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10/15/2015
«Glenn Gould – Remastered – The Complete Columbia Album Collection»
Glenn Gould (piano, clavecin, orgue, récitant), Rudolf Serkin (piano continuo), Marilyn Mason (orgue), Israel Baker, Jaime Laredo, Alexander Schneider (violon), Leonard Rose (violoncelle), Gilbert Johnson (trompette), Mason Jones (cor), Abe Torchinsky (tuba), Henry Charles Smith (trombone), Elizabeth Benson-Guy, Ellen Faull, Roxolana Roslak, Elisabeth Schwarzkopf (sopranos), Anita Darian, Helen Vanni (mezzo-sopranos), Charles Bressler (ténor), Donald Gramm, Cornelis Opthof (barytons), John Horton, Claude Rains (récitants), Juilliard String Quartet, The Symphonia Quartet, American Symphony Orchestra, CBC Symphony Orchestra, Columbia Symphony Orchestra, Marlboro Festival Orchestra, New York Philharmonic, The Philadelphia Orchestra, Pablo Casals, Robert Craft, Vladimir Golschmann, Eugene Ormandy, Leopold Stokowski, Walter Susskind (direction), Leonard Bernstein (piano, direction)
Enregistré à New York, Toronto et Cleveland (1955-1982) – 60 heures environ
Coffret de 81 disques Sony Classical 88875032222 – Livre de 416 pages en anglais (avec des textes en français et en allemand)


 Sélectionné par la rédaction





Matière inépuisable pour l’édition discographique – et même pour l’édition tout court –, à l’image d’une Maria Callas par exemple (qui vient elle aussi de prendre un spectaculaire bain de jouvence dans l’huile du remastering), Glenn Gould (1932-1982) semble plus présent que jamais, vieillissant avec les années comme un grand whisky s’enrichit en valeur et en goût.


Bien que le coffret se limite aux enregistrements officiels – sans les quelques inédits publiés ces dernières années (car, plutôt qu’inclure deux fois les Variations Goldberg de 1955 – le disque d’origine et sa version «Re-Channeled for Stereo» de 1968 –, on aurait préféré disposer du live salzbourgeois de 1959…), Sony frappe fort avec cet objet imposant et assez magnifique, à la présentation particulièrement soignée et au contenu plutôt irréprochable. On retrouve les enregistrements Columbia du pianiste canadien en 78 disques, conformément au principe désormais courant de l’«Original Jacket Collection» (des CD lovés dans d’élégantes pochettes reproduisant les microsillons d’origine). Grâce à un remastering admirable de clarté et de puissance (y compris dans les captations des années cinquante et soixante), la sonorité s’est substantiellement enrichie en profondeur et en chaleur par rapport aux précédentes rééditions.


Inutile de s’appesantir outre-mesure sur ces enregistrements archi connus et, pour la plupart, indispensables à tout mélomane. C’est le cas de toute la musique de Bach, déjà aisément disponible (lire ici ou ici) mais qui continue de fasciner: des Goldberg fondatrices de 1955 à celles testamentaires de 1981, des Partitas décantées enregistrées entre 1957 et 1963 aux Inventions – un peu métalliques mais enivrantes de rythme et de musicalité – de 1964, des sculpturales Toccatas aux phrasés inspirés des Concertos, des mystères glacés de L’Art de la fugue aux rythmes hautement affirmatifs du Clavier bien tempéré. Tout est inscrit à jamais dans l’histoire de l’enregistrement musical.


Réparti sur quinze albums, le Beethoven de Glenn Gould vieillit mieux qu’on ne l’aurait pensé. Même les trois dernières Sonates, qui voient leur dynamiques entièrement repensées: une trahison peut-être, mais nullement irrespectueuse de la pensée beethovénienne, tant ressortent – dans un écrin certes plus étroit – les intentions comme les trouvailles de l’écriture pianistique. Un Beethoven décoiffant, dont les rythmes virevoltent sous l’effet des décharges électriques que leur administre l’interprète. On regarde vers Haydn plutôt que vers Webern. Mais on trouve l’occasion de mettre en question sa propre compréhension des partitions – comme si celles-ci subissaient une radiographie révélant, probablement pas la chair, mais assurément le mécanisme de composition. A ce titre, les abymes dans lesquels plonge le Largo e mesto de la Septième Sonate ou la découpe quasi maniaque des arêtes du Scherzo de la Dixième Sonate méritent d’être (ré-)explorés, de même que le Concerto «L’Empereur» avec Stokowski – bien meilleur qu’avec Krips en 1960 (lire ici) –, qui étonne d’autant plus que la plus-value sonore du remastering – ... du rematriçage, pour reprendre le terme québécois – saute aux oreilles. Toutefois, plus incontestables que les iconoclastes Concertos et que les (trop) massives Variations et Bagatelles sont les extraits symphoniques beethovéniens (Cinquième et Sixième Symphonies), qui touchent par instants au grandiose.


Si Bach et Beethoven occupent une place prépondérante dans l’héritage discographique du pianiste canadien, d’autres séries d’enregistrements ont profondément marqué les mélomanes du XXe siècle – et continuent d’interpeller. A côté de quelques témoignages forts dans Byrd, Gibbons, Scarlatti, Händel et surtout Haydn (six dernières Sonates défrisantes, comme un régal), le legs Mozart se révèle très consistant: dix-huit Sonates décapantes sinon géniales, trois Fantaisies frappées du sceau de la grandeur et, dans une moindre mesure, un Concerto en ut mineur aux étonnantes qualités de clarté et de fluidité. De même, au sein du répertoire de l’après-Beethoven, on trouve certains disques qui frappent toujours autant les esprits: le givre des Brahms, l’emphase des Wagner (transcrits par l’interprète), le tracé implacablement analytique de la Sonate de Berg, l’évidence du vertige donnée au piano de Bizet, Grieg, Krenek et même Prokofiev, Sibelius ou Strauss. Mais l’on relève encore davantage la constance et la cohérence des gravures – plus nombreuses – consacrées à Hindemith (dans la puissance des Sonates notamment) et à Schönberg (un édifice solide bâti autour des partitions pour piano seul comme de musique de chambre, des Lieder ou de l’Ode à Napoléon Bonaparte comme du Concerto pour piano ).


Le coffret est complété par des disques promotionnels (où l’interprète s’exprime en anglais et – plus étonnamment – en allemand) et surtout par un livre massif et richement enrichi de documents (des photographies, notamment) tous précieux et intelligemment sélectionnés. Signalons cependant que, si les articles du musicologue Kevin Bazzana («A la différence de bien des musiciens classiques, alors ou aujourd’hui, Gould élabora une réelle esthétique de l’enregistrement») et du producteur Andreas K. Meyer («De même que la restauration de la Chapelle Sixtine a donné une vie nouvelle aux fresques de Michel-Ange, nous avons essayé d’en faire autant avec les enregistrements de Glenn Gould») sont traduits en français (et en allemand), l’essentiel du livre – à savoir la présentation de chacun des 81 disques – est en anglais seulement. Ce coffret n’en demeure pas moins magistral.


Le site du coffret


Gilles d’Heyres

 

 

 

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