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10/05/2015
Jean-Philippe Rameau : Zaïs
Julian Prégardien (Zaïs), Sandrine Piau (Zélidie), Aimery Lefèvre (Oromasès), Benoît Arnould (Cindor), Amel Brahim-Djelloul (une Sylphide, la grande prêtresse de l’Amour), Hasnaa Bennani (Amour), Zachary Wilder (un Sylphe), Chœur de chambre de Namur, Leonardo García-Alarcón et Thibaut Lenaerts (chefs de chœur), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)
Enregistré en public à l’Opéra royal du Château de Versailles (16-18 novembre 2014) – 158’
Coffret de trois disques Aparté AP109 – Notice (en français et en anglais) de Graham Sadler


 Sélectionné par la rédaction





Comment peindre les affres d’un amour impossible entre une divinité et une mortelle? Sur un livret de François-Augustin Paradis de Moncrif, François Francœur et François Rebel étaient parvenus à composer un ballet à succès, Zélindor, Roi des Sylphes, créé devant le Roi en personne en mars 1745, où la jeune Zyrphée devenait elle aussi immortelle à la fin de l’œuvre, résolvant ainsi de la plus heureuse manière le dilemme initial. Trois ans plus tard, c’est au tour de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) de s’attaquer à une intrigue similaire (avec une issue identique), sur un livret du célèbre Louis de Cahusac (librettiste des Fêtes de Polymnie, des Fêtes de l’Hymen et de la Gloire et de Zoroastre).


Force est de constater que cette amourette, car il ne s’agit de rien de plus en vérité, n’a pas connu de grande destinée en dépit d’une quarantaine de représentations après sa création à l’Académie royale de Musique, le 29 février 1748. Jusqu’à aujourd’hui, on ne pouvait compter que sur l’enregistrement incomplet de l’œuvre réalisé en octobre 1977 par Gustav Leonhardt – avec le concours de La Petite Bande, dont le premier violon était Sigiswald Kuijken, et du Collegium Vocale de Gand dirigé par Philippe Herreweghe! – édité chez Stil et devenu depuis longtemps indisponible. Si quelques extraits orchestraux ou vocaux ont pu être enregistrés depuis, il a fallu attendre la résurrection de Zaïs par Christophe Rousset au Festival de Beaune, le 5 juillet 2014 (production reprise ensuite à Amsterdam, Vienne et Versailles), et la parution du présent coffret pour que le mélomane puisse disposer d’un enregistrement dont la valeur musicologique et l’intérêt musical ne font aucun doute.


Passons rapidement sur l’intrigue puisqu’il n’y en a guère... Le Prologue est un prétexte à la description du choc des éléments et à la création du monde sous les auspices d’Oromasès, roi des Génies. Quant à l’histoire proprement dite de cette pastorale héroïque, elle narre au fil des quatre actes l’amour entre Zaïs, roi immortel des Sylphes, et Zélidie, qu’il conquiert en se déguisant sous les traits d’un simple berger. Poussés par l’Amour lui-même à éprouver leurs sentiments réciproques, les deux héros passent plusieurs épreuves avec, pour Zaïs, la complicité de son ami Cindor. En fin de compte, sortant chacun victorieux des divers pièges et tentations qui se sont présentés à eux, Zaïs et Zélidie voient leur union bénie par Oromasès qui, dans un geste ultime, rend Zélidie également immortelle, permettant ainsi à l’amour de nos deux héros de durer éternellement au milieu de la liesse générale des Sylphes.


Ce qui frappe d’emblée dans cette œuvre, c’est la très large place accordée à la danse. On ne compte plus les gavottes, musettes, ballets figurés, contredanses, rigaudons, entrées diverses qui agrémentent Zaïs et qui permettent ainsi à l’orchestre de Rameau de briller non tant par le foisonnement instrumental (point de cuivres ni de timbales, une certaine importance accordée aux instruments à anche double et aux flûtes) que par la variété des figures et la recherche de la mélodie. Le caractère champêtre de l’action transparaît avec grâce en plus d’une occasion (le ballet pour les bergers et bergères à la scène 4 de l’acte I) et on sait gré à Christophe Rousset, à la tête d’excellents Talens Lyriques, d’accompagner avec une telle justesse l’«Entrée noble pour les statues animées» (scène 4 de l’acte II) ou l’«Air en Rondeau pour les Sylphes et les Sylphides» (scène 4 de l’acte III) où tous folâtrent de façon un peu triste, les timbres s’apparentant presque de temps à autre à ceux de quelque cornemuse. Parfaitement préparé par ses chefs Leonardo García Alarcón et Thibaut Lenaerts, le Chœur de chambre de Namur s’impose une fois de plus par sa présence, sa justesse et son engagement, que ce soit dans le Prologue (ses incantations à l’adresse du Soleil) ou au fil de la pastorale (le chœur des Sylphes et des Sylphides à la scène 4 de l’acte III).


Le couple vedette de Zaïs est parfaitement incarné avec, on s’en doutait un peu, une mention spéciale à Sandrine Piau. La chanteuse, pour qui la déclamation et le sens théâtral n’ont plus guère de secret, incarne une très belle Zélidie dont la présence culmine avec ce qui est certainement le grand air de l’œuvre: «Coulez mes pleurs, l’ingrat que j’aime» (scène 2, acte III). Son chant, mêlé aux échos de la flûte et aux plaintes des cordes, est un morceau à marquer d’une véritable pierre blanche, l’œuvre manquant il est vrai d’autres grands moments... La souplesse de sa voix – quelle pureté dans les aigus dans l’air «Pour les cœurs tendres et constants» à la dernière scène de l’acte IV! – permet à Sandrine Piau de se concentrer en premier lieu sur les intentions du texte, passant ainsi de la complainte à l’héroïsme le plus véhément (notamment lors de son duo avec Zaïs dans l’air «Accourons tous, que tout s’empresse» entonné à l’acte I par les bergers). Dans le rôle-titre, Julian Prégardien est également parfait. Sachant lui aussi passer d’une finesse quasi intimiste à une vigueur des plus affirmées (ses deux airs accompagnés au début du deuxième acte), il ne manque pas de caractère et donne au personnage, qui pouvait apparaître de prime abord un peu falot, une vraie présence.


Excellents dans leurs rôles respectifs d’Oromasès et de Cindor, Aimery Lefèvre et Benoît Arnould complètent une belle équipe masculine où Zachary Wilder, dans son air «Dans nos feux prenons nos modèles», doit également être remarqué en dépit d’aigus souvent un peu trop forcés. Autre spécialiste de ce répertoire, Amel Brahim-Djelloul est plutôt convaincante, mais moins à vrai dire dans son rôle de grande prêtresse de l’Amour que dans celui de la Sylphide qui intervient notamment dans le Prologue, avec le bel air «Chantez oiseaux, chantez votre aimable ramage». Prestation également convaincante de Hasnaa Bennani dans le rôle de l’Amour, décidément au centre de cette œuvre qui bénéficie là, bien que prise en concert, d’une excellente prise de son, rendant spatialement l’action des plus crédibles (le jeu exigeant de nombreuses apparitions ou de cortèges venus du lointain).


Même si nous ne tenons pas là la quintessence du génie de Jean-Philippe Rameau, ne boudons donc pas notre plaisir et saluons ici une nouvelle réussite signée Christophe Rousset!

Le site des Talens Lyriques et de Christophe Rousset
Le site du Chœur de chambre de Namur
Le site de Julian Prégardien
Le site d’Aimery Lefèvre
Le site de Benoît Arnould
Le site d’Amel Brahim-Djelloul
Le site de Hasnaa Bennani
Le site de Zachary Wilder


Sébastien Gauthier

 

 

 

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