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05/30/2011
Giuseppe Verdi : Macbeth
Dimitris Tiliakos (Macbeth), Ferruccio Furlanetto (Banco), Violeta Urmana (Lady Macbeth), Letitia Singleton (Dama di Lady Macbeth), Stefano Secco (Macduff), Alferdo Nirgro (Malcolm), Yuri Kissin (Medico/Domestico), Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Teodor Currentzis (direction), Dmitri Tcherniakov (mise en scène), Andy Sommer (réalisation)
Enregistré à Paris en avril 2009 – 161’ + 33’ (bonus)
BelAir BAC 054. Format : 6:9. Region code : 0 (worldwide). Présentation trilingue.






Nous l’aimons toujours, ce Macbeth qui avait fait couler beaucoup d’encre – la captation ignore les huées qu’avait essuyées Dmitri Tcherniakov (voir ici). Plus de sorcières, une foule ordinaire, celle d’une cité bien triste, de l’Amérique ou de la Russie d’aujourd’hui : elle tuera Banquo avant d’éliminer Macbeth. C’est le quotidien de la dictature, incarnée ici par un couple de parvenus paradant dans sa belle villa, où la femme a quelque chose de maternel, l’homme d’immature – on comprend qu’il chante son air du dernier acte lové sur la table de la salle à manger. Lecture plus sociale que métaphysique, qui refuse le mythe, où les tyrans sont pitoyables quand ils ne sont pas ridicules – le brindisi se transforme en séance de prestidigitation dérisoire. Personne ne pleure sur un Duncan aux airs de mafieux sadique. La joie du peuple, d’ailleurs, sonne faux : quel régime naîtra de la mort des Macbeth ? L’usage systématique de la vidéo peut agacer, comme si l’on cherchait le plan d’un quartier sur son ordinateur, comme si l’écran où le metteur en scène cloître les deux protagonistes était celui d’une mauvaise série télévisée – le chœur, du coup, disparaît parfois. Mais nul ne contestera la direction d’acteurs, d’une précision, d’une profondeur peu communes – les gros plans révèlent à quel point tout est pensé au millimètre, jusqu’à cette femme horrifiée, secouée de sanglots pendant l’air de Macduff. Et Tcherniakov, s’il en prend à son aise avec la lettre shakespearienne, nous raconte encore Macbeth, lui qui, à Aix, oubliera Don Giovanni et, à Munich, ignorera les Carmélites.


Aussi agité du bonnet que des bras, le jeune et bouillant Teodor Currentzis met le feu à la baraque, renouant avec la tradition des grands chefs de théâtre inspirés, à une époque souvent plus portée sur l’exactitude millimétrée. Le bruit et la fureur shakespearienne, le Risorgimento également. Mais s’il le galvanise, il tient son orchestre – aussi superbe que le chœur – et sait aussi modeler ses phrasés – l’introduction à la scène de somnambulisme, par exemple. On pourra seulement, avec le recul, trouver cette direction vif argent parfois un peu facile, un peu superficielle, comme dans la seconde scène des sorcières, un rien décousue. Violeta Urmana ? Du solide plus que du raffiné : pour l’authenticité du grand chant verdien, il faudra chercher ailleurs. La voix a tendance à bouger, le timbre manque de couleurs ; cela dit, elle assure, une fois passé le premier air, assez hasardeux, avec des vocalises impossibles dans la cabalette. Et elle assure tout, la colorature du Brindisi comme les hallucinations du somnambulisme – sans le contre- bémol, pourtant rien moins que gratuit. Dimitris Tiliakos assure, lui aussi, plus qu’il ne satisfait vraiment, malgré de belles nuances, surtout au dernier acte. La voix, qui a du bronze, s’ouvre trop dans les aigus, n’affine pas assez la ligne de chant : tout cela semble encore trop vert. Or elle et lui sont tellement pris en main par le metteur en scène, tellement vivants, tellement humains, tellement dépassés qu’il leur est beaucoup pardonné – cela dit, des décennies d’interprétation l’ont prouvé, les meilleurs restent toujours les mieux chantants. Dira-t-on que le beau chant s’incarne en Ferruccio Furlanetto et en Stefano Secco, malgré la fatigue du premier et le vibrato serré du second ? C’est très bien, mais c’est aussi la moindre des choses pour Banquo et Macduff, dont les apparitions restent limitées.


Ce Macbeth est un mixte entre la version de 1847, avec l’arioso final du héros, et celle de 1865, sans le ballet et le chœur des esprits aériens. Un Macbeth dérangeant et excitant, comme tant de productions de l’ère Mortier – les temps, depuis, ont bien changé.


Didier van Moere

 

 

 

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