About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

04/13/2014
Leevi Madetoja : Kullervo, opus 15 – Symphonie n° 2, opus 35 – Elégie, opus 4 n° 1
Helsingin kaupunginorkesteri, John Storgårds (direction)
Enregistré à Helsinki (29-30 mai 2012) – 62’02
Ondine ODE 1212-2 – Notice en finnois et en anglais de Kimmo Korhonen





 Sélectionné par la rédaction


Leevi Madetoja (1887-1947) est sans doute un des plus grands symphonistes finlandais. Malgré le respect révérencieux dont jouissait son aîné mythique, Jean Sibelius, il a su développer en parallèle son propre style et sa propre voix, peut-être moins innovateurs mais d’une plénitude opulente et heureuse. John Storgårds chef principal de l’Orchestre symphonique d’Helsinki, et violoniste de renom, défend avec clarté et passion les trois Symphonies du compositeur, chaque album étant complété par des œuvres significatives de son catalogue.


En prélude à la Deuxième Symphonie, Storgårds propose le poème symphonique Kullervo (1913), l’unique pièce orchestrale de Madetoja qui s’inspire du Kalevala, l’immense épopée nationale qui rayonne encore sur la Finlande et qui à l’époque contribuait à la construction d’une identité nationale. Peut-être était-il freiné par l’ombre de Sibelius, que le Kalevala a si souvent inspiré. Toujours est-il que ce beau poème, malgré la source d’inspiration, relève davantage d’un postromantisme universel que de particularités sonores plus typiquement finlandaises. C’est une houle rhapsodique dont l’énergie, la tension, la détermination féroce et le profond tragique doux-amer évoquent infailliblement le héros maudit qu’était Kullervo. Totalement investis, Storgårds et ses musiciens expressifs soignent l’excellente qualité de l’orchestration aux fines couleurs timbrales, la présence de Kullervo étant soulignée par un motif récurrent de cor rebelle sur tremolo de cordes, tremolo repris par intermittence par différents instruments à vent.


Etant donné la teneur plus personnelle de la Deuxième Symphonie, l’Elégie (1909) de fin de programme est une conclusion tout à fait pertinente. Cette brève pièce pour cordes, première tentative orchestrale d’un Madetoja jeune, est devenu dès 1910 le premier volet de la Sinfoninen sarja mais elle se suffit à elle-même et sa popularité a dépassé celle de la suite. Posé sur un discret ostinato, son caractère élégiaque s’érige en toute simplicité. Les proportions harmoniques et les intervalles thématiques trahissent les origines ostrobothniennes du compositeur, ajoutant une douce fragrance à la mélancolie tendrement douloureuse d’une partition composée peut-être encore légèrement sous l’influence de Sibelius dont Madetoja fut brièvement l’élève.


Dès la fin de ses études auprès de Sibelius, Madetoja entreprit des études à Paris, à Berlin et à Vienne et c’est ainsi que l’on peut percevoir en sa musique une subtile alchimie entre les couleurs et lumières finnoises, l’expressivité russe, la structure germanique et l’élégance et la clarté françaises. Sa Deuxième Symphonie en est un bel exemple. En cours de composition en 1918, pendant et après la guerre civile en Finlande, la symphonie communique un sentiment de tragédie personnelle. Profondément affecté par la mort de son frère tombé à la guerre et par celle de son ami et confrère Tolvo Kuula tué lors d’une rixe, Madetoja semble exprimer son désarroi devant la violence de la guerre et le bouleversement d’une harmonie vitale – il est à noter que le matériau du Jardin de la mort, suite pour piano dédiée à son frère, vient de la Symphonie.


La Deuxième Symphonie est classiquement en quatre mouvements, son originalité venant de l’enchaînement des deux premiers mouvements diurne et nocturne et des deux derniers plus violemment contrastés. Les lignes gracieuses du premier mouvement en son début se transforment, malgré la luminosité d’un lyrisme latent, en un sentiment de désarroi, accentué par les motifs croisés et les rythmes contrariés des strates empilées. La douceur du rallentendo final s’ouvre sur un Andante construit en arche, dont le caractère nocturne et pastoral est intensifié par un hautbois et un cor in distanza. L’orchestre en demi-teintes finement colorées enfle petit à petit, mais le degré d’inquiétude augmente en conséquence, faisant du calme final une illusion fugitive. Le puissant fracas du troisième mouvement, cœur vif de l’œuvre, déferle en de violentes vagues sonores qui ne peuvent qu’évoquer la guerre et le tourment. L’orchestre déploie une palette de couleurs fortes dans un élan continu qui, sur l’agitation tendue des instruments graves, se précipite inexorablement en avant pour s’évanouir dans un lointain possible qui permet l’enchaînement du bref Andantino, au morne lyrisme décanté, épilogue poignant, dévasté, désolé, désespéré.


Les structures élaborées à la verticale, la riche palette de Madetoja et ses clairs-obscurs, les textures fluctuantes aux instruments ou groupes instrumentaux momentanément isolés exigent beaucoup de précision et de doigté avec un phrasé plastique et une expressivité juste mais sans limite. Storgårds et les musiciens d’Helsinki relèvent le défi avec urgence, intensité et conviction. Leur prestation dynamique est enthousiasmante, émouvante et belle.


Le site de John Storgårds
Le site du Philharmonique d’Helsinki


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com