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04/13/2014
Carlos Kleiber. I am lost to the world
Georg Wübbolt (réalisation) – 58’32
Blu-ray C Major 715304 – Notice trilingue (anglais, allemand et français) de Harald Reiter – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code ABC





Du légendaire chef d’orchestre Carlos Kleiber (1930-2004), on connaissait déjà le décevant portrait réalisé par Eric Schulz et intitulé Carlos Kleiber: traces to nowhere (Arthaus Musik): voici un nouvel essai réalisé cette fois-ci par Georg Wübbolt, au titre tout aussi pessimiste, Carlos Kleiber: I am lost to the world, déjà paru en DVD en 2011 et réédité ici en Blu-ray.


Car c’est bien l’impression que l’on ressent à la fin de ce documentaire de près d’une heure: Carlos Kleiber n’aura jamais été un homme heureux et la souffrance aura été sa plus fidèle compagne tout au long de sa vie. Le portrait du chef allemand nous est classiquement présenté de manière chronologique, de l’exil de la famille vers l’Amérique du Sud dans les années 1930 à ses divers engagements à Düsseldorf (1957-1964), Stuttgart (1965-1975) en passant par Munich (1968-1988) et Bayreuth (1974-1976). Si certaines images nous sont bien connues – ces répétitions en noir et blanc des ouvertures du Freischütz ou de La Chauve-souris où il use d’images ( «Imaginez la même femme mais dans une autre position...») qui laissent ses musiciens interdits –, d’autres sont en revanche de vraies découvertes comme cette caméra fixe pointée sur lui lors des répétitions de Tristan et Isolde à Bayreuth dans les années 1970: la légèreté du geste, les mouvements de la baguette, l’engagement physique de sa personne sont, en dépit d’une image de piètre qualité, tout à fait admirables, le film se concluant d’ailleurs sur le fameux Liebestod.


Grâce à plusieurs témoins de premier ordre (Riccardo Muti, Wolfgang Sawallisch, Otto Schenk, Michael Gielen, plusieurs musiciens du Philharmonique de Vienne, de Berlin ou de l’Orchestre de la Radio bavaroise), le documentaire parvient à cerner quelque peu les traits d’une personnalité hors du commun, marquée à jamais par l’emprise d’un père toujours présent, qui n’a rien fait pour encourager son fils à s’engager dans la carrière de chef et qui, finalement, l’aura bridé jusqu’à sa mort. Sa souffrance, qui s’est doublée d’un sens du perfectionnisme poussé au plus haut point – il faut écouter cet extrait audio des répétitions avec le Philharmonique de Vienne du début du deuxième mouvement de la Quatrième symphonie de Beethoven, extrêmement tendu, où, le ton finissant par monter, Kleiber ordonne 10 minutes de pause histoire de faire tomber la tension –, n’aura pas peu contribué à en faire un chef rare sur les podiums, sujet à des caprices et des volte-face inattendues. Le témoignage de Muti, qui reçoit l’appel d’un Carlos Kleiber pleurant, en décembre 2003, pour lui annoncer que sa chère femme, l’ancienne ballerine Stanislava Brezovar, venait de mourir, est tout à fait poignant.


En dépit de ses qualités, on reste néanmoins sur sa faim après avoir vu ce film. Non seulement parce que moins d’une heure pour cerner une personnalité aussi riche est impossible et suscite forcément des frustrations. Mais aussi parce que la richesse des documents disponibles – il suffit de naviguer sur YouTube pour visionner plusieurs extraits de répétitions et des concerts dont, profitons-en pour le signaler, une fulgurante Septième de Beethoven au Japon avec l’Orchestre d’Etat de Bavière – offre sans nul doute un riche matériau qu’il aurait été intéressant d’utiliser ici. En outre, les témoignages directs ne sont pas suffisamment exploités (c’était un des reproches que l’on pouvait également faire à l’égard de l’autre portrait disponible en DVD), ce qui est regrettable compte tenu de la proximité que certains acteurs – (on pense en premier lieu à Otto Schenk mais il y en a d’autres – ont pu avoir avec le chef. Sans nul doute, le portrait de Carlos Kleiber reste à faire.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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