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03/21/2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Grabmusik, K. 35a [42]: «Betrachte dies mein Herz und Frage mich» (*) – Vesperae solennes de confessore, K. 339: «Laudate Dominum» (*) – Requiem en ré mineur, K. 626
Rachel Harnisch (*), Karita Mattila (sopranos), Sara Mingardo (alto), Michael Schade (ténor), Bryn Terfel (basse), Sveriges Radiokören, Maria Wieslander (chef de chœur), Berliner Philharmoniker, Claudio Abbado (direction), Bob Coles (réalisation)
Enregistré en public en la cathédrale de Salzbourg (16 juillet 1999) – 62’
Blu-ray EuroArts 2016364 – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0 – Notice (en anglais, allemand et français) de Guido Johannes Jörg





«Memorial Concert for Claudio Abbado»
Franz Schubert : Symphonie n° 8 en si mineur «Inachevée», D. 759: Allegro moderato
Friedrich Hölderlin : Brot und Wein
Alban Berg : Concerto pour violon «Dem Andenken eines Engels»
Gustav Mahler : Symphonie n° 3 en ré mineur: Adagio
Bruno Ganz (récitant), Isabelle Faust (violon), Lucerne Festival Orchestra, Andris Nelsons (direction), Michael Beyer et Paul Smaczny (réalisation)
Enregistré en public dans la salle de concert du KKL de Lucerne (6 avril 2014) – 98’57
Accentus Blu-ray ACC 10319 (ou DVD ACC20319) – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0 – Notice (en anglais, allemand et français) de David Nice





Ces deux concerts forment une sorte de mise en abyme qui justifie à nos yeux un commentaire commun: le concert de 1999 est l’hommage rendu par Claudio Abbado à la mémoire de Herbert von Karajan, décédé dix ans plus tôt, le 16 juillet 1989, qui plus est au cœur d’une ville que le grand chef autrichien aura marqué de son empreinte indélébile. Quant au concert de 2014, il se voulait un hommage à Abbado, disparu le 20 janvier 2014, rendu par un des orchestres avec lesquels il a beaucoup travaillé les dix dernières années de sa vie, ici aussi dans un lieu emblématique, la salle de concert du KKL de Lucerne, où il est d’ailleurs apparu sur scène pour la dernière fois. Or, dans un cas comme dans l’autre, ces deux concerts – ce «documentaire-concert» pourrait-on même dire pour le second – s’avèrent extrêmement décevants et ne laisseront guère de souvenir.


Le 16 juillet 1999 donc, concert à la mémoire de Karajan donné par les Berliner Philharmoniker. Un concert commémoratif avait déjà été donné par les Wiener Philharmoniker, dès le 31 juillet 1989, où ils avaient été dirigés lors d’une même représentation par Seiji Ozawa, James Levine et Sir Georg Solti (Bach, Brahms et Beethoven étaient au programme). Autant ce concert, dont certains extraits peuvent être vus sur YouTube, était empreint d’émotion, autant celui donné dix ans plus tard apparaît distant, lisse et plus comme une «figure obligée» que comme un hommage sincère. On peut tout d’abord s’étonner de la composition du programme, car faire précéder le Requiem de Mozart de deux airs d’environ cinq minutes chacun ne fait guère sens, sauf à estimer que la seule exécution du Requiem serait trop brève pour l’occasion... Ensuite, la conception qu’a Abbado de cette œuvre-phare de la musique classique est assez déconcertante: des tempi très rapides, une partition dont l’édition choisie frappe l’oreille lors de certains passages (les cordes pendant le Benedictus à partir de 49’55 ou l’orchestre tout entier dans l’Agnus Dei) et un sentiment général de concert effectué à la va-vite. Les Berliner Philharmoniker (où, parmi les deux Konzertmeister figure Madeleine Carruzzo, première femme à être entrée au Philharmonique en 1982!) offrent une version propre du Requiem mais sans véritable implication. Les solistes sont corrects (à la limite, le meilleur réside dans le Laudate Dominum, où le Chœur de la Radio suédoise est d’une belle sensibilité) même si l’entrée de Bryn Terfel dans le Tuba mirum s’avère brutale et beaucoup trop théâtrale. Abbado dirige l’ensemble avec une précipitation constante où n’apparaît aucune religiosité, ni aucun recueillement: quel contraste avec l’interprétation qu’il donna du Requiem à Lucerne à l’été 2012! Les caméras du très convenu Bob Coles alternent sagement les images de l’orchestre, des solistes et des plafonds de la grande cathédrale où, à la fin du concert, public et musiciens se lèvent pour observer une minute de silence et se disperser sans le moindre applaudissement: enfin un peu d’émotion...


Avril 2014: l’Orchestre du festival de Lucerne rend hommage à son mentor, Claudio Abbado, disparu quelques semaines plus tôt (voir ici). Le présent DVD nous donne à entendre non seulement le concert proprement dit mais également divers témoignages d’artistes ayant travaillé avec le grand chef italien (l’altiste Wolfram Christ et le percussionniste Raymond Curfs de l’Orchestre du festival, ou la violoniste Isabelle Faust) et quelques images tirées aussi bien du dernier concert filmé d’Abbado (un extrait de la Marche funèbre de l’Héroïque de Beethoven) que des rassemblements de foules aussi bien à Bologne le 20 janvier qu’à Milan une semaine plus tard. Ici, contrairement au précédent DVD, l’émotion n’est pas absente: qu’il s’agisse de ce podium vide lors de l’interprétation du premier mouvement de l’Inachevée (l’orchestre obéissant pour l’occasion aux incessantes gesticulations du premier violon Sebastian Breuninger), de la récitation par Bruno Ganz du poème de Hölderlin Brot und Wein, des pleurs des musiciens à la fin du sublime Adagio concluant la Troisième Symphonie de Mahler ou, surtout, du silence absolu de la foule compacte qui faisait face à la Scala de Milan lors du concert commémoratif donné par l’orchestre maison sous la baguette de Daniel Barenboim, où retentissait là aussi la Marche funèbre de la Troisième Symphonie de Beethoven... C’est d’ailleurs sans doute cette image que l’on retiendra car, pour le reste, le concert est assez neutre. L’interprétation du Concerto de Berg par Isabelle Faust (qui l’a enregistré sous la baguette d’Abbado quelques mois avant sa disparition) est belle mais Andris Nelsons ne nous transmet guère ce sentiment d’abandon que l’on souhaite y entendre. De même, dans Mahler, le chef ne nous convainc qu’à moitié, ne prenant pas assez son temps, «dirigeant» trop l’orchestre là où Abbado savait le laisser faire, ne relançant qu’à bon escient, lui laissant suffisamment de rubato pour que l’émotion vienne d’elle-même. L’empressement du jeune chef letton ne convient guère à cette page parmi les plus belles de Mahler, non plus qu’une direction grandiloquente (cela dit, à chacun son style...) qui distrait le spectateur plus qu’autre chose. Les caméras Michael Beyer et Paul Smaczny nous offrent des plans variés qui, nous faisant parfois approcher les musiciens au plus près (on voit encore une fois les larmes couler sur les joues de plusieurs d’entre eux), réussissent quand même à nous faire communier avec eux.


Cela dit, pour qui souhaite vraiment rendre hommage tant à Karajan qu’à Abbado, on ne peut que leur conseiller de retourner rapidement vers leurs disques ou leurs prestations filmées: l’émotion est là, le souvenir aussi.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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