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06/25/2017
Pascal Dusapin : Incisa pour violoncelle (*) – If pour clarinette – Item pour violoncelle (*) – Laps pour clarinette et violoncelle – Invece pour violoncelle – Ipso pour clarinette – Immer pour violoncelle (*) – Ohé pour clarinette et violoncelle – Iota pour violoncelle – Imago pour violoncelle
Benjamin Dieltjens (clarinette), Arne Deforce (violoncelle)
Enregistré au Concertgebouw de Bruges (27-28 mai 2015 [*] et 6-8 février 2017) – 101’42
Album de deux disques Aeon AECD 1756 (distribué par Outhere) – Notice en français, anglais et néerlandais


 Sélectionné par la rédaction





D’Incisa (1982) à Imago (2001), Arne Deforce et Benjamin Dieltjens livrent une anthologie chronologique de la musique pour violoncelle et/ou clarinette de Pascal Dusapin (né en 1955).


Si, pour reprendre la formule d’André Malraux, tout artiste naît disciple – dans la mesure où il finit par son génie et commence par celui des autres –, Pascal Dusapin ne fait pas exception: ses premiers opus traduisent l’influence des spectraux et de la musique de Iannis Xenakis (1922-2001), dont il partage le goût pour les titres brefs et énigmatiques. Mais si ce dernier – ainsi qu’il a pu lui-même le reconnaître – n’entendait pas toujours intérieurement les partitions qu’accouchaient ses programmes informatiques et ses calculs de probabilités, Dusapin s’est toujours montré d’une intégrité irrépréhensible avec la notation de sa musique (pas une mesure qui ne soit entendue), la marque d’une voix singulière parmi les compositeurs de sa génération. Paul Méfano ne s’y est pas trompé, qui fut l’un des premiers à le programmer à l’Ensemble 2e2m. A la différence de son maître Edgard Varèse (1883-1965), dont le peu d’affinité avec les cordes lui fit préférer les vents et les percussions, Xenakis a su inventer une nouvelle manière de les aborder, que Dusapin reprend à son compte dans la plupart des pièces pour violoncelle du premier disque: Incisa (1982), Item (1985) et Laps (1987) cultivent ce jeu abrasif, sans vibrato, avec des glissandos, des formules spasmodiques et même les huitièmes de tons. Dans If (1984) pour clarinette, le travail sur le contraste des dynamiques et la ductilité de la colonne d’air exige un interprète des plus virtuoses.


Egalement rédacteur de la notice, Arne Deforce dresse de subtils parallèles entre son expérience de musicien et la musique de Dusapin en s’appuyant notamment sur le philosophe Gilles Deleuze. Ainsi de la phrase «Un style, c’est arriver à bégayer dans sa propre langue» (Deleuze pense surtout à la poésie de Ghérasim Luca), mise en perspective avec le jeu «résolu, compulsif et irrésistible» d’Invece.


L’ensemble du second disque paraît placé sous la bannière de la musique populaire. Non que Dusapin, à la manière de Bartók, se soit attaché à puiser aux sources d’un certain folklore, mais sa démarche réfléchit sur «le potentiel compositionnel de la musique non occidentale». Sans doute le sommet de ce double album, le triptyque Immer (1996) met en exergue les virtualités timbriques de l’instrument. La deuxième pièce rejoint par-delà les siècles la Sarabande de la Cinquième Suite de Bach par sa nudité et sa plénitude. Avec Imago, pièce la plus récente du programme, Dusapin «compose et individualise ce caractère mélodiste des œuvres folkloriques imaginaires».


Ainsi qu’il advient avec ce type de programme anthologique de musique de chambre, l’écoute gagne à s’étaler sur plusieurs séances. Arne Deforce et Benjamin Dieltjens ont accompli un travail remarquable autour de ces pièces exigeantes d’un compositeur connu essentiellement pour son corpus orchestral. Comme toujours avec l’éditeur Aeon, la prise de son, superlative, garantit une qualité d’écoute des plus optimales.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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