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03/15/2015
Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas)
Wiener Philharmoniker, Pierre Boulez (direction), Brian Large (réalisation)
Enregistré en public en l’église abbatiale de Saint-Florian (21 et 22 septembre 1996) – 80’
DVD EuroArts 2012756 – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0 - Notice (en anglais, allemand et français) d’Arnold Whittall


 Sélectionné par la rédaction





«The Mature Symphonies»
Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas)

Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction), Andreas Morell (réalisation)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (26 juin 2010) – 84’42
Blu-ray Accentus Music 102178 – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0 – Notice (en anglais, allemand et français) de Detlef Giese





Monument à proprement parler dans l’œuvre d’Anton Bruckner (1824-1896), la grandiose Huitième Symphonie fut également un des plus grands succès jamais rencontrés par le compositeur, «une complète victoire de la lumière sur l’obscurité» comme devait le décrire Hugo Wolf, qui assista à la création, le 18 décembre 1892 sous la baguette de Hans Richter. Outre les témoignages laissés par Zubin Mehta à la tête de l’Orchestre philharmonique d’Israël (Arthaus Musik), William Steinberg avec Boston (ICA Classics) ou Franz Welser-Möst avec Cleveland (Arthaus Musik), la vidéographie de cette œuvre est dominée à notre sens par quatre chefs dont les affinités brucknériennes sont évidentes: Günter Wand tout d’abord, à la tête de l’Orchestre symphonique de la NDR lors du festival du Schleswig-Holstein, dans un concert donné le 9 juillet 2000 (TDK); Sergiu Celibidache, lors d’un concert donné au Japon avec les Münchner Philharmoniker en octobre 1990 (Sony); plus récemment Christian Thielemann à la tête de ses forces dresdoises en 2012; par deux fois, Herbert von Karajan avec le Philharmonique de Vienne (respectivement Sony et Deutsche Grammophon, le premier concert, mémorable, ayant été donné en juin 1979 en l’église abbatiale de Saint-Florian.


C’est justement dans ce même cadre que le même orchestre, dix-sept ans plus tard, donnait la Huitième Symphonie sous la direction de Pierre Boulez. On ne s’étendra pas ici sur les conditions dans lesquelles le chef français fut invité par la prestigieuse phalange dès septembre 1992 à les diriger pour cette œuvre spécifiquement (on se reportera non à la jaquette du DVD mais à celle du disque, le concert ayant en effet été enregistré pour les micros de Deutsche Grammophon). Ce qui frappe d’emblée, c’est le sentiment d’évidence qui parcourt cette gravure. Evidence tout d’abord dans la relation entre le chef et l’orchestre: inutile de faire de grands moulinets avec le bras ou de surjouer, ces deux partenaires se connaissent et les musiciens répondent au doigt et à l’œil (au sens propre du terme) d’un Boulez comme toujours peu avare d’épanchements (sa gestique à 6’24), même si l’image le voit parfois fermer les yeux comme si lui-même, l’espace de quelques secondes, s’abandonnait totalement à la musique. Certains plans sont ainsi particulièrement impressionnants comme cette image où, remontant les bras avec les mains paumes ouvertes, il insuffle aux Philharmoniker une force incroyable (à la fin du premier mouvement, à 12’38).


Evidence ensuite du strict point de vue musical, la version que l’on a ici se hissant (et on le savait depuis la parution du disque...) parmi les plus recommandables grâce à un orchestre au sommet où l’on retrouve tous les grands chefs de pupitre de l’époque (Rainer Küchl au poste de Konzertmeister, Dieter Flury à la flûte ou Peter Schmidl à la clarinette). Même si l’on a connu cors viennois plus ronds et plus majestueux, l’ensemble des cuivres couronne de la plus belle façon une interprétation où Boulez allie à la fois élans postromantiques et pulsation implacable ce qui, au début du Finale (Feierlich, nicht schnell), s’avère idéal. Les caméras de Brian Large ne font guère preuve d’imagination mais, et ce même si le grain de l’image se fait parfois sentir (à quand un report de ce concert en Blu-Ray?), rend parfaitement justice aux artistes et au cadre souverain de l’abbatiale aux ors et stucs baroques. S’il ne fallait retenir qu’une image, c’est sans doute celle qui part du chef durant la coda conclusive (à partir de 74’20) et qui s’éloigne doucement jusqu’à embrasser l’ensemble de la nef: quel spectacle!


Changement de chef, d’orchestre et de cadre pour une Huitième donnée quatorze ans plus tard par Daniel Barenboim dans la grande salle de la Philharmonie de Berlin, le présent Blu-ray s’insérant dans un ensemble dédié aux «symphonies de la maturité» de Bruckner. Après de très belles versions des Quatrième, Cinquième, Sixième et Septième, voici donc un nouveau volume à la tête de l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin. Avouons-le tout de suite: cette parution est pour le moment le point faible de la série et cède assez facilement le pas à la version viennoise de Boulez. L’orchestre n’est guère en cause: il est très bon. Et d’ailleurs, on soulignera même la supériorité à notre avis du pupitre de cors sur les Viennois, la jeune Patricia Gerstenberger (pourtant seulement membre de l’orchestre de l’Académie de la Staatskapelle de Berlin) à qui sont confiés les solos s’y couvrant de gloire (tout spécialement dans le Scherzo). Les cordes, notamment les contrebasses emmenées encore une fois par Klaus Stoll, soliste des Berliner Philharmoniker, font également montre d’une belle cohésion mais elles ne possèdent pas toujours la suavité et le sens du legato qui, là en revanche, sont innés chez les Wiener.


Non, les reproches sont à adresser à Barenboim dont la conception de cette symphonie est des plus chaotiques, le chef hésitant constamment entre grandiloquence et, au contraire, légèreté du discours, ce qui le pousse cependant à accélérer ou à varier le tempo alors que la régularité métronomique fait intégralement partie des charmes des symphonies de Bruckner. Ainsi, dans le sublime Adagio, sitôt les dernières notes des harpes envolées à 34’58, Barenboim enchaîne immédiatement alors qu’il aurait mieux valu prendre son temps et laisser passer une ou deux secondes avant de passer à la suite (il en va de même, toujours dans l’Adagio, à 51’15 après le climax atteint par les cymbales et le triangle). Si le premier mouvement est plutôt bien mené, le Scherzo manque de tension (en dépit de l’excellent Willi Hilgers aux timbales) et le Finale pâtit de trop fortes variations de tempo (à partir de 65’04 notamment) pour emporter l’adhésion, cette version s’avérant au final bien lisse et ne laissant guère de souvenir.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne
Le site de la Staatskapelle de Berlin
Le site de Daniel Barenboim


Sébastien Gauthier

 

 

 

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