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12/14/2013
John Adams : El Nino
Dawn Upshaw (soprano), Lorraine Hunt Lieberson (mezzo-soprano), Willard White (baryton), Daniela Graça, Nora Kimball, Michael Schumacher (danseurs), Theater of Voices: Daniel Bubeck, Brian Cummings, Steven Rickards (contre-ténors), Paul Hillier (direction), London Voices, Terry Edwards (direction), Maîtrise de Paris, Patrick Marco (direction), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Kent Nagano (direction musicale), Peter Sellars (mise en scène), Leon Wieber (costumes), James F. Ingalls (lumières), Yreina D. Cervántez (collaboration artistique), Peter Maniura (réalisation)
Enregistré en public à Paris (décembre 2000) – 118’28 + bonus 28’05
Arthaus Musik 101 669 – PCM Stéréo/DD 5.0 – Format 16:9 – Region code 0 – Sous-titres en anglais, allemand, français, espagnol et chinois – Notice en anglais et en allemand





Jake Heggie : Moby-Dick
Jay Hunter Morris (Captain Ahab), Stephen Costello (Greenhorn), Morgan Smith (Starbuck), Jonathan Lemalu (Queequeg), Talise Trevigne (Pip), Stubb (Robert Orth), Flask (Matthew O’Neill), Joo Won Kang (Captain Gardiner), Carmichael Blankenship (Tashtego), Bradley Kynard (Daggoo), Chester Piddock (Nantucket Sailor), Anders Froehlich (Spanish Sailor), San Francisco Opera Dance Corps, San Francisco Opera Chorus, Ian Robertson (chef de chœur), San Francisco Opera Orchestra, Patrick Summers (direction musicale), Leonard Foglia (metteur en scène), Robert Brill (décors), Jane Greenwood (costumes), Donald Holder (lumières), Elaine J. McCarthy (projections), Keturah Stickann (mouvements et chorégraphie), Frank Zamacona (réalisation)
Enregistré en public à San Francisco (octobre 2012) – 142’18 + 51’28
Album de deux DVD EuroArts 2059658 (ou Blu-ray 2059654) – Notice en anglais, allemand et français





Philip Glass : The Perfect American
Christopher Purves (Walt Disney), David Pittsinger (Roy Disney), Donald Kaasch (Dantine), Janis Kelly (Hazel George), Marie McLaughlin (Lilian Disney), Sarah Tynan (Sharon), Nazan Fikret (Diane), Rosie Lomas (Lucy, Josh), Zachary James (Abraham Lincoln, Un employé des pompes funèbres), John Easterlin (Andy Warhol), Juan Noval-Moro (Chuck, Un docteur), Beatriz de Gálvez (Une secrétaire), Noelle Bunuel (Une infirmière), The Improbable Skills Ensemble, Coro del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Dennis Russell Davies (direction musicale), Phelim McDermott (mise en scène), Dan Potra (décors et costumes), Jon Clark (lumières), Ben Wright (chorégraphie), Leo Warner (vidéo), János Darvas (réalisation)
Enregistré en public à Madrid (janvier 2013) – 110’49
DVD Opus Arte OA 1117 D (ou Blu-ray OA BD7129 D) – LPCM 2.0/DTS Digital Surround – 16:9 Anamorphic – Sous-titres en anglais, français, allemand, espagnol, japonais et coréen – Notice en anglais, français et allemand





La captation de la création de trois opéras américains contemporains paraît (ou reparaît) quasi simultanément, occasion d’apprécier autant de contributions fort différentes au renouveau du genre, mais originaires d’un même pays, particulièrement dynamique dans ce domaine depuis une vingtaine d’années, avec des compositeurs comme Corigliano (The Ghost of Versailles), Maazel (1984), Previn (Un tramway nommé désir) ou Wallace (Harvey Milk).


Arthaus réédite El Nino, quatrième de ses sept ouvrages scéniques de John Adams (né en 1947), déjà paru en DVD en 2001 (en même temps qu’une version audio chez Nonesuch). Il s’agit de l’enregistrement de la première, en décembre 2000 au Châtelet, de cet «oratorio de la Passion en deux actes» (suivi, depuis lors, de L’Evangile selon l’autre Marie, créé l’an dernier à Los Angeles). Ainsi que l’explique Peter Sellars, fidèle partenaire d’Adams, c’est moins la Nativité que de «l’expérience archétypale de la naissance, avec des mots de femmes» qu’il est ici question.


Le metteur en scène américain propose de nouveau ici une transposition contemporaine, à la fois multiculturelle – une histoire de latinos aux Etats-Unis par un orchestre allemand (l’Orchestre symphonique allemand de Berlin avec son Chefdirigent et directeur artistique d’alors, Kent Nagano) et un chœur anglais dans un théâtre français – et, surtout, multidisciplinaire, l’association de la musique, de la danse et de l’image étant destinée à mieux approcher le personnage de Marie, au croisement de ces trois formes d’art. Elaboré par Adams et Sellars, le livret fait alterner, un peu à la manière du War Requiem de Britten, épisodes tirés du Nouveau Testament et textes, en anglais ou en espagnol, allant de l’Ancien Testament à nos jours en passant par la Renaissance anglaise. Cet éclectisme postmoderne ménage une Annonciation et un Magnificat, mais aussi des anges, rois mages et bergers, dans une actualisation qui ose le trivial et l’impur, notamment dans le film projeté en continu en fond de scène, au-dessus des protagonistes, pour mieux magnifier la poésie du quotidien et de l’aujourd’hui: malgré les voitures, les avions, les cops et autres, la scène et l’écran suggèrent des Nativités italiennes. Pas de décor, des costumes contemporains colorés, une gestuelle à la Bob Wilson et, bien sûr, l’omniprésence du trois: solistes – soprano, mezzo et basse parfois appelés à incarner Marie, Joseph ou Hérode –, contre-ténors – narrant et commentant l’action à la manière de l’Evangéliste des Passions de Bach – et danseurs.


La musique cultive la référence baroque – difficile d’échapper au Messie: contre-ténors, motorisme néostravinskien, harpes et guitares – mais les tintements des célestas et percussions métalliques, la dimension répétitive, qu’Adams avait quelque peu abandonnée mais qui revient ici en force à la Nyman ou à la Reich, et l’écho d’œuvres aussi diverses que les Carmina burana d’Orff, Œdipus Rex de Stravinski ou la Messe de Bernstein l’ancrent sans équivoque possible dans son siècle finissant. Les parties vocales n’en sont pas moins intensément lyriques, très ornementées et somptueusement servies par les solistes – toujours radieuse Dawn Upshaw, toujours bouleversante Lorraine Hunt, toujours impressionnant Willard White. En bonus, un making of alterne extraits du spectacle et entretiens avec Adams, Sellars, Nagano et Upshaw, sans surprise (mais pas sans congratulations réciproques).


Encore la Californie, Etat d’adoption de John Adams, et cette fois-ci San Francisco, où fut créé en 2000 le premier opéra Dead Man Walking de Jake Heggie (né en 1961), régulièrement repris depuis lors (comme en 2011 à Houston ou en février dernier à Montréal), et où a été réalisée la captation de Moby-Dick, coproduit avec les opéras de Dallas (où fut donnée la première), de San Diego (où il fut présenté en février 2012), de Calgary et d’Australie méridionale. Entre-temps, le compositeur avait rencontré le succès avec quatre autres ouvrages lyriques, dont Three Decembers.


Sur un livret de Gene Scheer (né en 1958), fidèle adaptation – sinon qu’Ismaël se fait appeler Greenhorn tant qu’il navigue sur le Pequod – du roman (1851) du roman de Melville, phare de la littérature américaine, cet opéra en deux actes, bien qu’accueilli en son temps avec enthousiasme par la rédaction anglophone de ConcertoNet (voir ici), ne convainc pas. En retrait des grands opéras maritimes (Le Vaisseau fantôme, Billy Budd), la musique, appliquée et prévisible, sans mystère ni poésie, ne va guère au-delà d’un Catán (Il postino), d’un Cosma (Marius et Fanny) ou d’un Shore (La Mouche), s’autorise des élans postpucciniens au mieux naïfs, au pire crapuleux, et flirte parfois d’assez près avec la comédie musicale – genre éminemment respectable, mais hors sujet, en l’espèce, compte tenu des ambitions affichées par les concepteurs de ce spectacle, animés par la volonté anachronique de rassurer le public en respectant les conventions et en jouant sur le prestige du «grand opéra». Bref, ces 2 heures et 20 minutes paraissent bien longues.


La mise en scène explicite tout, avec un luxe de moyens, une débauche de mâts et de cordages et de très astucieux jeux de projections et de lumières donnant l’illusion de la mer, des embarcations et de la nage. Créé par Ben Heppner, le rôle principal, celui du capitaine Achab, est tenu ici par Jay Hunter Morris, dont le timbre n’est guère séduisant. En revanche, Stephen Costello en Greenhorn, Jonathan Lemalu en Queequeg et, surtout, Morgan Smith en Starbuck tirent leur épingle du jeu. Aucun personnage féminin dans la distribution, mais, comme dans De la maison des morts, l’un des rôles, celui du mousse Pip, est écrit pour une voix de femme, la soprano (colorature) Talise Trevigne. Le bonus est copieux (plus de 50 minutes), mais ne consiste qu’en un modérément divertissant plan fixe intitulé «En accéléré: 24 heures sur scène en 8 minutes» et en la succession d’entretiens promotionnels avec les titulaires des cinq rôles principaux, le compositeur, le chef d’orchestre et le librettiste.


Philip Glass (né en 1935), l’aîné de ces trois compositeurs américains, a, pour le moins, commencé par chercher à renouveler le genre – Einstein on the Beach en témoigne éloquemment – même s’il n’a pas craint ensuite de revenir à des formats plus traditionnels. C’est le cas de son vingt-cinquième opéra, The Perfect American, créé en janvier dernier au Théâtre Royal de Madrid (en coproduction avec l’Opéra national anglais) – le vingt-sixième, Spuren der Verirrten (The Lost), sur un livret inspiré de Peter Handke, a déjà été donné, quelques semaines plus tard à Linz, et il travaille actuellement au vingt-septième, sur Le Procès de Kafka.


Structuré en deux actes entourés d’un prologue et d’un épilogue, le livret de Rudolph Wurlitzer (né en 1937) est adapté du roman éponyme (2001) – quoique intitulé Le Roi de l’Amérique dans sa langue originale (allemand) – de Peter Stephan Jungk (né en 1952): ce «roi», cet «Américain parfait» que désigne le titre n’est autre que Walt Disney (1901-1966), mégalomane, bâtisseur d’empire, nationaliste et réactionnaire, passionné de trains, amoureux des animaux plus que des humains mais aussi et peut-être surtout conteur, personnage odieux et déplaisant mais dont la fin de vie finirait presque par attirer une certaine sympathie, quand il appelle son infirmière Blanche-Neige ou quand il se souvient de son enfance à Marceline (Missouri) avec son frère Roy (1893-1971).


Comme dans Hydrogen Jukebox, revoici donc Glass à l’assaut du versant obscur du rêve américain et de ses mythes – Lincoln, automate façon statue du commandeur, mais aussi Warhol font aussi des apparitions furtives. Ne se laissant pas aller excessivement à sa tendance des dix ou vingt dernières années à répéter des accords parfaits mineurs, il ne s’autoparodie pas trop: l’écriture vocale, volontiers lyrique, se teinte même de romantisme. Dans des décors et costumes à la Mad Men de Dan Potra, avec employés de bureau aux manches de lustrine, la mise en scène de Phelim McDermott, s’appuyant sur un savant jeu d’écrans, rideaux, voiles, lumières et vidéos (de Leo Warner), mêle habilement réalité et fiction, présent et passé.


Les deux frères, Walt et Roy, sont fort bien chantés par Christopher Purves et David Pittsinger, mais dans les voix de femmes, plutôt que l’infirmière campée par Janis Kelly, c’est Rosie Lomas qui se révèle dans le rôle (travesti) du jeune Josh, soigné dans la chambre d’hôpital voisine de celle de son idole, le père de Mickey. Dans la fosse, la partition est en d’excellentes mains avec Dennis Russell Davies, créateur – entre autres – d’Akhenaton et familier de longue date de l’œuvre de Glass.


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Simon Corley

 

 

 

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