About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

12/05/2012
Franz Schubert : Winterreise, D. 911
Dietrich Fischer-Dieskau (baryton), Alfred Brendel (piano)
Enregistré à la Villa Siemens, Berlin (1979) – 73’ + 56’ (bonus)
DVD Arthaus 107 229 (distribué par Intégral) – Format 4/4 – Son PCM Stéréo – Code région 0 (worldwide) – Sous-titres en anglais, allemand, français, italien, espagnol





Les jours passent et on ne parvient toujours pas à s’y faire. Il n’est plus là. Cette figure tutélaire qui continuait, même dans la discrétion d’une retraite dont il ne sortait plus guère, à maintenir la musique que nous aimons tant dans un état d’exigence supérieur, nous a définitivement quittés. C’était cela surtout, Dietrich Fischer-Dieskau, une présence, un point de repère, et pas seulement le prestige d’un immense chanteur parmi d’autres. Dans cette catégorie si volontiers égocentrique des artistes lyriques, certainement le plus modeste des guides, le plus ouvert, le plus continuellement synthétique entre l’art et une forme d’exigence intellectuelle à nulle autre pareille. Il va falloir s’habituer à continuer sans lui !


L’héritage discographique, va sans doute encore s’étoffer. Et comme il est déjà presque innombrable (on remercie d’avance celui qui s’attaquera à un nouveau travail de dénombrement exhaustif, mais dans ce cas sérieux et bien fait, merci !) on trouvera là toujours de quoi se nourrir et méditer. Avec le nouveau siècle c’est sans doute l’exploitation des archives sur support vidéo qui pourra jouer là un rôle inédit, car voir Dietrich Fischer-Dieskau constitue mieux encore qu’une expérience esthétique : une véritable leçon.


Sorti d’archives berlinoises, ce Winterreise n’est pas une nouveauté. On l’a connu déjà antérieurement sous une autre étiquette mais il est fondamental qu’il se pérennise au catalogue. C’est un document un peu tardif en ce qui concerne la pure beauté du matériau vocal, çà et là un peu élimé, mais peu importe. La puissance d’évocation demeure intacte, avec une force tellurique invraisemblable. Et l’accompagnateur, discret, attentif, mais avec une conviction si forte dans sa façon tout à coup de prendre lui aussi la parole et de dire « je » en musique (Brendel, quand même, ce n’est pas rien !) renforce encore cette puissance, avec art.


Souvenir personnel datant de la même année. A Fribourg-en-Brisgau, dans une salle de proportions modestes garnie de chaises monstrueusement grinçantes (la Paulussaal, haut lieu local de musique de chambre à l’époque). Le Winterreise est programmé, on ne sait pourquoi si tôt, à 17 h en semaine, au mois de mai. Un soleil radieux brille et joue avec les vitraux colorés de la salle. Certains carreaux sont ouverts, il fait chaud, des chants d’oiseaux indiscrets s’infiltrent... Et puis Dietrich Fischer-Dieskau arrive, sanglé dans son frac invariablement raidi, et installe devant le piano sa grande silhouette triangulaire (qui nous a toujours paru un exemple parfait de posture de chanteur, les épaules paraissant presque suspendre le reste du corps). Brendel s’asseoit, laisse s’échapper ses quelques tic gestuels habituels et puis Schubert commence à parler et on oublie tout. La température de la salle tombe en chute libre, le soleil paraît soudain glacial, un vent désagréable commencerait presque à souffler. Et une terrible histoire de mort, de larmes glacées et de solitude hallucinée nous saisit pendant une heure, comme jamais.


Et, puis suprême miracle, plus aucune chaise ne laisse échapper le moindre soupçon de bruit parasite... Peut-être même les oiseaux se sont-ils tus ?


Le meilleur compliment que l’on puisse faire à ce DVD indispensable, est de nous replonger dans une ambiance similaire, bien que le contexte ne soit pas du tout le même (salle dorée, tentures, relative pénombre...). Même assis dans son propre salon, le phénomène se reproduit encore. Un miracle schubertien, et ceci n’est pas qu’une formule.


Laurent Barthel

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com