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12/30/2014
Robert Schumann : Etudes symphoniques, opus 13 – Kreisleriana, opus 16 – Toccata, opus 7
Nelson Goerner (piano)
Enregistré au Teldex Studio, Berlin (1er-5 mars 2014) – 70’45
Zig-Zag Territoires ZZT 352 (distribué par Outhere) – Notice de présentation en français et anglais





Robert Schumann : Etudes symphoniques, opus 13
Frédéric Chopin : Etudes, opus 10 et opus 25

Valentina Lisitsa (piano) – 85’13
Decca 478 7697 (distribué par Universal)





Robert Schumann : Etudes symphoniques, opus 13 – Drei Fantasiestücke, opus 111 – Blumenstück, opus 19 – Romanze, opus 28 n° 2
Frédéric Chopin : Ballades n° 1, opus 23, n° 2, opus 38, n° 3, opus 47, et n° 4, opus 52 – Scherzos n° 1, opus 20, n° 2, opus 31, n° 3, opus 39, et n° 4, opus 54
Franz Liszt : Années de pèlerinage (Première année. La Suisse): «Vallée d’Obermann» – Années de pèlerinage (Deuxième année. Italie): «Sonetto 104 del Petrarca» et «Après une lecture de Dante, fantasia quasi sonata» – Harmonies poétiques et religieuses: «Bénédiction de Dieu dans la solitude» – Nuages gris – Consolation n° 3 – Réminiscences de Don Juan

Vazgen Vartanian (piano)
Enregistré en concert dans la Grande Salle du Conservatoire, Moscou (18 février [Chopin] et 10 avril [Schumann] 2010 et 28 octobre 2011 [Liszt]) –198’24
Triple album Melodiya MEL CD 10 02234 – Notice de présentation en anglais et en russe





Bien que signées par trois quadragénaires que séparent moins de cinq années, ces nouvelles versions des Etudes symphoniques (1837-1852) de Robert Schumann (1810-1856) pourraient difficilement être plus dissemblables.


Nelson Goerner (né en 1969) les prend à contrepied, éludant leur puissance symphonique au bénéfice d’une manière faite de pudeur et de suggestivité. Une approche presque maniaque, qui fait basculer les Etudes IV et VIII dans l’obsessionnel, les V, VII et X dans le systématisme. On admire la patience avec laquelle sont construites les Etudes II et XI (sommets de douceur et d’onctuosité), ainsi que les ondulations magiques des Variations posthumes (la II par exemple) ou encore leur hypnotisme (Variation IV). Si certains passages retombent à plat, ce piano respire la pudeur et la force tranquille.


Il cisèle, en revanche, Kreisleriana (1838) avec trop de retenue. Un Sehr aufgeregt endormi, un premier Sehr langsam somnolent, des Sehr lebhaft et Schnell und spielend presque indifférents... l’ensemble est décevant et pauvre en vertiges. Et ce, malgré un Sehr rasch à la vélocité bien organisée et un second Sehr langsam qui plonge dans les profondeurs de l’âme avec beaucoup de méticulosité. L’Argentin domine, enfin, la redoutable Toccata (1830-1834) mais ne procure – là encore – aucun frisson. Un disque en demi-teintes.


Les Etudes symphoniques de Schumann contenues dans le nouvel album de Valentina Lisitsa (née en 1973) brillent de mille feux. Un toucher puissant et profond se déploie au prix – par instants – d’une certaine brutalité (Etudes II, VIII ou XII), mais pour le plus grand bénéfice du pianisme qui dévore et, parfois, subjugue (une merveille d’Etude XI). Tout cela va un peu vite et – comme on l’avait repéré dans ses albums Liszt et Nyman – Lisitsa semble privilégier la résonnance sur le mystère, le brillant sur la profondeur (comme dans cette Variation II plus proche de Rachmaninov que de Schumann). Mais quelle vigueur et quelle force dans les Etudes VI, VII, IX ou X! Des Etudes pleinement symphoniques, en somme, à l’image de l’interprétation que l’Ukrainienne en donne en concert.


Pour leur faire pendant, les Etudes (1829-1838) de Frédéric Chopin (1810-1849) sont abordées avec la même franchise et la même virtuosité décidée. Mais aussi avec une sensibilité bien plus probante. Dès la Première étude (qu’on peut visionner sur YouTube), le toucher frappe par sa consistance et sa détermination. L’intimisme des Etudes en mi majeur, en mi mineur, en mi bémol majeur et en mi bémol mineur convainc plus spécialement. De même que la souplesse du doigté des Etudes en la bémol majeur ou en fa mineur épate sans nuances. Du fort beau piano.


Au sein d’un triple album reproduisant trois concerts moscovites donnés en l’honneur du deux centième anniversaire de la naissance de Chopin, de Liszt et de Schumann, le pianiste Vazgen Vartanian (né en 1974) propose des Etudes symphoniques très originales, décoiffantes mêmes... et qui ne laisseront personne indifférent. Bourrées d’effets dramatiques, de créativité rythmique et de nuances inédites, elles accentuent les contrastes jusqu’à provoquer des électrochocs sur l’ivoire. Une mise en pièce davantage qu’une mise en scène à dire vrai, qui secoue certaines pièces au point de les assassiner ou de les plonger dans l’hystérie. Mais une expérience qui vaut d’autant plus le coup que le jeune artiste possède une réelle épaisseur dans Schumann. C’est ce que démontrent des Fantasiestücke opus 111 (1851) qui transpirent la passion fiévreuse, un Blumenstück (1839) qui témoigne d’une compréhension intime de la rythmique schumanienne et une Romance en fa dièse majeur (1839) sensible sinon sensuelle.


Le programme Chopin (... rien de moins que les huit Ballades et Scherzos) confirme le jusqu’auboutisme du jeu comme de la personnalité de Vazgen Vartanian. Il exprime de bout en bout la véhémence et l’héroïsme, à l’image d’une Troisième Ballade qui sonne comme une Polonaise. On hésite entre le génie et la trahison, à l’écoute du Premier Scherzo: bizarroïde, comme déconstruit – voire dynamité –, il pétarade dans un geste plus proche du premier Pogorelich que du dernier Rubinstein! Tout ne se situe pas dans la même veine (le Quatrième Scherzo, notamment, tourne en rond). Mais ce Chopin mérite amplement le détour.


Quant aux œuvres de Franz Liszt (1811-1886), elles expriment, elles aussi, la forte personnalité de l’interprète – et son sens de l’emphase (y compris dans les passages les plus sereins de «Bénédiction de Dieu dans la solitude», de la Troisième Consolation ou de Nuages gris). Les trilles enchanteures de Réminiscence de Don Juan font également leur effet. L’impression qui demeure de ce Liszt haut en couleur réside néanmoins dans la surenchère de notes (... certaines n’étant même pas écrites dans la partition), qui inonde une «Vallée d’Obermann» menaçant de disparaître, noyée par tant de puissance et de pédale. Une interprétation dantesque. Autant dire que celle d’«Après une lecture de Dante» plonge l’auditeur dans un cercle infernal d’accords et de fortissimos. Là encore, Vazgen Vartanian en profite pour rajouter quelques notes et mieux clouer les spectateurs moscovites sur leur fauteuil. Un grand virtuose est à l’œuvre.


Le site de Nelson Goerner
Le site de Valentina Lisitsa
Le site de Vazgen Vartanian


Gilles d’Heyres

 

 

 

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