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04/27/2015
Karol Szymanowski : Symphonies n° 1 en fa mineur, opus 15, et n° 3, opus 27, «Piesn o nocy» – Des Hafis Liebeslieder, opus 26
Ben Johnson (ténor), BBC Symphony Chorus, Stephen Jackson (chef de chœur), BBC Symphony Orchestra, Edward Gardner (direction)
Enregistré à Londres (19 septembre 2013 (Première Symphonie), 30 janvier (Chants), 3 et 4 février [Troisième Symphonie] 2014) – 66’28
SACD CHANDOS CHSA 5143 (distribué par Outhere) – Notice trilingue d’Adrian Thomas, textes inclus


 Sélectionné par la rédaction





Edward Gardner poursuit son exploration de la musique de Karol Szymanowski (1882-1937) avec un troisième volume, qui rejoint la riche série «Muzyka Polska» entreprise en 2010. Au programme, la Première Symphonie, qui montre les prémices d’une volonté d’indépendance créatrice, et la splendeur de la Troisième Symphonie, chef-d’œuvre absolu sur un poème soufi de Djalâl al-Din al Rûmî (1207-1273). Antérieurs de peu à celle-ci, les enivrants Chants d’amour de Hâfiz pour voix et orchestre y trouvent stylistiquement leur place. Edward Gardner entretient des relations étroites avec l’Orchestre symphonique de la BBC qu’il dirige avec flamme, révélant sa conviction profonde en faveur de la musique du compositeur polonais.


En 1906, après la belle réussite de l’Ouverture de concert, encore marquée par l’école de Strauss et de Reger, Szymanowski se mit à composer une Première Symphonie où il paraît à la recherche d’un langage plus personnel sans abandonner les enseignements solides qu’il tire de ses aînés. Peu satisfait des deux mouvements composés sur les trois prévus, il laissa la partition en l’état et, toujours réticent, la retira après la création en 1909. Gardner la dirige comme une œuvre de transition. Il décante les sonorités fortement chromatiques en soignant le relief orchestral, et les textures intensément colorées, voire surchargées, y gagnent une transparence toute relative, surtout dans le premier mouvement, ce sans pour autant que ne soit gommée l’influence straussienne qui se fait encore ressentir. Malgré des fins de mouvement plutôt abruptes, l’Orchestre symphonique de la BBC réussit à conférer une certaine cohérence à un ensemble sans doute inabouti, nonobstant l’absence de mouvement lent.


Les lignes mélodiques aux intervalles inspirés de l’Orient, l’instrumentation recherchée et l’orchestration capiteuse des Chants d’amour de Hâfiz (1914), marquent la rupture totale avec l’esthétique germanique. Cet Opus 26 est un recueil de huit mélodies avec orchestre – cinq toutes nouvelles et trois reprises de l’Opus 24 (1911) du même titre, à l’origine pour voix et piano – sur des paraphrases de poésies de Hâfiz (1310-1337) de Hans Bethge traduites en polonais par Stanislaw Baracz. L’ordre des chants, la voix et la langue varient selon les interprétations. Ils furent créés tardivement en 1922 en polonais par une soprano à la voix claire – c’est le choix le plus fréquent – mais Gardner opte pour l’allemand et pour une voix masculine, à laquelle conviennent bien les textes lyriques du poète persan. Jeune ténor au grain de voix doux, léger et fin et à la diction claire, Ben Johnson transmet avec sensibilité le sens profond des vers imagés qui méditent sur le sens mystique de la vie et de la mort à la lumière de l’amour et d’une nature fragrante. Le ténor anglais accentue la souplesse sinueuse des lignes mélodiques, ses crescendos très progressifs atteignant une belle ampleur. La prise de son respecte l’équilibre entre la voix et un orchestre aux multiples nuances sonores, toujours aussi finement dirigé et mis en relief.


Les qualités d’écriture et la maîtrise instrumentale et formelle atteignent un sommet avec la Troisième Symphonie (1914-1916) comme en témoignent les nombreuses versions en existence, celle de Pierre Boulez non la moindre (Deutsche Grammophon), malgré la relative démesure de l’effectif requis. Pour ténor solo, chœur mixte et grand orchestre avec harpes, célesta, piano, orgue et une percussion fournie, le «Chant de la nuit» déploie avec ferveur les climats exaltés, le mysticisme entêtant, la volupté et le vaste sens cosmique du poème éponyme. Le chef anglais l’aborde avec beaucoup de concentration, de soin et d’intensité et la prestation met en valeur la clarté des strates entrecroisées et des halos sonores, la tension des crescendos étirés, l’ampleur fracassante des explosions chorales et orchestrales en apothéose voluptueuse, la finesse des pianissimos extrêmes aux timbres inattendus et les pointillismes interrompus de la dansante partie médiane. Sur cet ensemble mirifique – chuchotant, chatoyant, miroitant, frémissant et en constante mais lente évolution harmonique – ressortent les arabesques souples du premier violon, Stephen Bryant, souvent sollicité, et les voix épurées mais chaleureuses du Chœur symphonique de la BBC, tantôt portant haut certains vers du poète tantôt dans un ensorcelant sans paroles. Le timbre toujours doux et fin, Ben Johnson fait preuve d’une puissance de projection sur toute sa tessiture, y compris dans certains passages en voix de tête filés avec grâce.


Edward Gardner (né en 1974), est actuellement le directeur musical de l’Opéra national anglais (ENO) et le principal chef invité de l’Orchestre symphonique de Birmingham et de l’Orchestre philharmonique de Bergen, dont il deviendra le chef permanent à l’automne. Sa rigueur professionnelle, son engagement personnel et son attachement manifeste aux œuvres qu’il défend font de ses prestations des événements non négligeables.


Christine Labroche

 

 

 

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