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12/09/2011
«Landscapes»
Toshio Hosokawa : Landscape V – Ceremonial Dance – Sakura for Otto Tomek – Cloud and Light

Mayumi Miyata (shô), Münchener Kammerorchester, Alexander Liebreich (direction)
Enregistré à la Himmelfahrtskirche de Munich (octobre 2009) – 55’52
ECM Records, ECM New Series 476 3938 (distribué par Universal) – Notice de présentation (en anglais) de Paul Griffiths





Le shô est l’élément unificateur de ce deuxième enregistrement ECM consacré à Toshio Hosokawa. Le shô, orgue à bouche japonais se joue sur la respiration aisée et naturelle – expiration, inspiration – du musicien et le son des accords qu’il produit, d’une douceur exquise, fait inexorablement penser à l’aspiration de Toru Takemitsu qui souhaitait atteindre le raffinement d’une création musicale proche du , du silence habité, tel le sentiment d’un vent léger dans les bambous d’un jardin japonais. C’est la musicienne Mayumi Miyata qui par sa conviction et sa prouesse a démontré les possibilités qu’offre le shô à la musique purement occidentale et des compositeurs tels Cage, Huber, Lachenmann ou Méfano l’ont intégré à certaines de leurs compositions. Toutefois, la musique de Hosokawa, qui compose selon les mêmes normes, reste profondément japonaise dans son essence.


Trois des quatre œuvres de ce programme, composées à l’intention de l’excellente Miyata, sont avec shô ou pour shô seul, la quatrième, Ceremonial Dance (2000) est pour orchestre à cordes. Si le type d’accord et le recours au silence évoquent le shô, instrument important du gagaku, l’ambitus s’élargit, les techniques de jeu varient de strate en strate et la puissance et la netteté du trait se dessinent à travers de différents groupes d’accords ascendants qui fusent tels des oiseaux à l’essor, guidés par un apparent hasard. Bien que parfois à pic au contraire des autres pièces, Ceremonial Dance s’intègre parfaitement à cet élégant ensemble sans doute par ses références indirectes à l’orchestre de cour, le gagaku, les rythmes croisés ou empilés, et aux mouvements lents et décidés des danseurs gagaku, différents pour chaque participant, tous aux pieds bien terriens mais au corps aérien à l’expressivité affirmée.


Fondé sur un air traditionnel, Sakura für Otto Tomek (2008) pour shô seul permet d’apprécier plus à fond, lors des pièces concertantes, l’habileté de facture qui met en valeur le shô si discret au sein de l’orchestre. En effet, Sakura permet d’entendre et d’apprécier inaltérées les caractéristiques et l’extrême douceur de cet instrument céleste aux accords serrés et aux fines sonorités étirées et délicates. Irisations, frémissements, modulations dans la verticalité s’évanouissent pour mieux renaître, créant une impression de lumière tremblante et paisible comme une luminosité poétique à travers les fins pétales des fleurs de cerisier de son titre qu’un zéphyr trouble à peine.


La première œuvre par ordre chronologique est la cinquième des six pièces du cycle Landscape écrit entre 1992 et 1994 principalement pour quatuor à cordes seul ou avec soliste. Landscape V (1993) est pour shô et quatuor mais à l’instar de Landscape III qui met le violon en relief grâce à l’orchestre, Hosokawa présente ici une nouvelle version élargie pour shô et orchestre à cordes. On peut préférer l’original, plus austère par l’effectif et par le vibrato sérieusement réduit comme en témoigne le Quatuor Arditti qui l’enregistra avec Miyata dès 1993, mais les esthétiques de jeu évoluent et on accueille avec plaisir la beauté nacrée de la version élargie, les cordes elles-mêmes comme un shô bien que de tempérament plus vigoureux aux traits parfois rageurs ou interrogatifs. Comme la mer étincelante se brise sans cesse en écume «ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre», ainsi scintille, dérive et déferle l’envoûtante partition du maître japonais de nouveau au sommet de son art aux multiples visages.


Alexander Liebreich et l’Orchestre de chambre de Munich pénètrent avec tout autant de sensibilité et de compréhension en profondeur le raffinement musical de Cloud and Light (2008). Cette fois, l’écrin, le reflet et le compagnon d’armes du shô est l’orchestre symphonique, léger en bois mais riche en cuivres et en percussions graves et cristallines. Comme le titre l’indique, la lumière fugace et l’errance des nuages inspirent la composition mais elle reste une abstraction poétique, méditative peut-être mais contrariée à l’occasion, et surtout révélatrice d’une recherche très poussée de couleurs fortes ou diaphanes, compléments ou adversaires de celles du shô. Le mouvement orchestral reprend souvent la respiration du shô créant une impression de lenteur ou de statisme aussitôt contredit par un grondement orageux, une turbulence soudaine ou, de manière plus générale, par une mobilité instrumentale individualisée, chacun contribuant aux étirements impalpables de l’ensemble ou s’y élevant en opposition fugitive.


Les quatre œuvres sont d’une grande beauté mais leur statisme apparent si peu occidental pourrait en détourner certains mélomanes s’ils se soustraient à l’intense activité verticale. Tous peuvent être sensibles à la poésie communicative de ces pièces, bien servies par une prise de son remarquable qui capte l’ambiance claire de l’église munichoise sans excès de brillance, sans réverbération et sans sécheresse.


Le site de l’Orchestre de chambre de Munich


Christine Labroche

 

 

 

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