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03/29/2011 Franz Liszt : Années de pèlerinage – Supplément aux Années de pèlerinage: Venezia e Napoli
Mûza Rubackyté (piano)
Enregistré au centre Guillaume Farel de Marseille (13-18 janvier, 24-28 février et 26-30 mai 2003) – 170’
Album de trois SACD hybrides Lyrinx LYR 2216 (distribué par Codaex) – Notice de présentation en français et anglais
Franz Liszt : Années de pèlerinage, livre I: La Suisse
Richard Wagner : Mort d’Isolde (transcription: Franz Liszt)
Christian Chamorel (piano)
Enregistré au studio Dinemec de Gland (22-23 octobre 2008) – 58’
DORON music DRC 3052 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Franz Liszt : Après une lecture de Dante et Sonetto 104 del Petrarca, extraits de la «Deuxième année de pèlerinage» – Funérailles, extrait des «Harmonies poétiques et religieuses» – La leggierezza, extrait de «Trois études de concert» – Ballade n° 2
Christian Chamorel (piano)
Enregistré à la Hochschule für Musik und Theater de Munich (8-10 août 2005) – 57’
Gallo CD-1193 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (1811-1886) est le prétexte à la reparution d’enregistrements effectués dans les années 2000 par deux pianistes au style bien différent mais aux affinités lisztiennes indiscutables. Honneurs aux femmes: c’est Lyrinx qui remet sur le marché un triple album de 2003, à la réputation flatteuse, présentant l’intégrale des Années de pèlerinage par la pianiste d’origine lituanienne Mûza Rubackyté (née en 1959). Quel plaisir de retrouver cette lisztienne authentique, qui fait chanter son piano sans s’alanguir! Une lecture tout sauf routinière, qui ne ressemble à aucune autre, exaltant la liberté du discours, l’éloquence et la hauteur de vue, la personnalisation extrême des lignes mélodiques. Mûza Rubackyté emprunte une voie plus proche – de par son originalité même – de celle suivie par Aldo Ciccolini (EMI) et France Clidat (Decca) que des approches incontestables de Lazar Berman (DG) ou d’Alfred Brendel (Philips). La Première année de pèlerinage épate plus spécialement... tout autant qu’elle déroute d’ailleurs: pourquoi rechercher l’originalité à ce point dans les notes aigues d’«Au bord d’une source» ou d’«Eglogue»? Pourquoi interrompre aussi abruptement les élans vertigineux d’«Orage» ou heurter les dynamiques de «Pastorale»? Mais l’on apprécie tout ce que ce piano a d’authentique et d’entier, bien que l’on puisse rechercher davantage de profondeur métaphysique dans la Première année – comme chez Jorge Bolet (Decca) –, dans la Deuxième aussi – à laquelle manque la puissance d’un Brendel (Philips) –, et surtout dans la Troisième année de pèlerinage, où le geste de Mûza Rubackyté n’approche pas tout à fait le génie de Zoltán Kocsis (Philips) ou, pour évoquer un enregistrement datant de la même année que l’album Lyrinx, de Nicholas Angelich (Mirare).
Christian Chamorel (né en 1979) livre, quant à lui, l’intégralité du premier recueil et des bribes du deuxième. Un pianiste suisse qui enregistre le recueil sous-titré La Suisse: voilà qui pourrait sembler comme une facilité! Relevons plutôt qu’il en vient à bout en huit minutes de plus que Mûza Rubackyté, en révélant certains détails négligés (dans «Vallée d’Obermann» ou «Le mal du pays», par exemple) mais sans qu’on perçoive toujours la plus-value interprétative de ce refus de la rapidité. Celui-ci permet au soliste d’appuyer considérablement sa frappe sur un piano qui menace de devenir trop sonore (un «Orage» tapageur, «Au lac de Wallenstadt» presque pesant) et qui en vient par moments à malmener la ligne de chant, abusant d’une désagréable tendance à étirer les tempos en fin de fin de phrase. Mais les moyens de Christian Chamorel sont accomplis et le toucher très sûr. Pas certain malheureusement que cela suffise pour retenir l’attention d’un mélomane sur lequel la pluie des enregistrements lisztiens s’abat à un rythme effréné et qui n’a que l’embarras du choix dans cette Première année de pèlerinage. Au contraire, les deux extraits de la Deuxième font regretter de ne pas disposer d’une version intégrale du recueil italien, tant le «Sonnet n° 104» et «Après une lecture de Dante» séduisent par un mélange de grandeur furieuse et de lisibilité sonore, qui siéent si bien à l’éloquence de ces pages. Quant aux compléments, si la trop clinquante Mort d’Isolde manque cruellement d’évanescence et bien que la Deuxième ballade et Funérailles respirent une jeunesse frémissante (à la main gauche avantageusement musclée) mais un tantinet «premier degré», on est conquis par l’admirable maîtrise de La leggierezza.
Le site de Mûza Rubackyté
Le site de Christian Chamorel
Gilles d’Heyres
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