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09/15/2000
Sergei Prokofiev : Semyon Kotko
Viktor Lutsiuk (Semyon Kotko), Lyudmila Filatova (la mère de Semyon), Tatiana Pavlovskaya (Sofya), Olga Savova (Frosya), Gennady Bezzubenkov (Tkachenko), Yevgeny Nikitin (Remeniuk), Viktor Chernomortsev (Tsaryov), Ekaterina Solovieva (Lyubka), Olga Markova-Mikhailenko (Khivrya), Grigory Karasev (Ivasenko), Evgeny Akimov (Mikola), Nikolai Gassiev (Klembovsky), Yuri Laptev (Von Wierhof)
Chœur et Orchestre du Kirov, Valery Gergiev (direction)
Philips 464 605-2 (2 CD)


Récemment présenté à Londres lors d’une residence du Kirov à Covent Garden, la joie d’entendre un opéra encore inconnu de Prokofiev (qui l’eût cru ?) n’a pas suffi à considérer Semyon Kotko comme une grande œuvre scénique, pas tant à cause de la musique que d’un livret faible, dont la recette semble avoir consisté à ajouter à des personnages creux, en très grand nombre, une intrigue pas tant compliquée qu’a-dramatique, toute direction claire en étant absente. Tirer un livret d’un roman (de Valentin Kataïev) intitulé Je suis le fils du peuple travailleur n’augurait de toute façon rien de bon. L’opéra se situe dans un village ukrainien, juste après la révolution, en 1918, et possède une intrigue politico-amoureuse. Après avoir servi dans l’armée russe, Semyon Kotko retourne dans son village, où il retrouve sa mère, sa sœur et sa fiancée Sofya, d’une autre classe sociale que lui (si la révolution n’avait aboli les classes !) ; il demande cette dernière en mariage, comme son père Tkachenko le lui avait promis pendant les événements alors qu’il venait de lui sauver la vie, mais ce dernier, ingrat, pense que la révolution ne durera pas et tente d’empêcher l’union des amants ; pour cela, il n’hésitera pas commettre nombre de trahisons fatales à plusieurs membres du village, avant de dénoncer son futur-gendre aux Allemands qui occupent alors le village comme « traître » ; après force rebondissements (aussi inintéressants qu’invraisemblables), Semyon manque d’être exécuté, Sofya d’être mariée avec un autre, plus riche, mais, grâce à l’arrivée de l’armée rouge, le dénouement est heureux et c’est finalement Tkachenko qui est exécuté… Ce qu’il y a de plus déconcertant dans cette histoire vient du mélange des genres : le livret refuse de choisir entre des lignes-forces totalement différentes et les juxtapose sans bonheur. Cherche-t-il à décrire de manière pittoresque la vie villageoise ? Cherche-t-il à nous émouvoir avec un vaudeville (père refusant de marier sa fille à son amoureux), scénario classique de comédie ? A-t-il des prétentions philosophiques (la trahison, la gloire de l’armée rouge, l’espoir en la révolution) plus proches de la tragédie ? Ou politiques ? Comme les personnages sont par ailleurs figés dans un caractère (tout noir ou tout blanc), et que rien ne nous permet de soupçonner chez eux une quelconque psychologie, on comprend qu’il ne reste effectivement que la musique, qui colle avec un rare bonheur aux différentes atmosphères.


Pour une fois (mais il faudra évidemment vérifier lors des reprises au Théâtre du Châtelet), voici donc un opéra qui semble composé pour être écouté en CD plutôt que pour être vu… Prokofiev y déploie en effet tout son art : de très belles mélodies, d’un lyrisme qui évoque parfois Roméo et Juliette ; un rythme rapide d’enchaînement des scènes, qui ne s’essouffle jamais grâce à une inspiration renouvelée (folklorique comme classique) et à une orchestration captivante. Bien que l’opéra ne comporte pas d’arias à proprement parler, Prokofiev a su trouver de superbes lignes de chant. La troupe du Kirov incarne les personnages avec engagement et une insolente santé vocale, Gergiev jouant la partie orchestrale comme il se doit, c’est-à-dire de manière quasi-symphonique. Interprétée avec cette intensité, la partition de Prokofiev possède tous les atouts pour séduire le mélomane… et le curieux, se situant indubitablement dans la plus grande tradition de l’opéra russe.


Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

 

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