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08/19/2011
«Rachmaninoff plays Rachmaninoff»
Serge Rachmaninov : Prélude, opus 3 n° 2 – Deux Etudes-tableaux, opus 33 n° 2 et opus 33 n° 7 – Moment musical, opus 16 n° 2 – Margaritki, opus 38 n° 3
Fritz Kreisler : Liebesleid – Liebesfreud (transcriptions: Rachmaninov)
Nikolai Rimsky-Korsakov : Le Vol du bourdon (transcription: Rachmaninov)
Felix Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été, opus 61: «Scherzo» (transcription: Rachmaninov)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Berceuse, opus 16 n° 1 (transcription: Rachmaninov)
Johann Sebastian Bach : Partita pour violon n° 3, BWV 1006: «Prélude», «Gavotte en rondeau» et «Gigue» (transcription: Rachmaninov)

Serge Rachmaninov (piano)
Enregistré au Kenan Recital Hall, Peace College, Raleigh, Caroline du Nord (13 avril 2009) à partir d’enregistrements réalisés par l’interprète à New York et à Hollywood (1921-1942) – 78’26
Sony RCA Red Seal 88697489712 – Notice de présentation en anglais






«The Welte-Mignon Mystery vol. XVII»
Johann Sebastian Bach : Das Wohltemperierte Klavier (Première partie): Préludes et fugues n° 4, BWV 849, n° 5, BWV 850 et n° 22, BWV 867
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 7, opus 10 n° 3, n° 8, opus 13 «Pathétique», et n° 31, opus 110
Wolfgang Amadeus Mozart : Fantaisie, K 396 (arrangement: Maximilian Stadler) – Concerto pour piano et orchestre n° 22, K 482: «Andante» (transcription pour piano seul) – Romanze, K Anh. 205 «Célèbre romance»

Edwin Fischer (piano)
Enregistré en 2010 à partir de rouleaux Welte-Mignon (1909 et 1923) – 107’45
Double album Tacet 181 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





«The Welte-Mignon Mystery vol. XI»
Frédéric Chopin : Mazurkas n° 21, opus 30 n° 4, n° 40, opus 63 n° 2, et n° 41, opus 63 n°3 – Deux Etudes, opus 10 n° 5 et n° 8
Serge Rachmaninov : Préludes n° 6, opus 23 n° 5, n° 16, opus 32 n° 5, et n° 23, opus 32 n° 12
Vladimir Horowitz : Fantaisie virtuose sur des thèmes de «Carmen» – Moment exotique (Danse excentrique)
Franz Liszt : Valse oubliée n° 1 – Fantaisie sur «Le nozze di Figaro» (arrangement: Busoni)
Franz Schubert : Schwanengesang, D 957 n° 1: «Liebesbotschaft» (transcription: Liszt)
Johann Sebastian Bach: Prélude et fugue, BWV 532 – Toccata, Adagio et Fugue, BWV 564 (arrangements: Busoni)

Vladimir Horowitz (piano)
Enregistré en 2008 à partir de rouleaux Welte-Mignon (1926) – 69’06
Tacet 138 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





En dépoussiérant ou en réenregistrant – avec des moyens modernes – les témoignages sonores de grands artistes du passé, les ingénieurs du son et les éditeurs tenteraient-ils de nous faire prendre des vessies pour des lanternes? C’est la question qu’on peut légitimement se poser à chaque parution d’un disque dépoussiéré ou remasterisé. L’ambition de Sony est plus grande encore, un autocollant sur la pochette annonçant même «un vrai nouvel enregistrement de Rachmaninov pianiste! Pour la première fois en stéréo/24bits-96Khz/surround. Un résultat simplement hallucinant». Et c’est bien ce qu’offre ce CD publié sous label RCA Red Seal, grâce à la technologie «Zenph re-performance». Partant des enregistrements réalisés par Serge Rachmaninov (1873-1943) entre octobre 1921 et février 1942 pour Edison et Victor, la technique employée repose sur une numérisation ultrasophistiquée de tous les paramètres d’exécution (mécaniques, physiques, mais aussi musicaux), puis sur la reproduction exacte de la même interprétation sur un piano jouant seul. Produit par Steven Epstein, le présent enregistrement fut ainsi réalisé en 2009 sur un Steinway D de 1909, puis légèrement corrigé après une écoute comparée avec les galettes d’avant-guerre (l’éditeur évoque d’«infimes ajustements» et le concours critique des «plus grands spécialistes» de Rachmaninov). Comme on peut s’en rendre compte sur le site de Zenph, la comparaison avant/après du Liebesleid (Kreisler) d’octobre 1921 est assez spectaculaire.


On retrouve ainsi, avec un confort acoustique inouï, des trésors bien connus de patrimoine discographique de l’artiste russe. A commencer par l’interprétation de ses propres œuvres, rendue avec une légèreté et une subtilité qui contrastent avec les excès (en rubato, en puissance sonore, en virtuosité...) dont elles sont souvent victimes. Si tous ces témoignages présentent un caractère historique évident, on regrette que seules treize petites pièces (d’une durée comprise entre une et cinq minutes) nous soient ainsi rendues dans un son proche de la perfection – et non pas des chefs-d’œuvre plus consistants dans le répertoire de l’interprète (notamment ses Chopin). On avoue également que la duplication de chaque plage en deux versions (stéréo pour enceintes et stéréo pour une écoute au casque) n’offre pas de plus-value décisive. Pour le reste, le mélomane souhaitant découvrir le piano de Serge Rachmaninov devra se diriger vers ce disque décapé – sinon décapant.


La tentation était grande de comparer la technologie Zenph avec celle utilisée par Tacet pour exploiter les fameux rouleaux Welte-Mignon. Depuis le volume I, consacré à Granados, la collection s’est enrichie de nombre de témoignages d’artistes de légende ayant, en leur temps, fait le chemin jusqu’au studio d’enregistrement Welte-Mignon (à partir de 1904): Ravel, Debussy, Mahler, Grieg, Saint-Saëns, Reger, Strauss... Le dernier volume publié exploite l’empreinte laissée par Edwin Fischer (1886-1960) au début du siècle dernier. Le doute plane d’ailleurs sur la date à laquelle le pianiste suisse grava ces rouleaux: le 2 juillet 1923, comme l’interprète le consigna dans ses notes personnelles (c’est-à-dire à l’âge de trente-six ans), ou en 1909, comme le laisse accroire leur numérotation dans le catalogue Welte-Mignon (c’est-à-dire à l’âge de vingt-deux ou vingt-trois ans, à une époque située entre la première apparition en soliste dans le Deuxième Concerto d’Eugen d’Albert, le 21 décembre 1906 sous la direction du compositeur, et les débuts londoniens de 1913). La seule certitude est qu’il s’agit là du «témoignage sonore» le plus ancien laissé par Edwin Fischer.


Ce volume XVII propose quelques piliers du répertoire du pianiste. Dans Bach d’abord, la comparaison est inévitable avec les gravures de studio réalisées à Abbey Road en avril 1933 dans le cadre de la célèbre intégrale d’EMI. Prenons les Quatrième et Vingt-deuxième Préludes et Fugues par exemple. Les différences de durée étonnent d’emblée: presque neuf minutes pour le BWV 849 en 1923 (ou 1909) contre sept minutes vingt en 1933; le même fossé pour le BWV 867 (près d’une minute de plus chez Welte-Mignon). Le travail de Tacet révèle ensuite un incontestable confort sonore, avec une résonance d’une exceptionnelle qualité technique et une belle richesse harmonique. Mais tout ce qui fait le prix de l’intégrale des années 1930 (un discours en mouvement permanent, une subtilité inouïe des timbres, une maîtrise absolue des nuances...) ne se retrouve presque jamais dans le Welte-Mignon. On déplore même, malgré la lenteur du tempo, un manque de régularité dans le Cinquième Prélude et Fugue.


La faute à la jeunesse de l’interprète ou à l’imperfection technologique de la résurrection du jeu d’Edwin Fischer? Probablement aux deux, le défaut le plus grave du Welte-Mignon cuvée 2010 étant l’absence de legato. De ce point de vue, les sonates de Beethoven sont pathétiques... à commencer par l’Opus 13: un Grave traînant, exagérément pesant; un Allegro si mollasse et haché qu’il en devient presque comique; un Adagio soporifique; un Rondo instable. La Septième Sonate est moins affligeante, avec son Largo e mesto auguste et touchant et sa retenue générale qui apporte une certaine fraîcheur mozartienne. On reste loin, en revanche, des grandes versions beethovéniennes (Gulda, Gilels, Richter, Kovacevich...). On s’en éloigne encore davantage avec un Opus 110 comme déchiffré par une main hésitante et sans souffle. En plus de vingt-et-une minutes, cette avant-dernière sonate de Beethoven est une épreuve. Où sont passées l’inspiration puissante et l’humanité généreuse du Fischer des années 1930? L’enregistrement réalisé le 8 novembre 1938 dans les studios d’Abbey Road, à Londres, reste donc préférable, le pianiste exécutant l’œuvre à un tempo plus présentable (... et en quatre minutes de moins que sur les rouleaux Welte-Mignon). Au total, on ne peut se départir du sentiment désagréable qu’une machine tente de reproduire le poids de la chair et du muscle sans y parvenir vraiment. On continuera donc de vénérer Edwin Fischer au travers de ses enregistrements électriques.


Est-ce le style de l’interprète (une virtuosité puissante et sonore), la technique de reproduction acoustique (en 1926, Horowitz est le dernier pianiste, avec Rudolf Serkin en 1928, à avoir laissé son empreinte chez Welte-Mignon) ou le choix du répertoire (des pièces de salon aux dimensions plus modestes) qui donnent le sentiment que le volume XI, consacré à Vladimir Horowitz (1903-1989), est plus convaincant? On y perçoit davantage, en effet, le piano malicieux – voire maléfique – du pianiste américain d’origine ukrainienne, dans sa Carmen-Fantasie ou dans le doigté fabuleux de l’Etude de Chopin dite des «touches noires». On est touché par la puissante élévation de l’Adagio du tryptique Toccata, Adagio et Fugue de Bach arrangé par Busoni. De même, la «Figaro-Fantasie» (Liszt/Busoni) d’après Mozart révèle une fabuleuse maîtrise du grand format. Le témoignage est d’autant plus intéressant qu’il s’agit là – comme le souligne la notice – des tout premiers documents sonores qui existent de Vladimir Horowitz. Toujours est-il que, dans le détail, ce piano reste un peu mécanique, souvent précipité, avare en legato et en nuances, pas complètement «mûri» en somme.


Malgré la prouesse technologique et la clairvoyance éditoriale de Tacet, les vieilles galettes, les bandes radios, les enregistrements grésillants... demeurent la source première de découverte de l’art de l’interprétation des pianistes de légende du début du XXe siècle. En tout cas, la comparaison tourne très clairement à l’avantage de la technologie Zenph. Signalons néanmoins que, si l’album Sony ne comporte pas de traduction française de la notice, on ne félicite pas pour autant Stephan Lung pour son improbable et très paresseuse traduction des textes (pourtant passionnants) de Christian Schaper dans l’édition Tacet.


Le compte de Zenph sur Twitter


Gilles d’Heyres

 

 

 

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