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07/31/2012
Anton Bruckner : Symphonie n° 5 en si bémol majeur (édition Haas)

Müncher Philharmoniker, Sergiu Celibidache (direction), Klaus Lindemann (réalisation)
Enregistré en public au Gasteig de Munich (10 novembre 1985) – 87’15
Arthaus Musik 101 639 (distribué par Intégral) – Son PCM Stereo – Format 4/3 – Région Code 0







Must de ConcertoNet


Anton Bruckner : Symphonie n° 5 en si bémol majeur (édition Nowak)
Orchestre du Festival de Lucerne, Claudio Abbado (direction), Michael Beyer (réalisation)
Enregistré en public au Centre de la culture et des congrès de Lucerne (19 et 20 août 2011) – 80’33
Accentus Music ACC 20243 (ou Blu-ray ACC 10243) – Son PCM Stereo – Format 16/9 – Région Code 0







Must de ConcertoNet


Anton Bruckner : Symphonie n° 7 en mi majeur (édition Nowak)
Boston Symphony Orchestra, Klaus Tennstedt (direction), Russ Fortier (réalisation)
Enregistré en public au Boston Symphony Hall (5 novembre 1977) – 66’28
ICA Classics ICAD 5066 – Son Enhanced Mono – Format 4/3 – Région Code 0







Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur
Boston Symphony Orchestra, William Steinberg (direction), David Davis (réalisation)
Enregistré en public au Sanders Theatre, Université Harvard (9 janvier 1962) – 66’01
ICA Classics ICAD 5071 – Son Enhanced Mono – Format 4/3 – Région Code 0





Bruckner superstar a-t-on envie de s’écrier en voyant arriver ces quatre DVD, nouveaux témoignages de ce que les plus grands chefs passés et, pour l’un d’entre eux, présent savent faire des Symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896).


Commençons donc avec la Cinquième, dirigée par un nom indissolublement lié à celui de Bruckner puisqu’il s’agit de Sergiu Celibidache (1912-1996). Les témoignages filmés du célèbre chef roumain dans Bruckner sont nombreux: une superbe Sixième à Munich, une Huitième qui n’en finit pas de finir à Tokyo... Ici, c’est la Cinquième qui est donc à l’honneur, enregistrée lors d’un concert donné à la tête de l’Orchestre philharmonique de Munich en novembre 1985, époque où Celibidache ne dirigeait pas encore assis comme on peut le voir sur plusieurs vidéos plus tardives. Ce film absolument sensationnel a le mérite de tordre le cou à deux poncifs. Tout d’abord, la mauvaise humeur légendaire de Celibidache est ici totalement absente. On est, bien au contraire, étonné de le voir sourire si souvent (dans le premier mouvement à 8’30 ou à 10’46, cette fois-ci en raison semble-t-il d’une légère erreur des premiers violons), de le voir couver de façon aussi bienveillante un orchestre magnifique. Dotés d’un effectif impressionnant (près de 120 musiciens dont cinq flûtes, quatre clarinettes, six cors, cinq trompettes et quatre trombones), les Müncher Philharmoniker sonnent merveilleusement du début à la fin grâce à des vents individuels d’un très bon niveau mais, surtout, à des cordes dotées d’une remarquable cohésion. On retrouvera d’ailleurs ces caractéristiques dans le film où, pour sa prise de fonction, Christian Thielemann dirigera à son tour la Cinquième de Bruckner à la tête du même orchestre. La direction de Celibidache est d’une grande sobriété, les sourcils se relevant de temps en temps et suffisant à entraîner tout un pupitre. Le chef roumain, c’est visible, fait attention aux moindres détails, veille à chaque équilibre (dans le premier mouvement à partir de 9’38) et s’impose par son charisme: quelle autorité dans le regard à partir de 27’ dans le deuxième mouvement! Second poncif auquel on met provisoirement fin ici: la lenteur réputée de Celibidache. Certes, sa version de la Cinquième fait plus de sept minutes que celle d’Abbado dont il sera ensuite question: il n’empêche que l’on ne ressent nullement ce travers, contrairement à ce que l’on a pu entendre en l’écoutant dans la Huitième par exemple. Ici, tout n’est que respiration, ample certes, mais surtout équilibre souverain et apaisé. Une très grande réussite musicale pour un très grand concert.


Avec Abbado, on est aux antipodes dans le style de direction et dans le lien tissé avec les musiciens même si, encore une fois, l’un n’est pas toute autorité et l’autre toute amabilité. Le témoignage brucknérien de Claudio Abbado est identique à celui que l’on avait pu éprouver en entendant les mêmes protagonistes donner cette symphonie salle Pleyel en octobre 2011, moins de deux mois après cette capitation helvète. L’Orchestre du Festival de Lucerne, loin d’être un patchwork dans l’interprétation alors qu’il l’est dans les faits (ses musiciens étant issus de divers orchestres à commencer par le Mahler Chamber Orchestra), brille de mille feux, à commencer par les cuivres (cinq cors, trois trompettes, trois trombones, un tuba) qui se révèlent puissants sans jamais être criards: dans le quatrième mouvement, les chorals qui leur sont confiés nous renvoient immédiatement à Wagner, dont Bruckner prisait tant le génie. Que dire également des cordes (plus de quatre-vingts!) d’une puissance et d’une précision sans faille, les caméras captant le moindre sourire de connivence (entre contrebasses à la fin du premier mouvement) ou le plus petit regard furtif (Raphael Christ, chef d’attaque des seconds violons, jetant ainsi un œil sur le Konzertmeister Kolja Blacher)? Les images ne se privent pas par ailleurs d’alterner entre les solistes habituels du Festival (Lucas Macías Navarro au hautbois, Alessandro Carbonare à la clarinette, Alessio Allegrini au cor ou l’inévitable Jacques Zoon à la flûte) et les plans d’ensemble, le plus impressionnant étant sans doute celui qui filme la scène dans le sens de la largeur et non de la longueur comme souvent, nous montrant ainsi toute la distance qui sépare le timbalier Raymond Curfs du chef. D’une gestique toujours aussi élégante et suggestive, Claudio Abbado conduit l’ensemble d’une main de maître, semblant parfois souffrir physiquement en dirigeant une musique qu’il aborde vraisemblablement dans le cadre d’un cycle complet: on peut donc gager que, prochainement, le DVD de la Première Symphonie sera bientôt disponible, le chef italien l’ayant programmée pour le prochain festival d’été de Lucerne (au cours duquel Lorin Maazel dirigera également la Troisième et Bernard Haitink la Neuvième). Evidemment, on se jettera sur ce futur opus!


Il ne faut pas se fier à la photographie de Klaus Tennstedt qui figure sur la jaquette de ce DVD: ce n’est pas le chef fragile comme on en a le souvenir mais c’est plutôt quelqu’un de fringant qui monte sur le podium du splendide Boston Symphony Hall pour diriger cette Septième Symphonie, peut-être l’œuvre la plus populaire du compositeur avec la Quatrième. Sous la double houlette de Tennstedt et du concertmaster Joseph Silverstein (il faut le voir se tourner presque vers le pupitre de premiers violons pour bien signifier ce qui doit être fait), l’Orchestre de Boston témoigne d’un son qui justifie qu’il fasse toujours partie des big five. Là encore, quels solistes (le trompettiste Armando Ghitalla) et quels tutti, notamment chez les cordes et les cuivres avec les fameux Wagner-Tuben! La manière de filmer alterne les plans classiques (certaines vues d’ensemble étant particulièrement impressionnantes comme celle que l’on peut voir dans l’Adagio à compter de 37’) et une originalité qui consiste à diviser l’écran en deux pour montrer au spectateur-auditeur que la mélodie qu’il entend principalement à la clarinette est également jouée par le hautbois (à 3’26) ou que la flûte est soutenue par les contrebasses (à 10’55). Les témoignages filmés de Klaus Tennstedt ne sont pas légion: il convient d’apprécier celui-ci à sa juste mesure. Doté d’un charisme indéniable (à 20’45!), il s’élève avec le son, semblant parfois être en véritable état d’apesanteur comme dans l’Adagio qu’il conduit avec un naturel doublé d’une maîtrise tout à fait remarquables. La caméra qui le filme fréquemment de face nous permet ainsi d’apprécier une gestique tout en souplesse, qui contraste avec celle de Steinberg que l’on peut retrouver sur la dernière vidéo de la présente chronique.


Après le classique, l’attendu, voici en revanche un dernier DVD qui fait figure de véritable curiosité: William Steinberg qui dirige la Huitième Symphonie à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston. Même s’il avait à son répertoire d’autres symphonies de ce compositeur (notamment les Quatrième, Cinquième, Sixième et Septième), Steinberg ne fait pas partie des chefs auxquels on associe spontanément le maître de Saint-Florian. Dirigeant la Huitième dans l’édition établie par Schalk en 1892 (mais avec des coupures supplémentaires qui s’entendent de manière grossière, notamment dans le Finale), Steinberg l’aborde de façon extrêmement rapide, pliant donc l’affaire en à peine une heure, le quatrième mouvement faisant tout juste quatorze minutes, le troisième ayant été enlevé en un peu plus de vingt minutes! Evidemment, ce n’est pas le Bruckner auquel nous sommes habitués. Le Boston Symphony n’est pas encore familier de ce répertoire: cela s’entend. L’ensemble est très rapide, très sec (le Scherzo en particulier) et le caractère voluptueux (cinq contrebasses seulement), riche, épais même, de cette musique ne transparaît à aucun moment. L’intérêt est ailleurs: les images de Steinberg sont rares et il est étonnant de pouvoir ainsi disséquer sa direction, remarquable à plus d’un titre. Pas d’effusion mais une gestique très contrôlée, les poignets abaissant et relevant une longue baguette dont les musiciens éprouvent parfois du mal à comprendre toute la signification d’où quelques flottements de ci, de là. Pour de beaux exemples de la gestique de Steinberg, on regardera tout particulièrement le premier mouvement à 4’03 et à 11’35 et, là encore dans le Scherzo, à 15’16. En outre, le grand avantage de ce DVD est de voir un Orchestre symphonique de Boston où les légendes de la phalange font presque leurs débuts. Les gros plans ne laissent aucun doute: c’est bien Doriot Anthony Dwyer, première femme à avoir occupé ce poste, qui est la flûtiste solo, elle qui était entrée dans l’orchestre en 1952... 1952: date d’entrée également pour «le meilleur timbalier du monde» comme le surnommait Ozawa, Everett Vic Firth, que l’on voit œuvrer avec son élégance habituelle (dans le Scherzo à 27’15, au début ou à partir de 52’48 dans le dernier mouvement). C’est également l’occasion de croiser le clarinettiste solo d’origine italienne Gino Cioffi et le harpiste français Bernard Zighera (dans le troisième mouvement, à 30’40), qui passait également pour être un excellent pianiste, l’orchestre ayant été depuis longtemps le refuge de multiples nationalités, poussées à l’exil américain par la guerre et les persécutions. Bref, toute une époque...


Les concerts dédiés à Bruckner sont nombreux aujourd’hui et le mélomane a l’embarras du choix. Il ne manquera pas les quatre présentés ici qui, à plus d’un titre, sont tous des moments d’anthologie voire d’histoire. De bien belles leçons à retenir!


Sébastien Gauthier

 

 

 

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