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07/12/2011
«Ombra felice»
Régis Campo : Quatuors n° 1 «Les Heures maléfiques», n° 2 et n° 3 «Ombra felice» – The Life & Soul of His Imagined Landscape

Quatuor Diotima: Naaman Sluchin, Yun-Peng Zhao (violon), Franck Chevalier (alto), Pierre Morlet (violoncelle)
Enregistré à Radio France, Paris (4-6 décembre 2010) – 64’12
Signature - Radio France SIG 11070 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français et en anglais





«Ombra felice», sous-titre mozartien du troisième Quatuor à cordes de Régis Campo, est le titre donné au programme monographique de l’excellent Quatuor Diotima qui réunit ici les trois premiers Quatuors du compositeur marseillais (né en 1968) et une pièce pour trois quatuors en re-recording. Le titre est heureux dans la mesure où il semble résumer à lui seul l’attitude de Régis Campo face au quatuor et face à la composition en général. C’est ainsi que Campo brigue une filiation avec Beethoven, celui des derniers quatuors, qui «en dépit d’un délabrement moral et physique à la fin de sa vie, a livré d’épuisantes batailles pour la gloire de l’art: nous savons combien il a conquis l’ultime joie dans sa souffrance. De manière très actuelle, Beethoven guide plus encore toute notre jeune génération vers l’accomplissement d’œuvres nouvelles tendant vers la joie, le mouvement et la paix commune». On peut adhérer à cette interprétation ou la contester mais il reste néanmoins clair que Régis Campo cherche à mettre sa vision en application dans ses propres œuvres.


Les trois Quatuors forment une trilogie d’ombres et de lumières, le Premier «Les Heures maléfiques» (2005-2007), un permanent fondu-enchaîné de rythmes sur le plan autant vertical qu’horizontal, le Deuxième (2006), le masque et le contre-masque d’une vive commedia dell’arte aux références mozartiennes, et le Troisième «Ombra felice» (2007), deux mouvements lents aux allures de nocturne à la fois inquiet et paisible. Régis Campo revendique un combat allègre contre «un début de millénaire trop pessimiste à [son] goût», une «empathie avec les diverses périodes de l’histoire de la musique» et un «goût joyeux pour la transgression des codes», une profession de foi, si l’on veut, que ne démentent pas ses trois Quatuors bien agréables à l’écoute et sans audace apparente, aucun de structure classique, les deux premiers en un seul mouvement. Le solaire domine les trois, les frêles lumières crépusculaires des deux Adagios un vibrant espoir de paix intérieure et une promesse d’aube. Au fur et à mesure de la composition, de 2005 à 2007, les attaques, les rythmes et la vivacité s’estompent et, si l’on peut toujours constater une certaine polyphonie, si la polyrythmie subsiste, le caractère répétitif des motifs superposés augmente et les harmoniques évoquent d’une manière croissante celles d’un immense accordéon de concert aux subtilités de shô. En 2009 la tendance culmine en un mouvement pour trois quatuors à la limite du minimalisme et aux effets d’accordéon accrus: The Life & Soul of His Imagined Landscape donne néanmoins une impression de recherche de synthèse par rapport aux trois Quatuors proprement dits, les deux premiers ici fondus dans un continuo piquant mais hypnotique, presqu’aussi immuable qu’une boîte à rythmes, et le troisième dans un planant principal.


Le Quatuor Diotima s’attaque avec superbe à cet ensemble sans doute techniquement exigeant, y établissant un relief musical du plus heureux effet. La maîtrise des quatre musiciens magnifie la cohérence du propos et leur grande musicalité en exalte l’adresse. Le caractère propre de chaque partition bénéficie de leur prouesse technique: ils domptent avec art les strates rythmiques aux tempos différents qui évoluent dans un morphing aussi «maléfique» que les Heures...; les fragments mozartiens recomposés du Deuxième Quatuor se plient avec grâce à leurs archets ludiques et leurs doigts agiles; Ombra felice respire par le filtre de leur grande sensibilité intérieure. En général, et jusqu’à la courte pièce en re-recording qui, de prime abord, peut sembler manquer de densité discursive, ils livrent tout le potentiel de chaque œuvre, leur interprétation échafaudée et construite avec la grande rigueur nécessaire.


Hormis le curriculum vitae des artistes concernés, la notice fournit peu de précisions quant aux œuvres présentées et à leur interprétation. On peut le regretter. L’article principal, «Vertige(s)», garde cependant une valeur propre. C’est un court essai poétique de l’architecte et paysagiste Nicolas Gilsoul, qui souligne avec art et conviction les correspondances entre la musique et l’architecture, le cinéma et les merveilleux jardins japonais tout en livrant ses impressions – poétiques toujours – sur les quatre pièces pour quatuor de son ami Régis Campo.


La prestation des Diotima est déjà une raison suffisante pour aborder ce programme qui semble pleinement correspondre aux idées et à l’esthétique du compositeur. Ils en donnent une lecture admirablement détaillée et les écouter est un rare plaisir.


Le site du Quatuor Diotima


Christine Labroche

 

 

 

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