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03/13/2017
«Point and Line»
Claude Debussy : Etudes
Toshio Hosokawa : Etude I-VI

Momo Kodama (piano)
Enregistré à l’Arsenal historique (Historischer Reitstadel) de Neumarkt (janvier 2016) – 79’21
ECM New Series 481 4738 (distribué par Universal)





Claude Debussy (1862-1918) et Toshio Hosokawa (né en 1955) ont entrepris à presque cent ans d’intervalle une série d’études pour le piano d’une durée comparable malgré leur nombre différent. Momo Kodama (née en 1972), la plus française des pianistes japonais, a souvent présenté au concert les deux cycles indépendamment l’un de l’autre. Le lien fort qu’elle ressent entre ses deux cultures japonaise et française reste pour elle sensible entre les douze Etudes (1915) célébrissimes de Debussy et les six Etudes (2011-2013) de Hosokawa, bien que les deux cycles soient de conception et de facture différentes. Rompue à leur nature profonde, elle leur trouve, outre une liberté partagée de forme, de couleur et de ton, une virtuosité raffinée ou vivement lumineuse et une certaine poésie lyrique ou contemplative. La pianiste tente par conséquent un «panachage» des deux séries d’études dans un ordre non conventionnel de son choix. Elle se fie à sa sensibilité intuitive d’exécutante expérimentée pour qu’une Etude puisse servir de repoussoir ou d’écrin, de prélude ou de suite à une autre et qu’une écriture musicale puisse se fondre à l’autre ou la mettre en relief.


Grâce aux dons interprétatifs de Momo Kodama qui illuminent sa prestation, il en résulte une expérience musicale cohérente, mais si on peut apprécier l’inattendu qui, d’une certaine façon, fait redécouvrir ou écouter d’une autre oreille les Etudes de Debussy si connues, on peut regretter de ne pas connaître assez bien les Etudes de Hosokawa pour en apprécier une pareille écoute insolite de chacune d’entre elles soudain isolée dans un flot debussyste. La solution, peut-être, c’est de se familiariser avec les Etudes de Hosokawa dans l’ordre avant de tenter l’écoute de ce beau programme de concert qui s’ouvre sur la fluidité délicate de «Pour les arpèges» avec en finale une «Pour les octaves» grandiose. Entre les deux, les études mêlées s’enchaînent les unes aux autres avec une douce évidence ou y sonnent en rupture totale. «Pour les arpèges», par exemple, laisse la porte ouverte aux premières hésitations de «Point and Line», et, prise dans cet ensemble, la coloration orientale de «Pour les quartes» qui s’y enchaîne n’a jamais paru si évidente. En revanche, la violence d’«Anger» tranche nettement sur «Pour les degrés chromatiques» alors que le souvenir du grondement sourd de sa résonance finale laisse dans le silence une toile de fond propice à «Pour les notes répétées».


Antoine Goléa estime que «pour Debussy, les questions techniques n’étaient que des prétextes. Ce qui l’intéressait, c’étaient trois ordres de problèmes de structure purement musicale: le problème de certaines structures harmoniques, parfaitement étrangères aux structures tonales, le problème des timbres, et enfin, le problème de la liberté de la forme.» Ne se prêtant à aucune intention formatrice, Toshio Hosokawa le rejoint sur les trois points. Dans un esprit japonais de geste calligraphique, il exploite toutes les possibilités des notions de point et de ligne, en isolation, en conflit ou en symbiose. Dans l’ordre de composition, les titres de plus en plus subjectifs des Etudes laissent quelques indices quant à leur facture: «Two Lines», «Point and Line», «Calligraphy. Haiku, one Line», «Ayatori Magic by two Hands, three Lines» [Ayatori: jeu de ficelle], «Anger», et «Lied. Melody».


Notes tenues ou staccato, seules ou répétées, se répandent comme les gouttelettes dynamiques d’une action painting, la rythmant de contrastes intervalliques. Les sons deviennent mini-clusters puis gruppettos qui forment des constellations. Chaque point s’étoffe d’agréments ou se prolonge en trilles d’où naissent les lignes qui évoluent sur leur propre résonance ou qui se dédoublent en un contrepoint subtil. L’évolution peut être celle d’une éclosion qui naît du silence pour y retourner ou, suivant un conflit qui s’impose d’entrée, celle d’une explosion qui peu à peu se meurt. Aucune des Etudes d’Hosokawa, cependant, ne suit un seul chemin.


Momo Kodama a assuré la première mondiale des Etudes d’Hosokawa en tant que cycle et, par ailleurs la création de Lotus under the moonlight, son concerto pour piano (voir ici). A la faveur de la clarté ciselée de son jeu, tant lumineux que puissant, et de la maîtrise, de l’intelligence expressive et de l’intériorité de son interprétation, ce programme audacieux peut trouver grâce aux oreilles de tous et peut-être même les envoûter. A l’unisson de la critique, ConcertoNet a acclamé «La Vallée des cloches», le premier programme à devoir son existence à la sensibilité franco-japonaise de Kodama, qui y interprète des œuvres de Ravel, Takemitsu et Messiaen. On peut souhaiter autant de succès à «Point and Line».


Le site de Momo Kodama
Notre entretien avec Momo Kodama (décembre 2013)


Christine Labroche

 

 

 

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