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11/02/2015
Giuseppe Verdi : Aida
Anja Harteros (Aida), Jonas Kaufmann (Radamès), Ekaterina Semenchuk (Amneris), Ludovic Tézier (Amonasro), Erwin Schrott (Ramfis), Marco Spotti (Il Re d’Egitto), Paolo Fanale (Messaggero), Eleonora Buratto (Sacerdotessa), Coro dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Ciro Visco (chef de chœur), Banda Musicale della Polizia di Stato, Maurizio Billi (direction), Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano (direction) Enregistré dans la salle Sainte-Cécile de l’auditorium Parco della Musica de Rome (février 2015) – 144’56
Coffret de trois disques Warner Classics 0825646106639 – Notice et livret en anglais, italien, allemand et français


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Les enregistrements d’opéra en studio sont actuellement de plus en plus rares. Les distributeurs préfèrent généralement filmer des représentations et publier ensuite des DVD, voire des enregistrements réalisés en direct. La sortie de cet enregistrement avec le ténor vedette du moment, Jonas Kaufmann, renoue donc avec une époque où Karajan, Solti, Giulini ou Abbado enregistraient en studio des intégrales d’opéra. Antonio Pappano, qui avait déjà signé en 2005 un Tristan et Isolde réalisé en studio, et avec rien moins que Plácido Domingo et Nina Stemme, est à nouveau l’initiateur de ce projet. Ce nouvel enregistrement est une exceptionnelle réussite, non pas tant parce qu’il renoue avec un certain passé, mais surtout parce qu’il place la musique de Verdi à un niveau rarement atteint.


On ne sait quoi louer le plus dans cette Aïda. Mais ce qui saute d’abord aux oreilles est que l’artisan premier de cette réussite est Antonio Pappano. Sa direction précise, passionnée et tenue crée sur la durée une tension si caractéristique de Verdi et consubstantielle à sa musique. Cette tension est magnifiquement rendue à chaque seconde par un l’Orchestre de l’Académie Sainte-Cécile qui n’a jamais sonné aussi magistral. Cordes magnifiques et au legato inépuisable, hautbois, bassons et clarinettes miraculeux de poésie, cuivres précis, justes mais jamais agressifs, tout de cette prestation orchestrale est d’un niveau exceptionnel. Cette perfection orchestrale est présente aussi bien dans les passages plus intimes de l’œuvre que lors des déchaînements orchestraux, mais toujours tenus sans jamais ni excès, ni effet. On en tiendra notamment pour preuve tous les accords finaux, qui sonnent puissants et qu’Antonio Pappano, sans ajouter l’inutile crescendo final auxquels tant de chef d’opéra ne résistent pas, ne fait pas durer plus que nécessaire Le chœur est lui aussi magistral, engagé, ductile quand il le faut, ailleurs puissant, mais ici aussi sans excès, y compris dans la scène du triomphe de l’acte II qui peut facilement virer au capharnaüm sonore. Ces musiciens comme ces chanteurs savent apporter, comme peu d’autres, ce mélange de passion, de tension et de lumière si typiquement verdien. La géniale orchestration de Verdi devient alors audible dans tous ses détails et c’est un pur régal que de redécouvrir, sous un jour qui paraît comme nouveau, une œuvre si souvent entendue. S’il fallait une nouvelle preuve que l’opéra est d’abord et avant tout une affaire de chef d’orchestre, en voilà une excellente et très parlante démonstration.


De plus, la distribution vocale est probablement ce que l’on peut faire de mieux actuellement dans ce type de répertoire. Jonas Kaufmann livre un Radamès tantôt touchant, tantôt torturé et en tout cas psychologiquement et vocalement très élaboré. Son art du chant semble à son sommet: il parvient à alterner les nuances d’une seconde à l’autre et il livre un «Celeste Aida» sensible et émouvant qu’il se paie le luxe de terminer sur un pianissimo dont il a le secret. Son timbre, on le sait, assez sombre fait des merveilles dans les passages où le héros est en proie au doute comme dans la poignante scène avec Amneris à l’acte IV. Anja Harteros, qui comme Jonas Kaufmann aborde ici pour la première fois son rôle, le fait comme si elle l’avait toujours chanté. Le timbre est somptueux, le chant magistral, la ligne impressionnante, l’incarnation passionnée et émouvante à la fois, même s’il y a quelques raideurs dans certains aigus. L’Amneris d’Ekaterina Semenchuk n’est pas en reste avec son sens théâtral aigu, son timbre chaud et son aisance vocale sur toute la tessiture. Quant à Ludovic Tézier, il fait une magnifique démonstration de l’immensité de son talent et prouve une nouvelle fois qu’il est un des barytons verdiens les plus convaincants du moment. Phrasé lumineux, beauté du timbre et un legato hors pair font de lui un modèle du genre. Son duo avec Aïda au troisième acte est un moment particulièrement intense qui vous donne des frissons. Le Ramfis d’Erwin Schrott et le Roi d’Egypte de Marco Spotti font chacun montre d’une superbe tout à fait en situation. La prestation du jeune Paolo Fanale, récemment entendu à la Philharmonie de Paris, est également un modèle du genre. Il en est de même pour le très court rôle de Prêtresse, tenu à merveille par Eleonora Buratto.


On l’aura compris, il n’y aucun point faible dans cette distribution mais si les airs émerveillent tous les uns plus que les autres, c’est probablement dans les duos, clés de cet opéra, qu’Antonio Pappano et ses chanteurs distillent le plus, et avec un exceptionnel talent et une force dramatique rare, la quintessence de la musique de Guiseppe Verdi, une musique qui n’a jamais parue aussi géniale. On sait qu’Aïda est un opéra très gâté au disque avec notamment les superbes enregistrements de Karajan (1959), Solti (1962) et Muti (1974). Mais celui-ci se place sans aucun doute au niveau de ces exceptionnelles références, voire au-dessus... Tous les amateurs de Verdi, d’opéra, de beau chant, de direction d’orchestre, de grands orchestres, de chœurs d’opéra, de théâtre et de musique doivent impérativement acquérir cet enregistrement! Ils ne le regretteront pas car son écoute, outre qu’elle ravit, rend également heureux... Vivement Otello!


Gilles Lesur

 

 

 

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