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03/20/2017
William Walton : Façade. An Entertainment
Carole Boyd, Zeb Soanes (récitants), Joshua Batty (flûte, piccolo), James Burke (clarinette, clarinette basse), Howard McGill (saxophone alto), Alan Thomas (trompette), Alex Neal (percussion), Richard Harwood (violoncelle), Pierre Doumenge (violoncelle), John Wilson (direction)
Enregistré (dates et lieu non communiqués) – 64’40
Orchid Classics ORC 100067





Façade, divertissement bien apprécié outre-Manche et outre-Atlantique, est souvent repris en partie ou en entier au concert dans la version orchestrale ou parfois avec récitant(s) dans la version originale qui tente aussi bien les acteurs et les voix radiophoniques que les chanteurs lyriques, tels, par exemple, Barbara Hannigan, Philip Langridge ou Peter Pears, prêts à abandonner momentanément leur chant (mais non leur savoir) pour tenter cette expérience parlée hors normes. La plupart des prestations n’aboutissent pas à un enregistrement donc toute nouvelle tentative est toujours la bienvenue. John Wilson, fondateur et chef permanent de l’Orchestre John Wilson, réunit les six instrumentistes requis et un second violoncelliste en soutien des voix de Carole Boyd, actrice au théâtre comme à l’écran, et de Zeb Soanes, présentateur à la BBC et présentateur occasionnel des Proms.


Par la nature même de l’œuvre, la réussite dépend en tout premier lieu des récitants malgré l’entrain vital exigé des musiciens dès la courte fanfare d’entrée. Ces deux voix, célèbres au Royaume-Uni, scandent les étranges poèmes d’Edith Sitwell (1887-1964) avec un rythme infaillible et une diction parfaite, étirée ou véloce. L’originalité de cette nouvelle version vient de la manière judicieuse dont Boyd et Soanes ont réparti entre les deux voix non seulement les vingt-et-un poèmes mais parfois les vers à l’intérieur de chacun, la seconde voix, non dénuée d’humour venant toujours à propos. Avec une verve à la fois malicieuse et impassible, les deux récitants adoptent un accent proche de celui de Sitwell elle-même mais en changent quand une rare occasion le mérite.


Façade. An Entertainment, work in progress entre 1921 et 1942, est né du hasard des rencontres. William Walton (1902-1983) hébergé à Londres par les frères Sitwell y fit la connaissance de leur sœur Edith, poète expérimental qui à l’époque composait des poèmes sur des rythmes de danse - valse, polka, tango, paso doble et d’autres encore - en prenant appui sur la scansion, l’assonance et l’allitération, et en rythmant un nombre de syllabes variant entre une et seize par vers, comme des notes de musique par mesure. Le sens des poèmes est surréaliste en apparence mais sans doute ésotérique, symboliste et très personnel – le sens au premier degré n’est qu’une... façade. Boyd et Soanes permettent à l’auditeur d’en saisir sans cesse de frappantes images fugitives et de se délecter non seulement des associations de mots mais de leur sonorité. La lecture des poèmes devait avoir lieu sans musique mais Edith Sitwell opta finalement pour un soutien musical. Son compositeur «en résidence» s’imposa d’office, malgré la réticence initiale de celui-ci, et la collaboration inattendue entre le musicien et le poète fut fertile bien qu’unique dans son genre dans la carrière de Walton.


Les deux Suites pour orchestre élaborées la première en 1926, la seconde en 1938, révèlent tout l’esprit taquin et enjoué de Walton face aux styles et aux sonorités typiques des années 1920. La version originale pour six instrumentistes en est également le reflet mais sans doute à un moindre degré malgré le saxophone, la caisse claire, les wood-blocks et les rythmes chaloupés, car, parallèlement à la conception d’ordre plus populaire, il y court un filon qui peut évoquer l’influence de Satie en esprit (Parade), et de Stravinski (L’Histoire du soldat) et même de Schönberg (Pierrot lunaire) aux effectifs comparables. Les sept instrumentistes, tous musiciens d’orchestre et solistes expérimentés, se prêtent avec adresse et avec une joie piquante à la direction de John Wilson, qui ne laisse pas oublier ses goûts opportuns pour le jazz et pour les musiques de film et de scène de provenances diverses.


Les versions auxquelles Edith Sitwell elle-même a participé, seule (Prausnitz) ou avec Constant Lambert (Walton) ou avec un Peter Pears extraordinaire (Collins), laissent un souvenir indélébile, et Richard Chailly, Richard Hickox, Neville Marriner et David Lloyd-Jones signent aussi des versions non négligeables. Le charme, la bravoure décalée et l’insouciance apparente de cette nouvelle version méritent néanmoins largement l’attention des convaincus et ils ouvriront sans peine l’appétit des mélomanes qui souhaiteraient découvrir cette perle rare. La prise de son établit un parfait équilibre sonore entre les instruments et les voix.


Façade est suivi d’un entretien de plus de 25 minutes avec une Edith Sitwell à la fois ouverte et secrète mené à la BBC par Paul Dehn, Lionel Hale et Margaret Lane le 25 novembre 1955. C’est un document révélateur par le biais de toute une époque littéraire et humaniste toujours sous l’impact de la guerre. Il y est brièvement question de l’accueil réservé à Façade à sa création et par la suite, mais Sitwell n’évoque ni sa conception, ni son élaboration, sauf pour la qualifier de spontanée et sans affectation, ni Walton, son protégé.


Le site de Zeb Soanes


Christine Labroche

 

 

 

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