soit repris tel quel dans un programme de maison d’opéra.


Autant la contribution fouillée et réfléchie de Jean-Jacques Nattiez présente une utilité certaine pour les admirateurs du grand œuvre de Wagner qui désirent mieux en percevoir les richesses, autant l’essai philosophique de Marc Goldschmit découragera probablement beaucoup de lecteurs, et ce dès le préambule critique. Dans L’Opéra sans rédemption, l’auteur analyse, dans un premier temps, les aspects artistiques, politiques et religieux des opéras du maître de Bayreuth sous le prisme de théories philosophiques, et examine ensuite ceux de Mozart pour chercher une «issue libre, vitale, joueuse et joyeuse – érotique – à la décomposition wagnérienne de l’art et à sa compromission complète avec la politique du pire». Il souhaite ainsi montrer à quel point l’art de Wagner se situe aux antipodes de celui de Mozart, comme si nous ne le savions pas déjà.


Cet essai met notre patience à rude épreuve, à cause de la lourde terminologie, mais aussi parce que l’auteur affiche ouvertement son mépris de certains livrets de Wagner («intrigue ridicule et vulgaire», «>I>simple et rudimentaire», «invraisemblable», «faible», «mythologie kitsch et vulgaire»), ce qui peut induire chez le lecteur courageux le sentiment que ceux de Mozart valent bien mieux. Obsédé par l’antisémitisme du premier, ce que la quatrième de couverture ne laisse guère présager, Marc Goldschmit méprise ouvertement le travail de confrères comme Alain Badiou avec une assurance et une arrogance à la longue lassantes.


Dense mais fastidieux, cet essai témoigne pourtant d’un véritable travail de fond que ceux qui maîtrisent la pensée de Hegel, Nietzsche, Heidegger et Adorno sauront peut-être apprécier. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que ce philosophe, qui ne manque pas de culot, ajoute à la vaste bibliographie wagnérienne un ouvrage personnel. Mais nous nous demandons à qui il s’adresse. Ceux qui aiment les opéras de Wagner continueront à les admirer et n’éprouveront nullement le besoin de s’astreindre à cette lecture. Et ceux qui les détestent pour des raisons idéologiques ou esthétiques – ou les deux – trouveront dans ces pages le bien-fondé de leur opinion. Quant aux metteurs en scène et autres dramaturges en mal d’inspiration, ils pourraient trouver matière à réflexion dans ces deux publications, pour le meilleur ou pour le pire.


Sébastien Foucart

 

 

 

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