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08/11/2016
Anton Bruckner : Symphonies n° 1 en ut mineur (version de Vienne 1890-1891) [1], n° 2 en ut mineur (édition Haas, 1877) [2], n° 3 en ré mineur (seconde version 1876-1877) [3], n° 4 en mi bémol majeur «Romantique» (première version de 1874) [4], en si bémol majeur (version originale de 1878) [5], n° 6 en la majeur (version originale de 1881) [6], n° 7 en mi majeur (version originale de 1883) [7], n° 8 en ut mineur (première version de 1887) [8] et n° 9 en ré mineur (version originale de 1894) [9]
SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg ([1], [3] à [9]), Rundfunk-Sinfonieorchester Saarbrücken [2], Michael Gielen (direction)
Enregistré en public au Festspielhaus de Baden-Baden (2 juin 2007) [8], au Konzerthaus de Fribourg (25 janvier 2009) et à l’auditorium Alfredo Kraus de Las Palmas (29 janvier 2009) [1] et au Konzerthaus de Fribourg (20 décembre 2013) [9], en studio au studio d’enregistrement de Saarbrücken (14 et 15 mars 1968) [2], au Festspielhaus de Baden-Baden (3 et 5 mai 1999) [3], au Hans-Rosbaud-Studio de Baden-Baden (15 et 16 décembre 1986 [7], 12 et 15 avril 1994 [4]), à la Brahms-Saal de Karlsruhe (9 et 10 novembre 1989) [5] et au Konzerthaus de Fribourg (29 mars 2001) [6], en public – 581’21
Coffret de dix disques SWR Music 19014 – Notice (en allemand et en anglais) de Sören Meyer-Eller, Ute Hesse et Paul Fiebig





Après un premier volume consacré à divers compositeurs (Bach, Beethoven, Mozart…) et en attendant un prochain entièrement dédié à Johannes Brahms, voici le deuxième coffret de la «Michael Gielen Edition» consacré quant à lui à une intégrale des Symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896) patiemment gravées au fil du temps, entre 1968 et 2013. Reconnu avant tout pour ses qualités d’interprète du répertoire du XXe siècle, Gielen a également secoué le monde de la musique classique en interprétant de façon parfois abrupte le grand répertoire comme en témoignent par exemple ses Symphonies de Beethoven. Il allait donc de soi que cette intégrale brucknérienne allait être originale à plus d’un titre.


Et la première caractéristique tient avant tout aux éditions choisies. Certes, on sait que, entre les versions «originales» ou révisées par Leopold Nowak ou Robert Haas, les résultats peuvent sensiblement différer; en l’espèce, on passe un nouveau cap. Si certaines symphonies bénéficient là d’éditions fréquemment utilisées (on pense à la Septième ou à la Neuvième, sachant que les versions Nowak ou Haas de la Cinquième ne comportent que peu de différences), le choix pour d’autres œuvres étonne davantage. Pourquoi par exemple avoir recouru à la première version de 1874 de la Quatrième, qui souffre de malfaçons assez nombreuses, à l’inverse par exemple des éditions plus courantes et plus solides établies par Haas (1881) ou Nowak (1886)? Si le choix de l’édition Linz 1890 pour la Première existe parfois (c’est sur elle que Claudio Abbado avait jeté son dévolu pour un de ses derniers enregistrements avec l’Orchestre du Festival de Lucerne), force est de constater que la version de 1877 est bien plus convaincante. Et surtout, que dire du choix de l’édition 1888 pour la Huitième où les scories de composition, les enchaînements, les bizarreries sont légion? Là encore, on s’en retourne bien vite (certes par habitude d’écoute mais pas seulement...) à l’édition Haas.


Quant à l’interprétation, connaissant par ouï-dire l’intransigeance de Michael Gielen, on ne s’étonnera guère d’y retrouver une certaine sécheresse, voire une certaine rudesse. Le troisième mouvement de la Première Symphonie ou le dernier mouvement de la Cinquième en pâtissent fortement. Les choix de tempi font qu’en plus d’une occasion, on entend une œuvre lourde, qui n’avance guère et ne séduit que peu. Le début du premier mouvement de la Première est assez pesant tandis que le dernier mouvement de cette même symphonie frappe par son emphase et sa grandiloquence là où on souhaiterait davantage de vivacité. Le célèbre troisième mouvement de la Quatrième déçoit de bout en bout en raison de son caractère pompier, le cor solo prenant son thème de façon assez allante mais sans prendre aux tripes. Le Scherzo de la Septième est interprété de manière caricaturale mais ce n’est rien à côté des premiers et deuxième mouvements de la Huitième, très pesants, joués avec des chaussures de plomb que Gielen ne quitte d’ailleurs jamais vraiment tout au long de cette symphonie. De même, on se demande comment on peut diriger de façon aussi retenue le Scherzo de la Neuvième.


En écoutant cette intégrale, on peut finalement se demander si Michael Gielen aime cette musique, car, en plus d’une occasion, il nous semble passer totalement à côté de ce que devrait être à notre sens Bruckner. Prenons par exemple la Deuxième Symphonie au caractère printanier si marqué. Si le deuxième mouvement possède de belles couleurs quasi mahlériennes, Gielen ne prend pas assez son temps dans le trio central du troisième mouvement, l’expédiant plus qu’autre chose. Quant au dernier mouvement, on ne ressent à aucun moment cette course à l’abîme que l’on aime tant par exemple chez Giulini (Testament), l’interprète idéal de cette œuvre à notre sens. La Quatrième ne distille pas ses paysages brumeux et grandioses pourtant souhaités par Bruckner lui-même: là encore, pour le mystère et l’orchestre somptueux, on s’en retourne bien vite par exemple chez Böhm avec Vienne (Decca).


Un des problèmes de cette intégrale vient peut-être aussi des deux orchestres (l’Orchestre symphonique de la Radio de Sarrebruck n’intervenant que pour la Deuxième symphonie), dont le niveau est parfois un peu juste. Dans la Deuxième justement, outre qu’il joue faux, le cor solo éprouve de sérieuses limites techniques dans le premier mouvement (à 8’50) tandis que la trompette solo accroche fortement à 15’40. Dans le troisième mouvement, la clarinette est laide au possible (à 1’38 ou à 9’02) et les cors ratent la plupart de leurs fins de phrases, l’ensemble des cuivres étant presque pénible à écouter dans le dernier mouvement. L’Orchestre symphonique du SWR de Baden-Baden et Fribourg n’est pas non plus exempt de reproches, qu’il s’agisse de la Cinquième où il est très moyen tout au long de la symphonie (où sont les cordes?), de la Septième (où la trompette rate son entrée en pleine lumière dans le deuxième mouvement, à 15’35) ou de la Huitième, un des ratages les plus complets de cette intégrale. Soyons honnête néanmoins: il existe quelques réussites. Dans le premier mouvement de la Troisième, le passage à partir de 9’ est superbe tandis que la Sixième ainsi que les premier et troisième mouvements de la Neuvième bénéficient également d’une très belle interprétation.


Pour autant, on l’aura compris, tant pour les choix éditoriaux que pour la qualité globale de l’ensemble, voici une intégrale à ne privilégier qu’en second choix. Outre les versions isolées, Karajan, Jochum, Maazel et Haitink demeurent bien entendu prioritaires, Gielen ne pouvant être abordé que par ceux qui connaissent déjà bien Bruckner bien que ce soit là aussi à double tranchant car, une fois que l’on a «adopté» une édition et plus encore une version chez ce compositeur, qu’il est difficile de s’en départir...


Sébastien Gauthier

 

 

 

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