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03/01/2000
Santiago de Murcia : Codex n°4, Mexico circa 1730
Rolf Lislevand, Ensemble Kapsberger 1 CD Astrée Naïve, E8661

Dans la tradition textuelle, la variation, l’improvisation, l’intervention vocale sont vécues comme une corruption. C’est toujours la tradition qui transmet le texte. En musique, le retour sur la musique ancienne a enterré une longue période de flottement quand à l’établissement du texte original. Ce flottement était d’ailleurs parallèle à une perception identique de l’interprétation. C’est donc tardivement, que le besoin de s’appuyer sur un véritable travail textuel et philologique s’est fait sentir. A l’inverse, en rupture, ou plutôt pour poursuivre plus loin la logique de ce courant, Rolf Lislevand propose une réinterprétation de certaines oeuvres appartenant à un champ bien particulier en se fondant sur l’improvisation pour retrouver ce texte original seulement imaginable. Le retour au urtext ne peut se faire que par la pratique instrumentale d’improvisation. Si la philologie musicale a rejoint l’exégèse des sources textuelles discursives, c’est par le biais d’un retour à l’improvisation que ce courant se poursuit. L’intervention de l’oralité (sous le signe de la subjectivité de l’interprète) joue à nouveau un rôle dans la méthode d’approche d’une partition. L’autorité auctoriale passe ainsi par-delà le texte, par l’invention, par la disposition propre du musicien. On rejoint la position d’un ami de Borgès qui affirmait que la tache la plus éminente n’est pas celle de l’auteur, mais celle du traducteur, puisqu’il arrive après celui-ci, comme pour peaufiner au dernier degré. C’est la lecture en filigrane qui donne la clef, l’arrière texte se fait texte.
Ainsi, pour Rolf Lislevand, multiculturalisme, joie musicale et improvisation résonnent dans une même exaltation sonore. Il l’avait déjà démontré dans un disque remarqué de Kapsberger et revient cette fois-ci à la charge avec le Codex de Santiago de Murcia. La coupure, le changement de régime rythmique, d’intensité sonore ; la vrille – dans une même torsade sonore, les instruments se projettent vers un même point – participent d’une dynamique identique. Avec une pratique vitaliste et généreuse de l’improvisation, Rolf Lislevand veut s’emparer à bras le corps de son objet. Dans ces effusions, chacun troque son essence : les cordes pincées se font percussions, l’orgue se transforme en flûte et les percussions en épices sonores. Toutefois, comme l’avait signalé Gustav Leonhardt, le disque, par son caractère définitif fixe et fige l’interprétation. C’est d’autant plus paradoxal dans le cas d’une telle improvisation : l’existence de l’oeuvre visée au départ ne s’accorde-t-elle pas assez mal de la fixation ?


Frédéric Gabriel

 

 

 

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