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07/14/2016
«Neglected Works for Piano»
Vítězslava Kaprálová: Dubnová preludia, opus 13
Amy Beach: Scottish Legend, opus 54 n° 1
Doreen Carwithen:Sonatina
Valborg Aulin: Albumblad, opus 29 – Valse élégiaque en do dièse mineur
Ruth Almén: Sonate en si mineur, opus 2
Grazyna Bacewicz: Sonatina
Germaine Tailleferre : Pastorales en ré, en ut et en la bémol
Ruth Crawford Seeger : Preludes for piano: 6. Andante mystico

Bengt Forsberg (piano)
Enregistré en 2015 – 69’06
dB Productions dBCD 170





Bengt Forsberg (né en 1952) est connu d’abord pour ses nombreuses collaborations avec Anne Sofie von Otter, notamment autour des mélodies de Sibelius et de Grieg, mais, aussi bien avec la mezzo-soprano suédoise qu’en musique de chambre et en soliste, Forsberg, comme en témoigne sa discographie, aime à interpréter et à faire connaître la musique de compositeurs méconnus ou des œuvres moins souvent à l’affiche. C’est dans cet esprit qu’il a conçu son dernier récital, proposant un programme de pièces pour piano peu souvent interprétées malgré leurs mérites. Bien mises en valeur par la frappe claire et énergique du pianiste suédois, sa concentration, son sens nuancé du rythme et son phrasé intelligent, ces pages (re)vivent sous ses doigts.


Les trois premières pièces, encore romantiques, relèvent du genre «feuillet d’album» bien que seul le nostalgique Albumblad (1889) de Valborg Aulin (1860-1928) en porte le titre. Le second morceau de la compositrice suédoise, qui fut brièvement l’élève de Godard, Guiraud et Massenet à Paris, est une Valse élégiaque (1892) d’élégante facture. La frappe ferme et chaleureuse de Forsberg fait ressortir toute la force de caractère de ces deux miniatures comme celle de la Légende écossaise d’Amy Beach (1867-1944) qui exploite avec adresse une modalité celte. Plus ambitieuse, la Sonate (1919) polyphonique en quatre mouvements de Ruth Almén (1870-1945), autre compatriote de Forsberg, porte encore le sceau d’un romantisme tardif. La douceur mélancolique de l’Andante et un Tempo di minuetto ludique ou tendu, viennent en contraste frappant avec la fougue des mouvements extérieurs et l’envergure de leurs thèmes mélodiques.


La prestation de Forsberg ne manque ni de poésie ni de clarté pour les trois brèves Pastorales de Germaine Tailleferre (1892-1983), qui marquent un net changement d’époque. La Pastorale en ré majeur (1919) peut-être la plus agréablement dissonante des trois sans trahir son titre, appartient à l’Album des Six, la première œuvre collective du groupe français. Les deux autres, écrites à quelques mois d’intervalle dans une lignée de tradition française, ont en commun un habile contrepoint aux échos de chants populaires, harmoniquement aventureux dans la partie centrale. Elles datent respectivement de 1929 et 1928. Ruth Crawford Seeger (1901-1953) composa deux séries de Préludes à la même époque. On peut regretter que le pianiste suédois n’ait retenu que le Sixième (Andante mystico), premier de la seconde série (numéros 6 à 9), écrite en 1927-1928, qui nimbe une atonalité inspirée de Scriabine et de Schönberg d’un mystère poétique pour lequel la légèreté de touche du pianiste ici convient tout à fait.


Appréciées à juste titre à leur époque par Lutoslawski et par Martinů respectivement, les œuvres de Grazyna Bacewicz (1909-1969) et de Vítězslava Kaprálová (1915-1940) connaissent actuellement un regain d’intérêt. Originale sans faire partie de ses compositions plus modernistes à venir, la brillante Sonatine (1955) de Bacewicz, étincelante d’énergie rythmique et d’excellente facture, laisse deviner une influence possible de Szymanowski tout en étant très imaginative et personnelle. En 1940, Rudolf Firkušny assura la première française des riches Préludes d’avril de Kaprálová, composés et créés en 1937 peu avant l’installation de la musicienne à Paris. D’une ample envergure rythmiquement alerte et tout émaillée de motifs d’inspiration tchèque, les quatre Préludes, qui exigent une grande agilité digitale, alternent puissance et douceur mystique, tensions et poésie rafraîchissante, riante insouciance et éclats.


Doreen Mary Carwithen (1922-2003), connue aussi sous le nom de Mary Alwyn, fut d’abord l’élève, ensuite l’amanuensis et puis l’épouse du compositeur William Alwyn, aux œuvres duquel elle se consacra au dépens de sa propre carrière. Elle laisse néanmoins quelques œuvres remarquables dont la Sonatine de 1948, encore du courant néoclassique, qui bénéficie ici du jeu de cristal ferme de Bengt Forsberg. La composition, intensément énergique et verticalement très riche, s’articule en trois mouvements, les vifs Allegros extérieurs encadrant un Molto adagio d’esprit légèrement debussyste, à la fois scintillant et contemplatif.


Construit avec sensibilité, le déroulement du programme mêle les époques et les genres, assurant la mise en valeur de chaque morceau. Capté de près, le piano vigoureux au timbre chaleureux garde un bel équilibre spectral malgré un réglage peut-être légèrement relâché dans le grave. Bengt Forsberg exalte ces œuvres éminemment défendables avec beaucoup de talent et de conviction, sa puissance digitale et son expressivité intelligente les tirant de l’ombre ou les remettant de nouveau à la lumière comme elles le méritent.


Christine Labroche

 

 

 

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