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10/20/2011
Johann Sebastian Bach : Die Kunst der Fuge, BWV 1080
Léon Berben (orgue)
Enregistré en l’église St. Marien d’Angermünde (septembre 2010) – 79’
CD Ramée RAM 1106 (distribué par Outhere)





Léon Berben passe pour une valeur sûre dans le monde de la musique ancienne, où on a pu le voir longtemps apparaître comme principal claveciniste de l’ensemble Musica Antiqua Köln. D’après la notice de présentation de ce CD son répertoire s’étend (sic) de 1550 à 1750 avec de surcroît une sous-spécialisation dans la musique allemande, les virginalistes et Sweelinck : un musicien extrêmement pointu auquel il faut reconnaître une compétence sans faille, y compris dans cette musique de Bach abordée ici théoriquement, au moins pour un tel interprète, comme un sommet d’apparente modernité !


Berben est professeur à la Musikhochschule de Rostock, à l’extrême Nord-Est d’une Allemagne au patrimoine historique peu connu mais riche. Un monde architectural où la brique est reine et où les églises gothiques affichent de loin leurs couleurs rougeâtres et leur pureté de ligne monumentale. La Marienkirche de la petite ville d’Angermünde est de celles-ci, avec à l’intérieur un orgue historique extraordinaire, joyau de la production du facteur allemand Joachim Wagner, communément appelé le Silbermann du Brandebourg, référence à un facteur contemporain de Bach plus connu dans nos contrées. Il s’agit d’un instrument resté dans un état de conservation étonnant et en l’occurrence construit quasi-exactement à l’époque où Bach a composé L’Art de la fugue. La prise de son soignée de ce nouvel enregistrement rend bien justice à la très grande variété de couleurs de cet orgue exceptionnel qui malgré son caractère historique procure aussi une très grande impression de confort (on notera simplement quelques problèmes de régularité de soufflerie quand trop de jeux sont sollicités en même temps). Et puis, ô surprise pour un instrument historique, on apprécie un diapason qui n’a rien de baroque, avec pour résultat un ré mineur unificateur de L’Art de la fugue qui sonne comme un vrai mineur, et non pas un recueil échafaudé en entier sur une tonique de que l’on perçoit au mieux comme un vague do dièse un peu faux. Vieille polémique, certes, mais en l’occurrence c’est bien l’instrument qui impose ici des conditions d’accord dont l’apparente légitimité nous ravit.


Cet enregistrement de L’Art de la fugue tient sur un seul CD bien rempli, ce qui atteste indirectement de tempi rapides. Léon Berben, soucieux d’accessibilité, fait effectivement défiler le recueil à bonne allure, allant qui ne perturbe en rien la rigueur architecturale de la conception. L’austérité relative de l’ensemble demeure (il ne s’agira jamais d’une musique facile) mais elle paraît tempérée par l’élan des phrasés (une vivacité qui n’exclut pas certaines césures inattendues, moments d’aphasie brefs d’une théâtralité clairement baroque, recevables car disséminés sans systématisme aucun). On notera aussi l’ordre des pièces retenu, un peu fantaisiste par rapport au relatif consensus musicologique actuel, avec les canons non plus laissés en recueil mais interpolés à intervalles réguliers, en position 5, 9, 14 et 19, ce qui ménage des pauses un peu plus ludiques, moments d’allègement très relatifs certes mais réels, au milieu de constructions de plus en plus monumentales. Une fois acclimaté on parvient même à ressentir un véritable agrément d’écoute, ce qui n’est quand même pas si fréquent dans cette œuvre austère. L’évidence paraît en tout cas davantage au rendez-vous ici que dans la récente interprétation de Bernard Foccroule (Ricercar), desservie par une prise de son trop globale, même si l’instrument choisi est lui aussi très beau (l’orgue de l’Eglise du Bouclier à Strasbourg, de facture moderne mais d’inspiration ouvertement baroque, jeux d’une piquante verdeur et diapason dogmatique inclus).


Et puis... si l’on est passionné par le sujet (L’Art de la fugue, sous ses dehors rébarbatifs, est plus addictogène qu’il n’y paraît) et si l’orgue (pourtant un instrument idéal pour cette œuvre complexe) ne suffit plus, rien n’empêche d’élargir le cadre ensuite. Les clavecinistes ne manqueront jamais une occasion de revendiquer ce recueil haut et fort (encore que son exécution avec seulement dix doigts paraisse difficilement envisageable à certains endroits). Les versions qu’ils proposent surabondent et feront le bonheur de ceux que ce type de ferraillement jusqu’au boutiste ne dissuade pas. Les pianistes s’aventurent quant à eux de plus en plus dans cette cathédrale en y imposant une expressivité différente, souvent fantaisiste d’ailleurs (avec des ralentissements de tempo et des couleurs parfois debussystes de belle allure… mais pourquoi pas ?). Et puis après, on peut oser carrément l’aventure, avec à nouveau de belles découvertes à la clé. On peut certes ignorer l’accordéon (encore que…) mais les lisibilités différentes d’un vigoureux ensembles de cuivres (les roboratifs Canadian Brass), d’un quatuor à cordes (les Keller ou les Juilliard) voire de l’orchestre (la belle instrumentation du chef Erich Bergel, alternative intéressante au très ascétique enregistrement Scherchen) ne manquent pas non plus d’intérêt.


Le site de Léon Berben


Laurent Barthel

 

 

 

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