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05/08/2011
«Wien 1925»
Alban Berg : Kammerkonzert
Johann Strauss : Schatzwalzer, opus 418 (arrangement Anton Webern) – Rosen aus dem Süden, opus 388 (arrangement Arnold Schönberg)

Marie-Josèphe Jude (piano), François-Marie Drieux (violon), Orchestre Poitou-Charentes, Jean-François Heisser (direction)
Enregistré au TAP de Poitiers (octobre 2010) – 55’11
Mirare MIR 133 (distribué par Harmonia mundi) – Notice (en français, anglais et allemand) de Jean-François Heisser





Directeur artistique de l’Orchestre Poitou-Charentes (OPC) depuis mars 2000, Jean-François Heisser, tout en maintenant le répertoire classique et les explorations contemporaines, encourage cette formation vers un répertoire plus systématiquement élargi, généreusement ouvert sur le XXe siècle de Martinů à Manoury et au-delà, ce qui semble être bien dans les compétences de l’OPC comme en témoigne l’originalité bien reçue de certains de leurs concerts. Sous le titre «Wien 1925», Jean-François Heisser et ses musiciens, en petite formation, présentent ici un programme dédié à la deuxième Ecole de Vienne.


Le rythme ternaire revisité par chaque membre de la trinité viennoise est l’élément qui relie les trois œuvres inscrites au programme. «Aller guten Dinge sind drei» pensait Alban Berg, et le moment essentiel de ce disque, son Concerto de chambre, œuvre-phare du siècle dernier, porte cette devise en exergue et va en toute logique par trois: trois pôles instrumentaux (clavier, violon, vents), trois mouvements, chacun à trois volets et à un nombre de mesures divisible par trois, et, pour le Motto initial, trois motifs, en notation allemande l’anagramme musical des noms des trois Viennois, annoncés par trois instruments l’un à la suite de l’autre – le piano, le violon et le cor (l’excellent Takénori Némoto). Bien que d’une conception à contraintes, le Concerto n’a rien d’aride ou d’apprêté – tout y est grâce, lyrisme et passion, et l’interprétation des deux solistes comme des musiciens de l’harmonie de l’OPC, en dessine la perfection de la facture sans en diminuer la charge émotionnelle. Jean-François Heisser, fort de son expérience du Kammerkonzert en tant que pianiste, dirige avec toute la précision nécessaire, soignant les allures et maintenant le bon équilibre entre les pupitres – solistes et l’ensemble de treize musiciens, solistes à leur tour.


Marie-Josèphe Jude s’adapte avec sensibilité comme avec verve aux variations du premier mouvement, saisissant tout autant la délicatesse que le brillant que la partition exige de son instrument. Lors de l’Adagio central, la belle voix éloquente du violon de François-Marie Drieux chante en écho au Concerto à la mémoire d’un ange et son archet expressif capte la beauté convulsive de ce mouvement comme les accents douloureux qui le sous-tendent, sans doute in memoriam Mathilde Schönberg. Les «processus musicaux internes», selon la formulation de Berg, jouent sans doute aussi dans le troisième mouvement qui devient par moments un puissant souffle vital célébrant l’amitié, l’amour et le maître admiré. La densité sonore des multiples strates, rappels et fragments empilés des mouvements antérieurs, demande une grande vigilance, défi relevé et tenu, la prestation d’une netteté appropriée, le violon de Drieux toujours aussi émouvant surtout lors de la strette conclusive qu’il colore avec grâce.


Les deux valses de Johann Strauss transcrites par Webern et Schönberg font partie d’un ensemble de cinq arrangées pour les musiciens en nombre limité de la Société d’exécutions musicales privées que Schönberg avait créée en 1918 pour promouvoir les musiques contemporaines. Les trois compositeurs admiraient le talent d’invention de Strauss fils et l’habileté des arrangements en souligne effectivement les points forts: lignes, structure, harmonie et mélodie. La richesse des transcriptions (pour harmonium, piano et quatuor à cordes) est remarquable. Sans porter atteinte aux partitions, Heisser remplace l’harmonium par un accordéon et les six instruments sonnent avec le charme désuet des orchestres des grands hôtels d’antan. Les musiciens soignent la délicatesse de la Valse du trésor reprise par Webern, sans perdre de vue toute l’élégance, la nostalgie et les sourires discrets qui y sont inscrits. La célébrissime Roses du sud acquiert un piquant tout nouveau dans la formation restreinte adoptée par Schönberg et la battue de Jean-François Heisser laisse filtrer à travers la perfection recherchée le caractère taquin de ce clin d’œil délicieux vers un passé révolu.


Le Kammerkonzert attirant les musiciens jusqu’aux plus grands, les interprétations abondent et chaque mélomane aura ses préférences. Cette nouvelle version y trouvera sans doute sa place puisqu’elle bénéficie de la prestation de musiciens convaincus et d’une prise de son d’une belle clarté lumineuse. Les deux pièces en accompagnement marquent non seulement un contraste inattendu au Concerto mais aussi toute l’originalité de cet enregistrement bienvenu. Il est à noter que la notice reproduit en grande partie la lettre ouverte pleine d’enseignements que Berg adressa à Schönberg à l’occasion de la dédicace du Kammerkonzert, qui devait célébrer le cinquantième anniversaire de celui-ci.


Le site de l’Orchestre Poitou-Charentes


Christine Labroche

 

 

 

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