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02/14/2017
«Legendary Treasures (Live Broadcasts)», volume 5
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 20, K. 466 [*]
Johann Sebastian Bach : Toccata en ut mineur, BWV 911
Robert Schumann : Fantaisie en ut majeur, opus 17
Frédéric Chopin : Mazurkas, opus 59

Martha Argerich (piano), Sinfonieorchester des Norddeutschen Rundfunks, Reinhard Peters (direction)
Enregistré en public à Milan (14 mars 1966) et à Hambourg (16 juin 1966) [*] – 78’30
DOREMI DHR-8048


 Sélectionné par la rédaction





Heureuses les jeunes générations qui découvrent l’immense pianiste d’origine argentine Martha Argerich, qui vient de fêter ses 75 ans! Tout ce qu’elle a enregistré pour ses éditeurs successifs, principalement Deutsche Grammophon (DG), EMI, Sony et Warner, a été récemment réédité sous forme thématique (concertos, musique de chambre, solos, quatre mains, participation à des festivals) sous forme d’élégants coffrets, le plus souvent dans la présentation d’origine des microsillons. La vidéographie n’est pas en reste avec concerts, documentaires, archives familiales et témoignages.


Mais avant d’enregistrer pour les majors (son mythique premier microsillon DG date de 1960), avant même son premier prix au concours Chopin remporté à 24 ans en 1965 à Varsovie, Martha Argerich, qui avait quitté l’Argentine pour étudier à Vienne auprès de Friedrich Gulda, avait entamé sa carrière de concertiste en Allemagne et en Italie principalement. Paris l’a accueillie en juin 1968 pour son premier concert officiel – un concert (privé) de promotion de ce fameux premier microsillon DG l’avait précédé – dans un Théâtre des Champs-Elysées quasi vide – grève générale oblige – au point que l’on avait dû demander à la cinquantaine de spectateurs présents de se regrouper au parterre. Ce long préambule pour expliquer qu’avant de devenir la «lionne», Martha Argerich a mené une carrière de pianiste soliste qui a été aussi fracassante que courte. Diverses raisons ont été évoquées, les plus officielles étant l’insécurité et la crainte de la solitude du récital en solo. De fait, après le milieu des années 1970, il n’existe quasiment aucune trace – hormis un récital à Carnegie Hall en 2000 donné au bénéfice d’une fondation médicale – de récitals publics complets.


C’est dire si les cinq volumes (d’autres sont à venir) publiés sous le titre «Legendary Treasures» par l’éditeur DOREMI sont une aubaine, pas seulement pour ceux qui possèdent toute sa discographie officielle mais aussi pour les inconditionnels de cette artiste qui ne voudront pas manquer une miette de sa carrière. Les caractéristiques techniques varient selon les prises mais restent très satisfaisantes. Ce volume 5 comporte, comme le volume 1, un concerto de Mozart enregistré en Allemagne un an après le prix Chopin et un récital donné à Milan quelques mois auparavant. Le Vingtième Concerto, qu’elle a enregistré «officiellement» avec Claudio Abbado en 2013 pour DG, est du 16 juin 1966, avec le l’Orchestre symphonique de la NDR dirigé par Reinhard Peters à Hambourg. Il n’a pas la grâce surnaturelle de celui enregistré à Cologne la même année sous la direction de Peter Maag (volume 1). Mais on reste à un niveau exceptionnel! Le jeu de la pianiste est d’une grande sobriété, avec un legato liquide et une palette de couleurs infinie. On s’étonne au début de l’Allegro d’une certaine sagesse mais très vite le ton monte vers un dramatisme très bien contrôlé. La cadence – elle a choisi celles de Beethoven – la montre au meilleur de sa forme étincelante. La Romance centrale est un moment planant dans lequel s’exprime toute la tendresse dont ce tempérament volcanique peut aussi être capable. Et le Rondo final conclut avec jubilation ce concerto dont on peut penser qu’elle n’a pas changé sa conception avec Abbado 47 ans plus tard.


Les récitals publics de Martha Argerich sont trop rares pour que l’on puisse confirmer avec certitude qu’elle était généralement meilleure au studio. Ce récital, capté à Milan le 14 mars 1966, fait cependant pencher pour cette hypothèse. Les trois Mazurkas de Chopin (un de ses trois prix remportés à Varsovie l’année précédente), qu’elle devait enregistrer en studio pour DG dix mois plus tard, sont de purs trésors : style, couleurs, esprit forcent l’admiration. La Toccata en ut mineur de Bach est d’une sagesse qui contraste avec ses enregistrements de studio plus tardifs. La Fantaisie en tu majeur de Schumann déçoit aussi car hormis de très tendres phrasés dans le mouvement Durchweg leise zu halten, on n’y trouve pas, même à l’état embryonnaire, la sève du tempérament dont elle a si bien su nourrir ses interprétations schumaniennes ultérieures autant dans le Concerto, un de ses grands chevaux de bataille, que dans les Fantasiestücke et, bien sûr, dans les Scènes d’enfants si souvent jouées.


Mais encore une fois, ces enregistrements publics, tout comme les récitals au Concertgebouw d’Amsterdam de 1978 et 1979 publié par EMI et le récital au Carnegie Hall de New York de 2000 paru chez un éditeur indépendant, sont des témoignages de la plus haute importance pour retracer le fil de la carrière d’une des pianistes les plus attachantes du dernier demi-siècle.


Olivier Brunel

 

 

 

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