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04/22/2011
«Lux Nordica»
Edvard Grieg : Sonate pour violoncelle et piano en la mineur, opus 36 – Intermezzo
Jean Sibelius : Quatre pièces, opus 78 – Deux mélodies sérieuses, opus 77 – Malinconia, opus 20

Mattia Zappa (violoncelle), Massimiliano Mainolfi (piano)
Enregistré à la Siemensvilla, Berlin (5-7 mai 2010) – 67’48
Claves 50-1011 (distribué par Intégral) – Notice en français, anglais et allemand d’Etienne Barilier





«Lux Nordica» est le titre évocateur qui réunit les œuvres du programme original proposé ici par le violoncelliste suisse Mattia Zappa et le pianiste italien Massimiliano Mainolfi, qui se produisent en duo depuis leur rencontre à la Juilliard School de New York en 1994. Ce cinquième album est le deuxième qu’ils enregistrent pour le label Claves. (Le premier (2008), bien reçu par la critique, est consacré aux trois Sonates de Martinů). La confrontation qu’ils proposent entre les deux géants du nord, Edvard Grieg et Jean Sibelius dans le répertoire chambriste, s’avère tout à fait pertinente.


A part leur origine nordique, ce que les deux compositeurs ont de plus en commun c’est sans doute un fort sentiment national. Plus négativement, c’est peut-être le peu d’attention qu’ils accordaient chacun à la musique de chambre. Une génération les sépare tout comme les traditions musicales de leurs pays respectifs. Si le Duo Zappa-Mainolfi les réunit avec succès c’est peut-être par le caractère plus largement européen des œuvres présentées. La Sonate (1883) de Grieg conserve néanmoins quelques accents nationaux, grâce en partie à un thème emprunté à sa musique de scène pour Sigurd Jorsalfar, alors que c’est dans un esprit peut-être plus germanique que sibélien que le compositeur finlandais, absorbé par la composition de sa Cinquième Symphonie mais pressé par son éditeur, composa, entre 1914 et 1917, les six pièces, opus 77 et 78 dans un but autant alimentaire que purement musical. Malinconia (1900) reste à part: la pièce est écrite à l’intention du violoncelliste Georg Schneevoigt à qui elle est dédiée, mais sa nature intime relève sans doute d’un événement tragique qui a profondément affecté le compositeur, la mort de Kirsti, sa fille la plus jeune, sa préférée selon son épouse Aino. Sibelius, qui la disait «radieuse», ne devait plus jamais prononcer son nom.


La Sonate en la mineur de Grieg est peut-être la partition la plus célèbre de la sélection et le mélomane a sans doute déterminé sa préférence entre les différentes versions de valeur à sa disposition, telle celle de Steven Isserlis dont Zappa fut un temps l’élève. Le parallèle dessiné entre Grieg et un Sibelius plus rare rend la version Zappa-Mainolfi d’autant plus précieuse. La complicité manifeste qui existe entre les deux musiciens embellit leur interprétation passionnément intimiste ou d’un lyrisme épanoui tout à fait franckiste. Lors du premier mouvement plus particulièrement réussi, le piano joue sur l’ombre et la lumière, passant d’un toucher léger comme un nuage à un doigté musclé qui darde une lumière intense. La voix du violoncelle, romantique ou sombre et fiévreuse, laisse filtrer la douceur inquiète de lumières obliques. Le deuxième mouvement profite d’un éclairage comparable malgré un tempo plus alangui mais l’entente équilibrée entre les deux musiciens n’escamote pas pleinement les quelques longueurs du troisième mouvement plus extérieur et pourtant dansant et gracieux. Le court Intermezzo retrouve des racines norvégiennes soutenues par le piano en simple accompagnement ou en écho. Zappa profite des belles sonorités de son violoncelle Gabbrielli pour en souligner le charme de sa simplicité nostalgique.


Les trois œuvres de Sibelius connaissent une renommée plus confidentielle et ce sont surtout les musiciens nordiques qui les portent à notre attention. Thorleif Thedéen et Folke Gräsbeck en particulier offrent une déchirante interprétation âpre et désolée de Malinconia mais celle du Duo Zappa-Mainolfi, plus rageur, se compare favorablement. Bien que souvent déclarée peu représentative du style du compositeur malgré la puissance expressive, les envolées mélodiques et la tension permanente, la pièce mériterait d’être plus largement connue. Sibelius sollicite un violoncelle virtuose des profondeurs aux sommets de sa tessiture tout en exigeant un grand engagement personnel. Les deux instrumentistes relèvent le défi avec conviction, assurant sans faille les sauts d’humeur noirs ou doucement lumineux, les déferlements de rage et les essors presque rhapsodiques. Les thèmes mélodiques sonnent admirablement sous l’archet de Zappa et le piano presque lisztien de Mainolfi ruisselle, plaide ou s’affirme avec un jeu sur la résonance porté à l’extrême limite de la saturation.


Sibelius proposa des versions alternatives pour violon ou violoncelle avec piano pour les quatres pièces de l’Opus 78. «Romance» est souvent retenue seule sans doute à cause de son caractère un rien salonard, plus réussi que dans l’«Impromptu», mais, quoique regroupées de manière fortuite, ensemble, grâce à leurs climats complémentaires, les quatre pièces paraissent plus denses, la troisième, «Religioso», ajoutant une certaine hauteur de vue et l’ultime «Rigaudon» sa note de fantaisie. Le duo s’en acquitte très honorablement avec une élégance distanciée. La version originale des Deux mélodies sérieuses (opus 77), est pour violon (ou violoncelle) et orchestre, version plus révélatrice du talent de Sibelius, symphoniste, que la version avec piano plus tardive. La voix douloureuse du violoncelle, toujours soliste, porte en elle une confirmation de l’implication intime du compositeur. Zappa souligne avec force la mélancolie inhérente à la complainte «Cantique (Laetare anima mea)», et les riches modulations incessantes de «Dévotion (Ab imo pectore)» permettent à Mainolfi un piano plus démonstratif mais c’est grâce à leur engagement personnel et à la fine intelligence de leur sens musical qu’ils traduisent la noblesse d’âme de cette œuvre discrète.


On peut préférer les deux compositeurs dans d’autres registres mais le bel équilibre et l’entente qui existent entre les deux solistes donnent une valeur incontestable à un programme rare, tout à fait captivant.


Le site du Duo Zappa-Mainolfi


Christine Labroche

 

 

 

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