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11/24/2013
Dora Pejacevic : Quintette avec piano en si mineur, opus 40 – Quatuor à cordes en ut majeur, opus 58 – Quatuor avec piano en ré mineur, opus 25 – Impromptu pour quatuor avec piano, opus 9b
Quatuor Sine Nomine: Patrick Genet, François Gottraux (violon), Hans Egidi (alto), Marc Jaermann (violoncelle) – Olivier Triendl (piano)
Enregistré en l’Alte Kirche de Boswil, Suisse (24-27 septembre 2009) – 90’23
cpo 777 421-2





L’œuvre la plus célèbre de Dora Pejacevic (1885-1923), sa partition majeure, la Symphonie en fa dièse mineur, opus 41 (1917), est saluée comme l’un des chefs-d’œuvre de la musique croate et l’une des deux premières illustrations modernes du genre dans la musique de ce pays. C’est par cette symphonie que cpo et la Radio-télévision suisse (alémanique) ont lancé en 2011 une série d’enregistrements monographiques en hommage à la compositrice, trop longtemps méconnue. Après une quasi-intégrale de ses lieder et un premier récital de musique de chambre pour violon, violoncelle et piano, vient un second programme de musique de chambre qui contient deux de ses meilleures contributions au genre, l’intrigant Quintette avec piano et le magnifique Quatuor à cordes.


En 1885, à une époque où les réticences, voire les doutes sur le rôle de la femme en tant que compositeur dépassent de loin la simple notion de la bienséance sociale déjà rédhibitoire pour entretenir l’idée d’une réelle incompétence due au seul fait d’être femme. Dora Pejacevic a l’heur de naître dans une famille de l’aristocratie hungaro-croate qui reconnaît et encourage ses dons dès son jeune âge. Le milieu social et la fortune de sa famille favorisent son épanouissement musical et culturel et permettent le financement d’une formation plus poussée menée en privée à Munich et à Dresde. Pianiste et violoniste talentueuse et déjà appréciée, la jeune compositrice ne tarde pas à faire accepter ses propres compositions dans les salons puis dans les salles de concert. C’est un parcours d’exception, impossible sans les qualités musicales, la force de caractère et la détermination qui étaient les siennes. On peut à la rigueur le comparer à celui de Lili Boulanger, toutes deux étoiles filantes trop tôt disparues.


Dans son ouvrage mi-biographique, mi-présentation musicale Dora Pejacevic, Koraljka Kos évoque son style en ces termes: «Même si elle a vécu à l’époque d’un bouleversement radical de la musique, Dora Pejacevic est toujours restée fidèle à la tradition et n’a jamais renoncé à la tonalité, bien que ses années de maturité révèlent souvent certaines audaces dans l’harmonie. C’est pourquoi elle fait partie du groupe des compositeurs qui ont su enrichir la musique européenne au tournant du siècle – loin de la rupture avec sa respectable hérédité – de nouvelles nuances expressives». Le Quatuor Sine Nomine et le pianiste Olivier Triendl, convaincus de la valeur de la musicienne croate et pénétrés de sa musique, défendent ses œuvres avec maîtrise et conviction, sachant laisser respirer à l’aise les traits plus audacieux tout comme les amples phrases plus fauréennes, voire brahmsiennes, et la sève mélodique.


Fidèle à la grande forme à laquelle elle imprime sa marque, la compositrice traite avec plus de liberté les pièces brèves tel l’Impromptu de 1903, miniature de jeunesse empreinte de mélancolie, construite comme des stances poétiques, les thèmes mélodiques accompagnés passant sans heurt du trio au piano. Au traitement thématique autrement plus ambitieux, le Quatuor avec piano de 1908, composé dans une comparable veine lyrique, est en quatre mouvements classiques encore romantiques mais l’indépendance de sa voix se dessine déjà, le dernier mouvement, un Allegro comodo aux allures de scherzo, délicieusement joyeux, joueur et épanoui.


D’une autre envergure, l’expressif Quintette avec piano, élaboré en parallèle à la Symphonie et terminé en 1918, reste de style encore postromantique tout en témoignant d’une maturité bien assise. Ferme, vigoureux, direct, il évolue à travers ses quatre mouvements, vivifiant et épanoui malgré le climat tendu et la note de fond grave. La belle voix d’un violoncelle lyrique lumineusement accompagné marque le deuxième mouvement alors que les cordes fluides et fermes et le souffle épique d’un piano intrépide imprègnent le finale d’une hardiesse héroïque.


Le doux-amer Quatuor à cordes de 1922 dévoile un langage plus émancipé qui ne peut qu’inspirer le regret que ce soit là sa toute dernière œuvre. Dora Pejacevic s’avouait profondément affectée par la barbarie de la guerre et en rébellion contre l’oisiveté insouciante rencontrée en son propre milieu social. On peut penser que le Quatuor en porte un certain reflet, jusques aux modes et rythmes croates du dernier mouvement librement travaillés. Encore composé dans le respect de la grande forme, remarquable par son traitement thématique, caractérisé par des textures serrées et belles, le Quatuor, lyrique, gracieux, élégant, lumineux, est en même temps sous-tendu de tragique et de fiévreux regrets. Son originalité tient à la manière distinctive de mettre en jeu les quatre cordes en homorythmie et en formation serrée, ou éclatées et individualisées aux traits et aux pizzicati hardis, ou encore groupées par deux ou trois en opposition ou en combinaisons harmoniques aux fines sonorités recherchées. La maîtrise des Sine Nomine, leur expressivité et leur sens du phrasé sont ici essentiels.


La valeur des œuvres et la belle qualité de l’interprétation font de ce programme rare une expérience enrichissante, bien servie par la clarté et la transparence de la prise de son. C’est une heureuse découverte à faire.


La page consacrée à Dora Pejacevic sur le site du Centre d’information musicale croate
Le site du Quatuor Sine Nomine
La page d’Olivier Triendl


Christine Labroche

 

 

 

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