About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

08/15/2014
Antonio Vivaldi : L’incoronazione di Dario, RV 719
Anders Dahlin (Dario), Sara Mingardo (Statira), Delphine Galou (Argene), Riccardo Novaro (Niceno), Roberta Mameli (Alinda), Lucia Cirillo (Oronte), Sofia Soloviy (Arpago), Giuseppina Bridelli (Flora), Accademia bizantina, Ottavio Dantone (direction)
Enregistré en public au Glocke, das Bremer Konzerthaus (septembre 2013) – 176’
Coffret de trois disques Opus 111 OP 30553 (distribué par Naïve) – Notice de Frédéric Delaméa et traduction des textes chantés (en français, anglais, italien et allemand)


 Sélectionné par la rédaction





Nouvel opus à ajouter aux nombreux opéras d’ores et déjà publiés dans le cadre de l’«Edition Vivaldi» de Naïve, L’incoronazione di Dario, dramma per musica en trois actes, a été à l’origine d’un des plus grands succès d’Antonio Vivaldi (1678-1741). Créé au mois de janvier 1717 sur la scène du Teatro S. Angelo de Venise, l’opéra succède à deux autres grandes réussites de Vivaldi qui furent l’oratorio Juditha Triumphans (novembre 1716) et l’opéra Arsilda, Regina di Ponto (janvier 1717). Même si l’ouvrage fut unanimement salué, il tomba ensuite dans l’oubli avant d’être redécouvert au début des années 1980, faisant à cette occasion l’objet d’un premier et, jusqu’alors, unique enregistrement publié en 1984 chez Harmonia Mundi, réalisé par l’Ensemble baroque de Nice dirigé par Gilbert Bezzina; l’équipe comptait alors dans ses rangs Agnès Mellon, Dominique Visse, Gérard Lesne et John Elwes! Par ailleurs, quelques airs tirés de l’opéra furent interprétés ici ou là (comme l’aria «Non mi lusinga vana speranza» chantée par Emma Kirby en avril 1994 sous la direction de Roy Goodman dans un disque édité chez Hyperion) mais, jusqu’à l’année dernière, on l’avait globalement oublié. C’est donc quelques semaines à peine après avoir été présenté en ouverture du festival de Beaune, le 5 juillet 2013, avec une équipe légèrement différente puisque le rôle de Statira était alors tenu par Renata Pokupic tandis que Yuryi Minenko chantait celui d’Arpago, que le présent enregistrement a été effectué à Brême, en public.


Les aspects historiques ne forment ici qu’un arrière-plan puisque cet opéra ne fait finalement que narrer diverses histoires amoureuses dont le but ultime est la conquête tant du pouvoir politique que, surtout, du cœur du héros. A la mort de Cyrus, roi de Perse, trois princes prétendent lui succéder: Darius, qui bénéficie de l’appui des Satrapes, Oronte, qui a le soutien populaire, et Arpago, militaire valeureux qui est soutenu par l’armée. Alors que les partisans d’Oronte et d’Arpago s’apprêtent à se livrer bataille, Darius, qui apparaît comme le plus sage et souhaite éviter que le sang ne coule, propose que celui des trois qui parviendra à épouser Statira, la fille aînée de Cyrus, sera le nouveau roi. A ce jeu-là, Darius espère bénéficier de l’aide de la petite sœur de Statira, Argene; or, cette-dernière aime Darius et entend bien faire échouer le projet afin de se marier un jour avec lui. Hors cette intrigue principale, l’opéra met en scène Alinda, princesse mède qui était promise à Oronte et qui reproche à ce dernier de se détourner d’elle tandis que, de son côté, Statira avoue à Nicénius, homme savant et sage, l’amour qu’elle lui porte. Ourdissant son complot dans les moindres détails, Argene trouve un prétexte pour faire écrire à Darius une lettre d’amour qu’elle se débrouille ensuite, grâce à la complicité de sa confidente et servante Flora, pour faire lire à Statira, cette dernière entrant alors dans une rage épouvantable. Chargé d’arrêter les modalités de choix du futur roi de Perse, le dieu Apollon avalise la procédure de désignation suggérée par Darius, qui ne cesse d’être obsédé par la figure de Statira. Au prix de maintes tromperies, Argene ordonne de tuer sa rivale Statira (qu’elle emmène au fond des bois pour la faire dévorer par des bêtes fauves) afin de monter sur le trône mais son stratagème est découvert à temps par Darius; elle est finalement condamnée et emprisonnée à vie tout en regrettant jusqu’au bout de n’avoir pas été aussi cruelle qu’elle aurait pu l’être. Darius et Statira se marient et accèdent au trône de Perse tandis qu’Alinda et Oronte se retrouvent également pour filer un parfait amour.


Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre de l’opéra, le personnage principal, du moins au cours du premier acte, est bel et bien Statira. Il est d’ailleurs étonnant que cela soit ainsi et que Vivaldi lui confie certains des plus beaux airs de l’opéra alors que, par ailleurs, elle est un personnage falot, prise pour une idiote tant par sa rivale Argene (qui la traite de «sciocca reina», c’est-à-dire de reine imbécile) que par Flora, la confidente des deux sœurs. Sara Mingardo possède à ce titre peut-être une trop belle voix, une trop grande noblesse dans la déclamation pour parfaitement coller à la personnalité de Statira ; son air magnifique «Ardo tacito amante» (scène 15 de l’acte I), avec violoncelle obligé, est à ce titre tout à fait poignant. Grande habituée de ce répertoire, Sara Mingardo s’avère idéale à chacune de ses interventions, ses airs étant il est vrai complétés par une finesse orchestrale tout à fait admirable, qu’il s’agisse des couleurs des cordes dans le medium et dans le grave (l’air «L’occhio, il labbro, il sono, il core» à la scène 15 de l’acte I) ou de leur adresse dans l’air «Se palpitarti in sen» (acte II, scène 18).


Dans le rôle de Darius, Anders Dahlin est également des plus convaincants. Doté d’une très belle voix, agile et très douce en toute circonstance, il s’impose d’emblée par l’élan qu’il génère et qui entraîne l’orchestre avec lui (l’air «Sarà dono del tuo amore» à la scène 4 de l’acte I ou, toujours au même acte, l’air de la scène 11 «Chi vantar può»). Là encore, le Prêtre roux a eu la main heureuse puisqu’il a également veillé à ce que l’accompagnement du chant du héros soit du plus haut niveau: on écoutera à ce titre en priorité l’air «Col furor ch’in petto io serbo» (acte II, scène 20) où la beauté des cordes rivalise avec le luth dont les cordes grattées sont absolument idoines.


Grandes interprètes du répertoire baroque italien, Delphine Galou et Roberta Mameli campent respectivement une Argene pleine de rancœur et de rage (l’air très vif «D’un bel viso» à la scène 5 de l’acte I) et une Alinda dont la souplesse vocale est très belle à entendre. L’air «Io son quell’augelletto» chanté par Roberta Mameli est à notre avis un des sommets du deuxième acte (scène 12)! Dans le rôle d’Arpago, Sofia Soloviy bénéficie elle aussi d’un air, certes bref, mais de toute beauté («Cinto il crin»), agrémenté de très beaux échos des cordes et d’accents soudains comme seul Vivaldi en avait le secret. De même, lorsqu’il pense être choisi par Statira, la jeune chanteuse adopte immédiatement le ton juste pour exprimer toute sa joie et son ambition démesurée qui trouve enfin à s’accomplir («Mi va scherzando in sen», acte II, scène 8). Même si les interventions de Riccardo Novaro (Nicenius) sont très agréables à écouter, elles valent surtout pour leur accompagnement orchestral qui, des deux hautbois (dans l’air concluant le premier acte) au basson («Non lusinghi il core amante» à la scène 19 de l’acte II), témoignent de la richesse instrumentale requise. Si Lucia Cirillo campe un très bel Oronte, on retiendra enfin le nom de Giuseppina Bridelli qui, tenant le rôle de Flora (personnage extrêmement ambigu s’il en est tant elle semble parfois soutenir Statira tout en jouant Argene contre elle...), bénéficie de peu d’airs mais qu’elle déclame avec justesse, se fondant ainsi dans une équipe de très haut niveau.


De son côté, Ottavio Dantone dirige l’ensemble avec une très grande précision, profitant à chaque minute de la finesse de la partition, extrêmement soignée, palliant ainsi la longueur parfois excessive des récitatifs (qui coupent malheureusement tout élan à certains airs dont on aurait secrètement apprécié qu’ils dépassent les 2 ou 3 minutes...) et les méandres d’une intrigue parfois difficile à suivre. Pour autant, on a droit là à la version de référence de cet opéra, qui bénéficie en outre des commentaires toujours aussi détaillés et instructifs de Frédéric Delaméa dans sa notice de présentation (où, dernier détail, la sinfonia d’ouverture du troisième acte est omise bien qu’on puisse l’entendre, fort heureusement, compte tenu là encore de sa richesse orchestrale).


Le site de Delphine Galou
Le site de Riccardo Novaro
Le site de Roberta Mameli
Le site de Lucia Cirillo
Le site de Giuseppina Bridelli
Le site de l’Accademia bizantina


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com