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07/15/2013
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 «Romantische» (version de 1878/1880)
Entretien avec Sergiu Celibidache

Müncher Philharmoniker, Sergiu Celibidache (direction), Klaus Lindemann (réalisation)
Enregistré en public à la Herkulessaal de Munich (15 septembre 1983) – 82’ (et bonus de 30’)
Arthaus Musik 101 645 – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0


Sélectionné par la rédaction





Anton Bruckner : Symphonie n° 4 «Romantische» (version de 1878/1880)
Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction), Andreas Morell (réalisation)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin le 20 juin 2010 – 69’36
Accentus Music/Unitel Classica ACC 20217 – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0





Anton Bruckner : Symphonie n° 4 «Romantische» (version de 1888, édition établie par Benjamin Korstvedt)
The Cleveland Orchestra, Franz Welser-Möst (direction), Brian Large (réalisation)
Enregistré en public en l’abbaye de Saint-Florian (1er septembre 2012) – 74’
Arthaus Musik 101 682 (ou Blu-ray 108078) – Son PCM Stereo – Format NTSC 4:3 – Region Code 0





De même que l’on a pu confronter deux versions filmées de la Cinquième Symphonie d’Anton Bruckner (1824-1896), voici venue l’occasion de comparer trois concerts, cette fois-ci, d’une des œuvres les plus célèbres du compositeur autrichien, la Quatrième Symphonie dite «Romantique».


Dans l’ordre chronologique, commençons donc avec ce concert donné le 15 septembre 1983 par Sergiu Celibidache (1912-1996) à la tête du Philharmonique de Munich, à la Herkulessaal. Si le grain de l’image et la manière de filmer sont perfectibles (le travelling de la caméra qui passe, à 72’35, du rang des flûtes et hautbois à celui des clarinettes et bassons étant plus que saccadé et tremblotant) et trahissent leur âge, quel concert néanmoins! De même que la représentation filmée où le chef roumain dirigeait la monumentale Cinquième avait révélé un chef souriant en plus d’une occasion, de même cette représentation nous montre un Celibidache qui use tour à tour d’un regard on ne peut plus bienveillant pour ses musiciens (on notera un franc sourire à maintes reprises, comme dans ce passage à 42’19) et, également, d’un œil foudroyant qui devait glacer l’orchestre dans son ensemble. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de l’attendre bien longtemps: le départ du cor solo dans le premier mouvement est déjà assuré par ce regard perçant, au visage fermé (1’14), de même que la fin de ce même mouvement sera également engagée par un regard des plus terrifiants (à 19’52). Les caméras nous permettent en plus d’une occasion d’admirer le travail du chef, qui veille aux équilibres, réfrénant si nécessaire les violons afin qu’ils ne couvrent pas les bois, usant d’une battue millimétrée, aux mouvements presque imperceptibles mais que suivent comme un seul homme les presque cent musiciens de la phalange bavaroise (à cet égard, le passage qui commence à 30’38 est magnifique). Sous sa direction, la Quatrième s’épanouit de la plus belle des manières et, même si l’on peut regretter que la coda conclusive ne soit pas prise un peu plus rapidement, l’interprétation générale est superbe.


En bonus, on a droit à un entretien réalisé par Eve Ruggieri dans la Herkulessaal, Celibidache s’exprimant dans un français parfait (l’entretien pouvant être sous-titré en anglais et en allemand), après une répétition de l’orchestre en attendant le concert du soir. Loin de se cantonner à la Quatrième ou même à Bruckner, le chef donne son opinion générale sur ce que doivent être les tempi (à cet égard, ceux qui trouvent ses tempi trop lents «sont sourds à la musique»...), le discours musical et, de manière encore plus globale, l’art («le but de l’art, ce n’est pas la beauté, mais la vérité finale»). Au total, un entretien intéressant, même si ses propos sur Bruckner organiste et l’influence de l’instrument sur sa manière de composer auraient mérité d’être plus largement développés.


Franchissons vingt-sept ans et retrouvons-nous maintenant à la Philharmonie de Berlin pour ce concert, qui prend place parmi une série donnée par l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin, sous la direction de son chef à vie (depuis août 2000), Daniel Barenboim. Les mélomanes connaissent peut-être déjà les captations des autres symphonies «de maturité» (les Cinquième à Neuvième) par les mêmes: s’ils ont apprécié les précédents opus, nul doute qu’ils seront également séduits par celui-ci, du moins du point de vue musical. Même s’il n’a pas l’aura de son petit frère, le Philharmonique, né en 1883 alors que celui de la Staatskapelle date de 1742, ce derner est excellent. Evidemment, comment passer sous silence, dans cette œuvre-phare qu’est la Quatrième de Bruckner le cor solo (Hans-Jürgen Krumstroh, impérial) et le timbalier (excellent Torsten Schönfeld)? De manière générale, l’orchestre est du plus haut niveau même si la direction de Barenboim le conduit parfois à jouer un peu sèchement (notamment dans le Scherzo, où la cavalcade de cuivres est prise trop rapidement à notre goût), mais ce ne sont là que broutilles.


Si l’image est très belle, on est en revanche quelque peu gêné par la réalisation. Les plans sur les instruments rutilants dans le cadre de la Philharmonie conçue par Hans Scharoun se succèdent très rapidement, trop rapidement même, l’œil n’ayant pas souvent le temps de se poser, encore moins de s’attarder. En outre, la manière de filmer s’avère un peu trop scolaire, les caméras montrant les musiciens à chaque fois qu’ils jouent alors qu’il n’est pas forcément nécessaire de les voir à ce moment-là: une prise d’ensemble, une vue du chef peuvent être tout aussi éclairantes sur la manière dont se déroule une interprétation. A ce titre, certaines images de Barenboim ne sont guère flatteuses pour ce dernier, comme dans le deuxième mouvement (Andante, quasi allegretto), où on le voit s’éponger le front à plusieurs reprises tout en continuant de diriger en tenant sa baguette de la main droite, son mouchoir blanc dans la gauche. Si l’on ne devait finalement retenir qu’une seule image, ce serait celle-ci, lors des applaudissements, lorsqu’une jeune corniste sourit, presque étonnée de l’ovation du public, et gratifie Krumstroh d’un petit geste d’une incroyable complicité: c’est simple, c’est beau.


Si Celibidache et Barenboim ont opté pour la classique édition de la Quatrième établie par Robert Haas, Franz Welser-Möst, à la tête de son Orchestre de Cleveland, a, de son côté, choisi l’édition beaucoup plus rare éditée en 1888, qui tenait compte des derniers repentirs de Bruckner lui-même, et qui fit l’objet de travaux et d’une récente édition critique par le musicologue Benjamin Korstvedt, en 2004. Les principales différences avec les éditions connues (Haas ou Nowak) s’entendent principalement dans les troisième et quatrième mouvements, qu’il s’agisse des mélodies, de certains passages que l’on n’entend plus, des nuances, de la dynamique générale ou, pour ce qui est du dernier mouvement, de l’intervention inopinée des cymbales (à 52’28). La magnifique église abbatiale de Saint-Florian, en Haute-Autriche, a déjà accueilli à maintes reprises des concerts donnés en l’honneur de Bruckner, qui y fut organiste. Brian Large, rompu à ce type de réalisations, prend à ce titre un grand plaisir à filmer les peintures, sculptures et autres oripeaux qui font de cette église un monument de l’art baroque (ainsi, l’orchestre n’apparaît à l’image qu’au bout de 2’20...). La direction du chef autrichien est d’une rare élégance: on s’en délecte à maintes reprises, ses bras alternant moulinets endiablés et un presque statu quo, les musiciens sentant immédiatement ce que leur demande celui qui est leur directeur musical depuis 2002. L’orchestre, tout en étant excellent à l’image de son célèbre Konzertmeister William Preucil, n’est néanmoins pas forcément à son aise dans cette musique d’où, peut-être, une certaine sécheresse dans le jeu. On saluera néanmoins les bois (les caméras nous permettant d’ailleurs de parfaitement entendre le contrechant des flûtes dans le premier mouvement, à 20’05, passage où on ne les entend quasiment jamais) et un formidable pupitre d’altos dans le deuxième mouvement.


On connaissait déjà les très belles vidéos de la Quatrième dirigées par Wand (avec l’Orchestre de la NDR de Hambourg), Abbado (avec Vienne) et Thielemann (à la tête des Müncher Philharmoniker. Voici trois nouveaux concerts qui viennent enrichir cette vidéothèque, désormais dominée par un Celibidache souverain, sans aucun doute le plus convaincant musicalement.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Munich
Le site de l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin
Le site de l’Orchestre de Cleveland


Sébastien Gauthier

 

 

 

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