About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

09/28/2012
«Intégrale de l’œuvre pour piano»
Jacques Lenot : Etudes [1, 2] – We Approach the Sea [1] – Burrascoso [1] – Préludes [1, 2] – Cités de la nuit [2] – L’Esprit de solitude [2] – Agalma [3] – Dramatis personae [3] – Errante [3] – Ils traversent la nuit [3] – Sans soleil [3] – Mascaret [3] – Avant le jour [3] – Inscriptions (Sur le nom de Karol Szymanowski) [3]

Winston Choi (piano)
Enregistré à Paris (10-12 mai 2004 [1], 21-23 janvier 2005 [2] et 21-23 novembre 2009 [3]) – 215’52
Album de trois disques Intrada INTRA044 (distribué par Codaex)





«Chiaroscuro»
Jacques Lenot : Chiaroscuro – Erinnern als Abwesenheit
Laurent Camatte (alto), Winston Choi (piano), Multilatérale, Jean Deroyer (direction)
Enregistré à Paris (4-6 novembre 2010) – 68’29
Intrada INTRA052 (distribué par Codaex)





Intrada reste fidèle à Jacques Lenot (né en 1945), après un premier disque consacré à sa musique de chambre, suivi de volumes consacrés à son œuvre pour piano. L’éditeur en présente désormais le troisième volume, associé en un seul album avec la réédition des deux volumes précédemment publiés (de telle sorte que ceux qui les avaient déjà acquis en sont pour leurs frais), et une nouvelle parution monographique, cette fois-ci orchestrale et essentiellement concertante.


Bien que présenté comme une «intégrale», l’album de trois disques ne rassemble pas la totalité du corpus pianistique de Lenot, dont le catalogue fait en effet apparaître plusieurs pages pour piano seul qui ne sont pas enregistrées ici, mais il n’en dure pas moins de trois heures et demie et inclut deux partitions pour deux pianos: la superposition des Cinquième et Sixième Etudes pour piano seul («Possible Pure Land Emblem») et, également en re-recording, les Inscriptions (Sur le nom de Karol Szymanowski) pour deux pianos.


D’autres interprètes – François Chaplin, Claude Helffer, Dominique My, Alexandre Tharaud – ont contribué à faire connaître ce territoire aussi vaste qu’homogène mais depuis près de dix ans, il a trouvé un guide privilégié en la personne de Winston Choi (né en 1977), vainqueur du concours d’Orléans en 2002 et créateur de bon nombre des partitions les plus récentes du compositeur. Ce monument dédié au clavier baigne dans des références aussi nombreuses que variées, musicales (Couperin, Bach, Scarlatti, Mozart, le lied allemand, Schumann, Liszt, Debussy, Ravel, Bartók, Szymanowski, Donatoni, Takemitsu) ou non (Hölderlin, Jens Peter Jacobsen, Rilke, Lewis Carroll, Saint-John Perse, T.S. Eliot, Mandiargues, Rothko, Sam Francis, Mishima), même si elles échapperont sans doute pour la plupart à l’auditeur qui n’aurait pas lu les éclairages laconiques apportés par Lenot lui-même dans la notice (en français) – le lecteur est cependant informé qu’un texte plus développé serait librement accessible sur Internet sans toutefois que l’adresse en soit fournie.


Se contenter d’entendre dans cette musique ce qu’elle tient de Messiaen et d’Ohana, dans une moindre mesure de Ligeti ou de Boulez, et plus lointainement, bien sûr, de Debussy – ses deux axes majeurs en sont aussi vingt-quatre Préludes (1986-1996/2003) regroupés en deux livres et douze Etudes (1986-1989) – constituerait une double erreur: non seulement on y chercherait en vain des citations ou même simplement une imitation, mais ce serait méconnaître la spécificité de cet univers de poésie intense et mystérieuse, dont témoignent des titres suggérant le vent, l’eau, le temps, le ciel, l’horizon mais aussi le chant. Un univers dont le démiurge est un parfait connaisseur de l’instrument, alors même qu’il considère ne pas savoir en jouer «correctement»: son utilisation des résonances, comme dans Agalma (2008), alterne ainsi avec la digitalité la plus débridée, par exemple dans certaines des Etudes.


Winston Choi, impressionnant de rigueur et de sensualité à la fois, tient également une place prépondérante dans la seconde publication, où il est le soliste de deux récentes pièces concertantes – un genre que Lenot avait déjà précédemment abordé avec deux Concertos pour piano en bonne et due forme. La première, Chiaroscuro (2006/2010), donne son titre à l’album: après une version pour douze instruments et une autre pour orchestre, en voici une pour vingt-quatre instruments. Selon le compositeur, ce «clair obscur» doit moins faire penser à une illustration des peintres célèbres pour avoir recouru à cet effet (Caravage, La Tour, Rembrandt) qu’«attirer l’écoute vers la grisaille ou vers le ténébrisme», en écho aux réflexions de l’historien de l’art Daniel Arasse sur Rothko et sa lumière comme «une métaphore de l’aura, cette vapeur lumineuse qui, pour les Anciens, accompagnait les Dieux sur terre». Le moins que l’on puisse dire est que ces trois mouvements enchaînés (22 minutes), d’une grande variété d’événements et de climats, ne se laissent pas toujours aborder facilement, le piano, jouant souvent d’une discontinuité abrupte et anguleuse qui vient télescoper un orchestre plus volontiers linéaire.


La seconde pièce forme le volet central d’un vaste triptyque (47 minutes) intitulé Erinnern als Abwesenheit (2009) – une expression de Paul Celan (à propos de sa rencontre manquée avec Adorno), dont le compositeur retient la traduction suivante: «faire du souvenir une absence». Le premier volet (le moins développé des trois), ne fait appel qu’à l’orchestre – toujours l’ensemble Multilatérale sous la direction de Jean Deroyer – tandis que le dernier lui associe un alto solo, Laurent Camatte. Le tout, «trois mouvements presque enchaînés», évoque la série des six Espaces acoustiques de Grisey: l’agencement, lui aussi fondé sur des pièces faisant appel à des effectifs différents, n’a certes pas la même dimension, mais la réussite est tout aussi époustouflante. Privilégiant la fusion des solistes avec les autres instruments, l’écriture procède le plus souvent par longs et lents à-plats de timbres, par changements presque imperceptibles, créant des chatoiements d’une beauté hypnotisante. A vrai dire, c’est ici, bien plus que dans Chiaroscuro, que Rothko vient à l’esprit...


Le site de Jacques Lenot
Le site de Winston Choi
Le site de Jean Deroyer
Le site de Laurent Camatte
Le site de Multilatérale


Simon Corley

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com