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10/23/2011
Jonathan Harvey : Quatuors à cordes (intégrale) – Trio à cordes

Quatuor Arditti: Irvine Arditti, Ashot Sarkissjan (violon), Ralf Ehlers (alto), Lucas Fels (violoncelle), Gilbert Nouno (réalisation informatique musicale)
Enregistré au Rosbaud Studio SWR, Baden Baden (10-14 décembre 2007) – 94’29
Album de deux disques Aeon AECD 0975 (distribué par Outhere) – Notices en anglais (Arnold Whittall), en français (Pierre Rigaudière) et en allemand (Björn Gottstein)





Les quatre Quatuors à cordes de Jonathan Harvey (né en 1939) furent composés à l’intention du Quatuor Arditti dont la présence, les qualités et l’ouverture d’esprit restent pour le compositeur britannique, depuis 1977, «une source d’inspiration inépuisable». Les Arditti, créateurs des quatre, n’avaient cependant enregistré que les Premier et Deuxième. On accueille donc avec plaisir leur initiative qui les réunit ici dans un même souci esthétique. En effet, les quatre exécutions relèvent d’une entreprise unique sur cinq jours, le Quatuor dans sa formation la plus récente (2005), Irvine Arditti, premier violon, son bastion indéfectible.


Les quatre partitions jalonnent le parcours de Harvey de 1977 à 2003. C’est un corpus d’une grande finesse qui marque les temps forts de l’évolution de sa conception philosophique voire mystique de l’art parallèlement à celle des lignes directrices de ses méticuleuses recherches musicales. Qu’il intègre à son écriture des éléments des courants sériel, modal (messiaenique), microtonal, spectral ou électroacoustique selon ses préoccupations stylistiques, il imprime à son œuvre un style personnel marqué par la mobilité, la cellule mélodique, fragmentée, sous-jacente ou radieusement épanouie, et un registre grave absent ou acteur, rarement réduit à un rôle classique de soutien. Le Premier Quatuor reflète l’anthroposophie de Rudolf Steiner qui conduit au monde de l’esprit par une focalisation sur une note unique et son aura spectrale, la veine mélodique qui en naît tendue, déstructurée puis lumineuse, les grands intervalles fugitivement de caractère messiaenique. Le Deuxième(1988), lyriquement microtonal et solidement structuré en arche, se teinte en son centre des traditions méditatives bouddhistes devenues si importantes pour Harvey et le Troisième (1995), très mobile, aux fines sonorités richement recherchées, témoigne de son intérêt croissant pour les principes de l’électroacoustique qui irriguent son écriture encore purement instrumentale. Le Quatrième, spatialisé, fait directement appel à un dispositif électronique en temps réel pour dialoguer avec son ombre double.


Souvent librement contrapuntiques et très mobiles, les quatre pièces exigent une grande rapidité d’exécution et un rare sens du phrasé. Le Quatuor Arditti vient admirablement à bout des défis techniques du Premier Quatuor, tant des désynchronisations et des oppositions timbrales que des traits qui fusent, scintillent, claquent ou s’étirent. On remarque à plusieurs reprises le beau violoncelle de Lucas Fels, saisissant lors d’une brève scordatura qui donne un grave profond de prodigieux effet. Le Deuxième Quatuor, éloquent, ou dansant et espiègle, exige beaucoup d’expressivité, certains accords et certains objets sonores rapidement enchaînés et mis en relief grâce à des indications d’intensité assez inhabituelles («Hot. Cold. Warm. Cool», parfois au comparatif). De toute apparence, les Arditti s’adaptent au jeu tout comme ils réussissent à varier l’éclairage qu’ils donnent au thème mélodique à large ambitus en appliquant les indications «with masculine personality», «with feminine personality». Le violoncelle ressort de nouveau, cette fois dans la partie centrale dans un doux suraigu flautando porté sur les trémolos magiques des autres instruments. Irvine Arditti lance la course fragmentée d’un Troisième mobile par des motifs arpégés d’une légèreté aérienne. Les exigences techniques parfois innovatrices, la palette irisée et les motifs brisés requièrent une attention de tout instant accordée avec maîtrise par les quatre musiciens qui en donnent une interprétation brillante, nuancée, délicate et pleine d’un charme aux paraphes fantasques.


D’une durée double des trois autres, le Quatrième, d’une grande complexité compositionnelle, nécessite un dispositif électronique en temps réel et de six à huit haut-parleurs qui spatialisent le son. Aussitôt, on est en droit de penser que le disque ne peut vraiment lui rendre justice mais on se repaît déjà ce que l’on entend. L’œuvre est en cinq cycles, chacun sortant d’un silence troublé pour emprunter un chemin ardu vers la lumière (céleste ou nirvanique), atteinte seulement lors du dernier volet. C’est une quête mystique - Harvey lui-même évoque une «expérience métaphysique» - mais c’est en premier lieu une œuvre de musique absolue aux beautés fulgurantes et aux audaces infinies. C’est un tissu sonore mouvant et agité aux traits inattendus qui fusent et se fragmentent, les trémolos fréquents d’une énergie rare. De brefs motifs mélodiques se fêlent et s’évanouissent mais c’est un épanouissement mélodique qui illumine le cinquième cycle, splendide, le thème, orné ou énoncé en relais à quatre, s’élevant in fine du grave pour culminer dans l’évanescence d’un doux suraigu filé. Les Arditti ont bénéficié du concours de l’excellent Gilbert Nouno, essentiel, mais leur autorité, leur maîtrise, leur entente et leur conviction ne peuvent que forcer l’admiration.


En complément de cette intégrale vient l’unique Trio à cordes de Jonathan Harvey, composé en 2004. C’est une surprise dans la mesure où l’on entend au début comme une lourde danse bucolique au rythme marqué et aux motifs un rien décalés qui émerge d’une brève séance d’accordage, une corde du violon et de l’alto en scordatura. Le climat glisse aussitôt vers un fervent sentiment religieux mais le rustique se manifeste par éclats ou en écho grâce à une polyrythmie fragmentée et à des techniques de jeu telles le slap ou le tapping. Opposant le sacré à un mouvement villageois, c’est un contrepoint original d’éléments contrastés dont la mise en place délicate n’est réussie que par la musicalité et la maîtrise des trois musiciens, en harmonie qu’en fin de parcours pour exprimer une transcendante allégresse.


Le site de Jonathan Harvey
Le site du Quatuor Arditti


Christine Labroche

 

 

 

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